politique de l'énergie
Question de :
M. Dominique Perben
Saône-et-Loire (5e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 28 octobre 1998
M. le président. La parole est à M. Dominique Perben.
M. Dominique Perben. Monsieur le Premier ministre, je souhaite une nouvelle fois vous interroger sur la politique énergétique et donc sur la politique industrielle du Gouvernement. Le 17 juin dernier, j'avais obtenu à ce sujet alors de M. Pierret une réponse plutôt rassurante pour tous ceux qui travaillent dans le secteur du nucléaire civil, en particulier, les personnels de Framatome. La semaine dernière, deux questions ont été posées ici même. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le secrétaire d'Etat à l'industrie se sont alors voulus rassurants. Malheureusement, deux jours après, Mme Voynet annonçait lors d'une interview accordée à un journal du matin, premièrement, le remplacement progressif des centrales nucléaires par d'autres moyens de production énergétique...
M. Jacques Myard. Irresponsable !
M. Dominique Perben. ... - sans d'ailleurs dire lesquels; deuxièmement, la remise en cause pour la France du réacteur du futur EPR. Par ailleurs, elle confirmait le changement d'orientation de notre pays.
M. Jacques Myard. Démission !
M. Dominique Perben. Cette contradiction entre vos ministres, monsieur le Premier ministre, est trop grave. Vous le savez, les industries concernées se sont mises en capacité de conserver leur savoir-faire. Elles se battent sur le plan international en comptant sur des perspectives françaises à long terme. J'observe par ailleurs l'absence, de la part du Gouvernement, de vraies décisions sur la question cruciale des déchets.
Vous ne pouvez pas laisser planer d'ambiguïté sur l'orientation de la politique énergétique française. Les délais entre décision et réalisation sont très longs. L'ensemble des acteurs de la filière nucléaire civile ont besoin de savoir où ils vont. Les enjeux en termes non seulement d'emplois mais de compétitivité sont considérables.
De nombreux salariés s'interrogent. Aujourd'hui, ils s'inquiètent. Nous avons demandé à plusieurs reprises que soit organisé ici même un grand débat sur la politique énergétique française. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous devez accepter l'organisation de ce débat ! En attendant, je souhaite que vous me disiez enfin quelle est la politique nucléaire civile de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, le Gouvernement a déjà répondu à cette question la semaine dernière. Néanmoins votre inquiétude semble telle qu'il convient de vous répondre plus précisément encore.
M. Jean-Louis Debré. A cause de Mme Voynet !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vais vous répondre au nom du Gouvernement dont la politique énergétique est claire en dépit des craintes que vous pouvez avoir.
M. Jacques Myard. En dépit de Mme Voynet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. 75 % de notre électricité est d'origine nucléaire et, pendant longtemps encore, cette source restera prédominante - même si Dieu seul sait ce qui se passera dans trente, quarante ou cinquante ans. Que pour autant, il faille regarder vers d'autres sources d'énergie et tenir compte de tous les progrès de la science, chacun y souscrit !
M. Francis Delattre. Les éoliennes ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous disposons d'un parc nucléaire qui a coûté à notre pays beaucoup d'investissements: il nous permet aujourd'hui d'avoir une électricité peu chère, qui est un élément de la compétitivité de notre économie. Nul n'a l'intention d'y renoncer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe du Rassemblement pour la République.)
Vous vous posez des questions à propos des déchets. C'est en effet un des problèmes les plus aigus du cycle du nucléaire. Nous y réfléchissons, comme l'ont fait les gouvernements précédents. Une loi votée en 1991 détermine plusieurs pistes de recherche visant à l'élimination de ces déchets. Cette loi sera respectée et, dans un délai très bref, une décision particulière concernant les laboratoires souterrains sera mise en oeuvre. («Bien !» sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Certes, nous l'avons tous constaté, nos voisins allemands prennent une orientation assez différente. Cela, qui ne facilite pas l'environnement du nucléaire ne remet pas en cause l'engagement de la France en la matière.
Par ailleurs, certaines coopérations sont en cours avec des entreprises allemandes, comme le réacteur du futur, dont vous parliez et sur lequel Framatome travaille avec Siemens.
La question est effectivement posée: dans quelle mesure notre partenaire allemand veut continuer dans cette voie ? Aucun élément ne nous fait encore penser qu'il veuille y renoncer. Mais c'est une entreprise privée qui est concerné, et c'est donc elle qui décidera, compte tenu du contexte de son propre pays.
En tout état de cause, je considère, pour ma part, que les résultats des recherches sont très intéressants, que le réacteur du futur sera particulièrement sûr. Il serait par conséquent extrêmement dommage que notre partenaire allemand veuille y renoncer.
M. Pierre Lellouche. Mme Voynet est-elle du même avis ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Quant à nous, nous voulons continuer à mettre au point ce réacteur qui est bien le réacteur du futur. Nous n'en avons pas encore besoin en France, car notre parc est suffisamment important; mais nous en aurons besoin lorsqu'il faudra remplacer les centrales actuelles.
Je serai clair, pour que vous n'ayez pas à consacrer de nouveau une de vos questions à ce problème (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants), ce qui vous permettra, la prochaine fois, de balayer un champ plus large des préoccupations gouvernementales: la France est engagée depuis des décennies dans l'énergie nucléaire et elle entend poursuivre sur cette voie; toutefois, cela ne lui interdit nullement, et Mme Voynet, de ce point de vue-là, est l'instigatrice d'intéressantes pistes de recherche (Exclamations sur les mêmes bancs), d'explorer d'autres directions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Auteur : M. Dominique Perben
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 28 octobre 1998