Bangladesh
Question de :
Mme Muguette Jacquaint
Seine-Saint-Denis (3e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 1998
M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le 10 décembre prochain, nous célébrerons le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
M. Pierre Lellouche. Vous êtes bien placée pour poser la question !
M. Jean Auclair. Pas vous !
Mme Muguette Jacquaint. En dépit de ce texte majeur, désormais de portée universelle, des violations des droits humains fondamentaux continuent à être perpétrées de par le monde. (Vives exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. Un peu de silence !
M. Pierre Lellouche. Et Pol Pot ! et Staline ! Et Castro !
Mme Muguette Jacquaint. Aujourd'hui, des gens doivent s'exiler pour fuir la torture, l'emprisonnement et même la mort.
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. Pas vous ! Pas vous !
Mme Muguette Jacquaint. Comment ne pas évoquer la situation de Mme Taslima Nasreen, écrivain dont le talent a permis de faire connaître la culture de son pays dans le monde, mais aussi la situation qu'on y réserve aux femmes. En se rendant au Bangladesh au chevet de sa mère mourante... («Goulag ! Goulag !» sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Vous êtes insolents et odieux !
M. Jean-Claude Lefort. Monsieur le président, c'est scandaleux !
M. le président. Mes chers collègues, madame Jacquaint a raison. Ecoutez-vous et respectez-vous les uns les autres. Sinon, ne vous étonnez pas qu'il y ait du chahut quand vous posez vos questions.
Je demande qu'on se respecte !
Respectez ceux qui posent des questions, comme ils vous ont respecté en vous écoutant. Et faites silence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Poursuivez madame Jacquaint.
Mme Muguette Jacquaint. Mme Taslima Nasreen non seulement risque la prison mais elle est menacée de mort par le fanatisme, par l'obscurantisme religieux, pour avoir défendu dans son pays la liberté d'expression et les droits des femmes. Le 2 octobre, elle lançait un appel au secours. Si vous ne m'écoutez pas, écoutez-la !
«Je me cache désormais. Si je suis arrêtée, je serai mise en prison. Si j'essaye encore de me rendre au tribunal...» (De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants quittent l'hémicycle. - Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. Un peu de silence ! Laissez Mme Jacquaint terminer sa question.
Mme Muguette Jacquaint. «... dans le but de tenter de négocier une caution, ce sera à mes risques et périls.»
La France, berceau des droits de l'homme, a une responsabilité particulière dans ce combat universel. Au-delà de la solidarité active, notre gouvernement se doit de mobiliser toutes ses capacités d'intervention auprès des dirigeants des Etats qui violent les droits de l'homme.
Monsieur le Premier ministre, en cette année du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, comment entendez-vous sauver Mme Taslima Nasreen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Madame la députée, le ministère des affaires étrangères suit avec attention la situation de Mme Taslisma Nasreen. Exilée depuis quatre ans, elle a fait le choix, comme vous l'avez rappelé, de rentrer dans son pays pour assister sa mère gravement malade. Son principal ouvrage, La Honte, lui a valu les foudres d'une poignée d'intégristes...
M. Jean-Claude Lefort. La honte est là-bas...
M. André Gerin. ... sur les bancs de la droite !
M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. ... qui lui reprochent la dénonciation non seulement du Coran et de ses excès, mais aussi de la situation faite aux femmes dans ce pays. Elle tombe sous le coup de l'article 295 A du code pénal du Bangladesh qui prévoit jusqu'à deux ans d'emprisonnement pour toute personne ayant heurté les sentiments religieux.
Nous avons pris acte des observations du ministère des affaires étrangères du Bangladesh qui souhaite qu'on aborde la question sous l'angle humanitaire. Notre ambassadeur est, évidemment, depuis longtemps alerté. Nous avons, en outre, demandé à nos partenaires européens que tous leurs ambassadeurs fassent pression et se tiennent prêts à intervenir si d'aventure la situation de Mme Nasreen venait à se dégrader.
M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Vous l'avez rappelé, et c'est évidemment le point de vue du gouvernement français, la liberté d'expression inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme dont nous allons célébrer dans quelques jours le cinquantième anniversaire mérite d'être défendue avec fermeté et persuasion partout dans le monde.
Je voudrais vous donner l'assurance que nous nous y employons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe Radical, Citoyen et Vert et sur divers bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Auteur : Mme Muguette Jacquaint
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : coopération
Ministère répondant : coopération
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 octobre 1998