politique de l'emploi
Question de :
M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 1998
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les efforts entrepris par le Gouvernement en faveur de l'emploi, notamment avec les 35 heures et les emplois-jeunes auxquels le groupe communiste a apporté un soutien actif, risquent d'être ruinés par le massacre de l'emploi qui se poursuit avec les plans de licenciements que l'on annonce un peu partout dans notre pays. Des chantiers du Havre, à Levi-Strauss dans le Nord, ...
M. Philippe Briand. Accordez vos violons !
M. Alain Bocquet. ... dont vous venez de recevoir les représentants syndicaux, en passant par Chausson en région parisienne, les Salins du Midi ou encore, on vient de l'entendre, RVI dans le Cavaldos, la même logique prévaut.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française. Eh oui !
M. Alain Bocquet. Le CNPF a beau changer d'enseigne, les agressions du grand patronat contre les salariés ne connaissent aucune trève !
M. Jacques Myard. Dinosaure !
M. Alain Bocquet. Dans les conseils d'administration de sociétés avides de rentabilité, les travailleurs sont considérés comme de simples variables d'ajustement. On fait peu de cas de la vie de femmes et d'hommes, on se soucie peu de l'avenir de régions entières victimes de la casse de l'emploi.
Nous ne pouvons accepter cet acharnement contre la politique de gauche, qui se traduit par la multiplication des licenciements économiques et la délocalisation d'entreprises de France vers l'étranger...
M. Jean-Michel Ferrand. Ce n'est que le résultat de votre politique ! Et ce n'est pas fini, avec les 35 heures !
M. Alain Bocquet. ... tout en bénéficiant d'importantes aides publiques.
Cette situation ne peut durer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République). Il est urgent de prendre les mesures attendues par les salariés et leurs élus. Les plans de reconversion, les travailleurs savent d'expérience ce qu'ils signifient: la droite en a fait beaucoup dans le passé. Ils ne veulent pas lâcher la proie pour l'ombre et ils ont raison.
Les parlementaires communistes ont fait des propositions concrètes...
M. Jean-Louis Debré. Dites-le à Gayssot !
M. Alain Bocquet. ... pour instaurer un moratoire des licenciements et des droits nouveaux pour les salariés leur permettant d'intervenir réellement en amont. Ces propositions ne sont pas à prendre ou à laisser; elles ont simplement le mérite d'exister. Il est urgent d'agir à la hauteur de l'enjeu, car l'immobilisme en la matière peut être tragique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République). Il y va de la vie et de l'avenir de centaines de milliers d'êtres humains, d'un développement bien compris de nos régions, de notre économie et de l'emploi. Il y va aussi de la réussite de la gauche.
Madame la ministre, nous souhaitons connaître les mesures concrètes et globales que le Gouvernement entend mettre rapidement en oeuvre dans ce domaine essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Jacques Myard. C'est un véritable réquisitoire !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, la meilleure façon d'éviter les licenciements...
M. Renaud Muselier. C'est qu'il n'y ait pas d'embauche ?
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. ... c'est de favoriser une activité et une croissance forte (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) et c'est ce que le Gouvernement fait depuis son entrée en fonctions en relançant la croissance et en préparant les emplois de demain.
M. Franck Borotra. Elle est déboussolée !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Rappelons quand même que le nombre de licenciements a baissé de 20 % durant les huit premiers mois de l'année 1998 par rapport aux huit premiers mois de l'année 1997. Pour autant, cela ne met pas fin à l'angoisse de nombre de salariés confrontés à des licenciements lourds et difficiles même si, parfois, c'est le cas des chantiers du Havre, il était malheureusement difficile de faire autrement, du fait des décisions prises antérieurement.
Tout comme vous, lorsque je reçois les salariés de Levi's, je me pose la même question: quand cette marque aussi reconnue dans le monde entier est capable de produire le fameux jean au quart du prix de vente en boutique, comment peut-elle fermer sa seule usine française à La Bassée ? Cette question, je la poserai à la direction générale Europe Levi's que je recevrai dans quelques jours.
Mais au-delà, nous devons faire en sorte que les entreprises désireuses de licencier en payent le coût dès lors qu'elles en ont les moyens.
Dès ma prise de fonctions, j'ai envoyé des directives à mes services appelant leur attention sur la rigueur du contrôle des plans sociaux. On ne peut se contenter d'un chèque lorsqu'on a de l'argent. Il faut reclasser, ramener des emplois. Cette réalité doit être prise en compte par l'administration du travail, et les plans refusés lorsque ce n'est pas le cas. Un amendement déposé par votre groupe a été accepté dans la loi contre les exclusions, qui permet désormais à l'administration du travail de contrôler a posteriori la réalité des plans sociaux.
Cela dit, et sur ce point aussi je vous rejoins, on ne peut gagner de l'argent et faire payer les restructurations par la collectivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.) C'est la raison pour laquelle nous avons réduit les préretraites accordées à certains grands groupes qui, chaque année, présentaient des plans sociaux avec 70 % de préretraites payées par la collectivité nationale. Ce taux a été abaissé à 20 % et nous avons multiplié par deux les contributions que les entreprises doivent apporter pour leur financement.
Par ailleurs, je viens de décider d'augmenter la contribution dite Delalande, payée par les entreprise amenées à licencier les salariés fragiles ou de plus de cinquante ans.
Reste la réduction du temps de travail, qui a provoqué tant de cris tout à l'heure. Elle doit être partout utilisée dans les plans sociaux, avant toute autre mesure. D'ores et déjà, 51 accords ont été signés, touchant 10 000 salariés et préservant 1 000 emplois. En deux mois et demi, ce n'est pas si mal. Nous devons poursuivre l'effort. Avec Mme Péry, nous travaillons pour que la formation dans les entreprises permette d'anticiper les emplois et les métiers de demain, afin de les rendre plus compétitives en améliorant encore la qualification de leurs salariés. Et les licenciements ne doivent pas être des phases de rupture et d'isolement, mais bien des périodes où les salariés puissent se former et rebondir positivement.
Voilà l'ensemble des dossiers en cours. Croyez bien que le Gouvernement reste très attentif à chaque licenciement et à chaque plan social présenté: nous savons que, derrière, ce sont des hommes et des femmes qui sont plongés dans l'angoisse, souvent des familles et parfois des régions entières. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. Alain Bocquet
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Emploi
Ministère interrogé : emploi et solidarité
Ministère répondant : emploi et solidarité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 octobre 1998