construction navale
Question de :
M. Jean-Yves Besselat
Seine-Maritime (7e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 28 octobre 1998
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Besselat.
M. Jean-Yves Besselat. Ma question, qui s'adresse au ministre de l'industrie, concerne le chantier naval Ateliers et chantiers du Havre.
Monsieur le ministre, par un brutal communiqué du 22 octobre 1998, vous avez mis un terme aux conversations engagées avec les éventuels repreneurs d'un chantier gravement perturbé par la réalisation d'une commande de trois navires chimiquiers. D'autres chantiers navals européens de très bonne qualité, tant au Danemark qu'en Italie, ont d'ailleurs été également gravement lésés par les constructions de ces navires chimiquiers, ce qui signifie que la qualité des Ateliers et chantiers du Havre n'est pas en cause.
Le texte du 22 octobre est brutal parce qu'il est intervenu alors qu'une discussion sérieuse avait été entamée avec un grand groupe, repreneur potentiel, et parce que tous les élus de la région du Havre, unanimes, quelle que soit leur tendance politique, ont appris la décision du Gouvernement par une dépêche de l'agence France Presse («Scandaleux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République), sans qu'il y ait eu une quelconque concertation préalable. C'est tout à fait inacceptable !
Ce texte a plongé le chantier naval et la ville du Havre dans une profonde consternation. D'ailleurs, le maire du Havre, M. Antoine Ruffenacht, a fait l'objet d'une agression injustifiée.
M. Charles Cova. De la part de la CGT ?
M. Jean-Yves Besselat. Vous avez organisé ce matin même, monsieur le ministre, avec le ministre des finances, une réunion de travail sur ce dossier. Nous nous sommes quittés sur un constat de désaccord; nous avons refusé de parler reconversion et plan social et nous vous avons clairement indiqué qu'il fallait donner du temps au temps. Deux mille cinq cents emplois sont en jeu, et non huit cents, comme l'indiquait votre communiqué.
J'appelle votre attention sur le fait que le port du Havre est un enjeu national, sinon international, pour notre pays. Je vous demande, au nom de toute la communauté havraise, de nous dire qu'il y a un vrai avenir pour ce chantier, comme pour la construction navale en France, car j'ai le sentiment qu'il y a sur ce point un doute dans les esprits.
C'est là le message fort de la place portuaire du Havre.
J'ai tendance à dire, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'il serait intelligent de changer d'avis aujourd'hui.
M. André Santini. Est-ce possible ?
M. Jean-Yves Besselat. Ma question sera donc celle-ci: monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire, pouvez-vous me dire, et l'ensemble du Havre vous écoute, s'il existe un véritable avenir pour les Ateliers et chantiers du Havre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le député, la décision que nous avons prise jeudi était en effet grave et difficile. Le Gouvernement mesure pleinement le désarroi des salariés et de leurs familles.
Cette décision, vous le savez, vous l'avez même écrit, est l'aboutissement d'une décision malencontreuse, catastrophique, prise en 1995 à l'incitation du gouvernement de l'époque, de prendre la commande de navires pour lesquels les Ateliers et chantiers du Havre n'étaient pas conçus. («C'est faux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et indépendants.)
Dominique Strauss-Kahn et moi-même avons traité le dossier dans la plus grande transparence et avec un souci constant de la concertation et du dialogue avec les élus. Nous avons mandaté, comme vous le savez, une expertise auprès de l'ingénieur général des mines M. Piketty. Celui-ci a conclu à l'impossibilité de poursuivre l'activité du chantier sans adossement à un repreneur professionnel de la construction navale.
M. Franck Borotra. Vous n'avez rien fait pendant neuf mois ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Fin août, avec votre accord et avec celui des élus qui vous accompagnaient, un délai d'un mois a été accordé pour rechercher ce repreneur. Dix-neuf chantiers navals ont été contactés; dix se sont déclarés intéressés, trois se sont déclarés en mesure de déposer une offre.
Fin septembre, les perspectives ouvertes par les contacts en cours ont conduit le Gouvernement à prolonger une nouvelle fois le délai de trois semaines, à la demande d'ailleurs du président de la société. A l'issue de ce délai, il est apparu malheureusement qu'aucune offre crédible ne serait remise...
M. Jean-Yves Besselat et M. Didier Quentin. C'est faux !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. ... et qu'aucune discussion pouvant conduire à une offre n'était en cours.
Le refus, il y a quelques minutes, mais vous le savez certainement, monsieur le député, pour m'en avoir souvent parlé - du chantier naval Kvaerner de faire une offre est, hélas ! la confirmation que telle était bien la situation.
M. Jean-Yves Besselat. C'est faux !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. De fait, aussi bien Constructions mécaniques de Normandie, Alter - Marine que Kvaerner se sont déclarées publiquement et officiellement dans l'incapacité de faire une offre.
M. François Goulad. Demandez à Tapie !
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. En juin 1997, les pertes de l'entreprise sur le contrat des chimiquiers s'élevaient à 1 milliard de francs. Malgré des subventions mensuelles moyennes de 100 millions, l'entreprise n'a pas pu maîtriser la réalisation de cette commande et les pertes totales se montent aujourd'hui à 1,87 milliard de francs. L'Etat ne peut continuellement financer le besoin de fonds de roulement d'une entreprise privée à la hauteur de 100 millions par mois, ce n'est pas raisonnable.
Le Gouvernement assume sa responsabilité. Bien sûr, il est disposé, comme M. Strauss-Kahn et moi-même vous l'avons dit ce matin, à regarder l'offre d'un hypothétique repreneur: mais il est certain qu'on ne conduit pas une politique dans l'attente d'un miracle ! Dans ce contexte, la seule attitude responsable consiste, hélas ! à prendre acte et à préparer le site à la réindustrialisation.
M. Renaud Muselier. Comme à La Ciotat ?
M. le secrétaire d'Etat à l'industrie. Ne pas le faire conduirait délibérément les salariés et la ville du Havre à une catastrophe plus grave encore.
M. Dominique Strauss-Kahn et moi-même, comme tout le Gouvernement, souhaitons y travailler ensemble, dans la concertation et le dialogue. Je vous invite à travailler avec nous, dans cette perspective de rénovation du tissu industriel du Havre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Auteur : M. Jean-Yves Besselat
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 octobre 1998