Question au Gouvernement n° 854 :
Conseil européen

11e Législature

Question de : M. François Loncle
Eure (4e circonscription) - Socialiste

Question posée en séance, et publiée le 28 octobre 1998

M. le président. La parole est à M. François Loncle.
M. François Loncle. Monsieur le Premier ministre, le sommet européen qui s'est tenu, le week-end dernier, à Pörtschach en Autriche était certes informel. Mais, aux yeux de la plupart des observateurs, ce sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des quinze pays de l'Union, où vous représentiez la France avec M. le Président de la République et où vous avez accueilli de nouveaux dirigeants européens - Gerhard Schröder pour l'Allemagne et Massimo D'Alema pour l'Italie -, ce sommet, par les convergences exprimées et les impulsions politiques décidées, semble avoir marqué une nouvelle étape pour la construction européenne.
Que peut-on attendre, dans les prochains mois, de la nouvelle tonalité progressiste et volontariste qui s'est manifestée lors de ce sommet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, je suis heureux que cette question («Tiens donc !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) me permette d'informer l'ensemble de l'Assemblée nationale sur une rencontre informelle, qui vient de se dérouler à Portschach en Autriche, sous présidence autrichienne, et à laquelle j'ai participé au côté du Président de la République. La représentation nationale s'intéresse en effet à ces questions et souhaite sans doute être informée plus directement que par les échos de presse, aussi utiles que ceux-ci soient. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Pierre Lellouche. Bravo ! Quelle allitération !
M. le Premier ministre. Pardonnez-moi. Il n'y a pas que les «serpents qui sifflent sur vos têtes», monsieur Lellouche ! (Sourires.)
Il est vrai que nous avions voulu un sommet informel, à Birmingham, afin que les chefs d'Etat et de gouvernement puissent, avec du temps, sans la pression de l'urgence, en allant au fond des sujets, de façon directe et simple, discuter des grands objectifs de l'Union européenne, qui a devant elle des rendez-vous fondamentaux - Agenda 2000, son financement, l'élargissement, la mise en place de l'euro -, et en même temps réfléchir aux moyens qui permettraient de servir ces objectifs en améliorant les modes de fonctionnement, et éventuellement le dispositif institutionnel de l'Union. De ce point de vue, ni le chef de l'Etat ni moi-même n'avons été déçus par ce sommet, qui a permis effectivement la liberté de ton et l'approfondissement des sujets qui étaient à notre ordre du jour.
La première journée, ou plus exactement le premier après-midi et la soirée, en présence de celui qui devient le nouveau chancelier allemand, Gerhard Schröder, et de Massimo D'Alema, ont été centrés sur ces grands objectifs, avec comme dominantes les questions économiques et sociales - j'y reviendrai parce que c'est intéressant.
La deuxième journée, en réalité la matinée, a été centrée sur les problèmes institutionnels et fonctionnels avec une dominante fonctionnelle. Dans l'immédiat, nous nous nous sommes en effet davantage interrogés sur les façons pratiques de faire fonctionner plus efficacement la mécanique de l'Union, plutôt que sur des modifications institutionnelles, qui sont par ailleurs devant nous. Le trait d'union entre ces deux discussions sur les objectifs et les moyens se résume en un mot: la volonté, qui s'est exprimée très clairement, d'une plus grande cohésion de l'Union européenne autour de son identité et de son modèle. C'est un bon résultat des discussions de Pörtschach.
S'agissant des questions économiques et sociales, qui ont dominé ce sommet, nous nous trouvions au carrefour de deux réalités: le mouvement de la construction de l'euro - décision structurelle fondamentale, mouvement de long terme - et le mouvement de la crise financière, d'une conjoncture que nous allons dépasser, je l'espère, mais qui a accéléré la maturation de certaines idées. De ce point de vue, comme la presse en a rendu compte, on a senti, lors de cette rencontre informelle, des évolutions notables sur des thèmes que le nouveau gouvernement français tâche de faire passer dans l'Union européenne depuis un an et demi, à savoir les thèmes de la croissance, de la lutte contre le chômage et pour l'emploi, de la coordination économique face au pôle monétaire, de la nécessaire harmonisation fiscale. S'agissant de ce dernier thème, comment pourrions-nous en effet accepter, au nom des règles de l'Union, de faire évoluer certains monopoles ou services publics si l'on nous dit, dans le même temps, que de telles règles ne doivent pas s'appliquer dans le domaine de la fiscalité au point de provoquer des distorsions de concurrence ? Les idées d'harmonisation fiscale, de refus du dumping social, que nous faisons passer dans l'Union européenne depuis seize mois, de façon un peu solitaire, sont donc tout à coup apparues au grand jour, dans le sommet de Pörtschach, comme des accents dominants de l'Union européenne. Nous pouvons être contents du travail que nous avons accompli. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Peut-être la crise financière internationale a-t-elle fait mûrir les choses et provoqué des réflexions en rupture avec une sorte d'euphorie libérale, qui n'a pas sa place dans un contexte de dérégulation des marchés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Peut-être sommes-nous conscients, monsieur le député, que nous sommes dans une nouvelle période historique. L'inflation a été vaincue en Europe. En revanche, le chômage reste dominant et il faut réorienter les hiérarchies de notre politique économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur quelques bancs du groupe communiste. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Sans doute, enfin, y sont pour quelque chose les changements politiques voulus par les peuples qui se sont produits en Europe depuis un an et demi et qui commencent à marquer la réalité de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Reste, bien sûr, à le traduire concrètement dans les faits. Malgré tout, si ces thèmes sont mis au premier rang des préoccupations de l'Europe, celle-ci pourra devenir plus proche de nos peuples, au moins autant que ne le permettrait un travail sur la transparence ou sur les réformes institutionnelles.
Pour terminer (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), je voudrais vous dire que les problèmes de justice, d'insécurité et de lutte contre la criminalité organisée ont également été abordés dans ce sommet. Ils devraient faire l'objet d'une autre rencontre informelle, sans doute sous présidence finlandaise, c'est-à-dire dans la deuxième partie de l'année 1999.
Sur les questions de défense, à propos desquelles le Président de la République s'est naturellement tout particulièrement exprimé, il nous a semblé que les Britanniques allaient peut-être aborder de façon nouvelle les problèmes liés à la sécurité européenne. Reste, là encore, à décoder cette nouvelle approche. Le Gouvernement y travaillera avec le Président de la République.
Si ce sommet de Pörtschach pouvait être à la fois celui de la volonté réaffirmée des politiques et celui de la cohésion retrouvée d'un modèle européen, nous aurions lieu de nous réjouir de sa tenue. Je m'efforcerai, à ma place, d'en faire fructifier le message. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. François Loncle

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 octobre 1998

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