Question au Gouvernement n° 842 :
construction navale

11e Législature

Question de : M. Daniel Paul
Seine-Maritime (8e circonscription) - Communiste

Question posée en séance, et publiée le 22 octobre 1998

M. le président. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, les Ateliers et chantiers du Havre, deuxième chantier naval civil de France, sont menacés dans leur existence même, et avec eux les 2 500 emplois qu'ils génèrent. La catastrophe industrielle qui menace est née en 1995 d'une commande hors normes imposée aux chantiers. Le Gouvernement a hérité de cette situation en juin 1997; il l'a assumée, permettant aux chantiers de poursuivre les constructions en cours.
Aujourd'hui, la question centrale est celle du devenir de l'entreprise. Les compétences des personnels sont intactes et les possibilités de commandes sur les créneaux porteurs des ACH sont réelles.
Faut-il rappeler la vocation maritime de notre pays et le lourd tribut déjà payé par la France aux politiques européennes de la navale ? Le Gouvernement a demandé que la reprise s'inscrive dans un projet industriel viable. Or il est possible d'aboutir à la constitution d'un pôle français de la navale en suscitant une synergie entre un chantier de Cherbourg et le chantier havrais. Mais d'autres possibilités de reprise par des chantiers étrangers existent également.
Chacun comprend l'urgence d'une solution, mais les lourds enjeux sociaux, industriels et financiers justifient un examen dans des conditions optimales de toutes les propositions. De Cherbourg au Havre, on note une demande unanime d'une solution positive pour les emplois et pour la filière navale nationale.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que, rompant avec les pratiques antérieures, le Gouvernement de gauche mette tout en oeuvre en ce sens et qu'on procède aux concertations nécessaires avant toute décision. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le député, l'entreprise ACH est en effet confrontée à de très grandes difficultés pour construire les chimiquiers en question et, comme vous le savez, elle a pris plus de deux ans de retard dans ce chantier. Les pertes sur cette commande s'élèvent aujourd'hui à 1 870 millions de francs, alors que le prix des chimiquiers qui sera payé par l'armateur n'est que de 1 100 millions de francs.
Je le dis clairement, comme vous d'ailleurs: ceux qui ont pris la responsabilité de cette commande en 1995 ont commis une grave erreur. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Dès le mois de juin 1997, le Gouvernement s'est beaucoup et loyalement investi dans toutes les étapes du dossier. Nous avons fait tout ce qu'il est possible de faire pour soutenir et maintenir l'activité.
M. Franck Borotra. C'est-à-dire pas grand-chose !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Depuis de nombreux mois, vous le savez aussi, l'entreprise n'a plus de rentrées d'argent et c'est l'Etat, c'est-à-dire le contribuable, qui lui verse les fonds nécessaires à l'exploitation courante, soit, en moyenne, une subvention de 100 millions de francs par mois.
Il s'agit d'une société privée - j'insiste sur ce terme - qui emploie 800 salariés. Vous pouvez mesurer l'effort réel consenti par le Gouvernement pour tenter de sauver le chantier.
Nous avons laissé les coudées franches à l'entreprise pendant un an pour rétablir la situation et se doter de réelles perspectives d'avenir industriel. Force est de constater qu'elle n'y est pas arrivée aujourd'hui.
En juin dernier, nous avons, Dominique Strauss-Kahn et moi-même, mandaté une expertise sur l'état du chantier à M. Piketty, ingénieur général des mines. Cette expertise a conclu que la poursuite de l'activité du chantier en jeu, au demeurant difficile, nécessite la reprise par un grand mondial du secteur de la construction navale.
Sur cette base, le Gouvernement a donné un mois à l'entreprise pour rechercher un nouvel actionnaire de référence. Au terme de ce délai, et après une très vaste consultation auprès de tous les grands chantiers mondiaux, sur tous les continents, dix-neuf entreprises ont été effectivement consultées, et trois entreprises ont exprimé des marques d'intérêt et étudient le dossier.
Cette démarche a été menée par M. Strauss-Kahn et moi-même dans un esprit de totale transparence et de concertation permanente, dont vous avez été témoin, en associant tous les élus locaux partie prenante à ce problème.
Si une solution crédible est possible, le Gouvernement fera tout pour aider à sa mise en oeuvre. Tel n'était pas, hélas ! le cas de l'offre présentée par les Constructions mécaniques de Normandie et Services et transports qui, pour une mise de fonds de 50 millions de francs de l'armateur et du chantier de Normandie, exigeaient plus de 6 milliards de mise de fonds de l'Etat, sous forme notamment d'exonérations fiscales.
Les chantiers de Normandie ont donc jusqu'à demain pour faire une nouvelle proposition, s'ils sont porteurs d'un véritable projet industriel.
Après deux mois de contact, et alors qu'une offre de reprise crédible, ferme et financièrement engageante pour l'éventuel repreneur doit être remise demain au plus tard, nous ne disposons pas encore d'une telle proposition.
Aujourd'hui même, en fin de matinée, le groupe Kvaerner a souhaité mener un nouvel examen du chantier pour pouvoir élaborer son offre. Si celle-ci s'avère concrète, réaliste et financièrement sérieuse, dans les jours qui viennent, elle sera prise en considération.
Ainsi, monsieur le député, vous le savez personnellement, comme d'autres ici, car je suis presque quotidiennement en contact avec vous, nous avons mis toute notre détermination en oeuvre pour faire le maximum afin de trouver une solution positive.
A défaut, il n'existe aucune autre solution responsable, si nous échouons, que d'achever les navires actuellement en construction. Au total, trois navires peuvent être achevés, si tout va bien, dans les deux ans qui viennent. Nous pouvons mettre à profit cette période pour préparer la conversion du site, en mettant en oeuvre un programme ambitieux de redynamisation industrielle créatrice d'emplois nouveaux dans la région du Havre, dans l'intérêt des travailleurs de l'entreprise et des habitants de la région, en particulier ceux du Havre et de la région normande.

Données clés

Auteur : M. Daniel Paul

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Industrie

Ministère interrogé : industrie

Ministère répondant : industrie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 octobre 1998

partager