Question au Gouvernement n° 934 :
Irak

11e Législature

Question de : M. Michel Suchod
Dordogne (2e circonscription) - Radical, Citoyen et Vert

Question posée en séance, et publiée le 19 novembre 1998

M. le président. La parole est à M. Michel Suchod.
M. Michel Suchod. Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question porte sur les récents développements de l'affaire irakienne.
En apparence, tout est rentré dans l'ordre et nous nous félicitons du rôle que notre diplomatie a joué, comme en février dernier, pour contribuer à la sortie de la crise. Mais, et c'est la question à long terme, l'Irak est légitimement exaspéré par la situation qui lui est faite et le maintien de l'embargo sur ses transactions internationales.
Comment est justifié cet embargo du point de vue officiel ? Par des contrôles pointilleux, tatillons, menés par un organisme des Nations unies mais inspirés par les Etats-Unis eux-mêmes. On recherche des armements atomiques jusque et y compris dans les sous-sols des palais présidentiels. Et il n'y a pas d'armements atomiques. On cherche des armements biologiques. Et il n'y a pas d'armements biologiques. On cherche des armements balistiques. Et il n'y a pas d'armements balistiques. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Pierre Lellouche. Vous avez été y voir ?
M. Charles Cova. M. Suchod travaille à la DGSE !
M. Michel Suchod. N'est-il pas ridicule de continuer à chercher ce que sept ans de recherches n'ont pas permis de trouver, y compris avec des contrôles par satellite de très grande ampleur ?
Ce qui est bien réel, par contre, ce sont les 500 000 enfants morts en sept ans, ce sont les populations affamées. J'aimerais que sur tous les bancs on réagisse de la même manière sur ce sujet. Mais je n'en suis pas certain.
Il est clair aussi qu'en empêchant l'Irak de vendre son pétrole sur la scène internationale, on veut freiner la chute des cours alors que le baril est tombé à son prix de 1973. Les livraisons irakiennes ne pourraient que les faire plonger davantage encore.
Monsieur le ministre, quelle contribution la France peut-elle apporter pour sortir de cette politique de l'embargo ? Que peut faire notre pays au Conseil de sécurité pour faire enfin adopter un calendrier ? Nous nous acheminons vers dix ans d'embargo, ce qui est proprement intolérable ! (Applaudissements sur divers bancs.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, la France contribue à la gestion de la crise irakienne, qui n'en finit pas, en apportant un élément de raison et un sens des responsabilités.
Nous le faisons en proposant constamment - et dans chaque crise c'est le cas - une interprétation légaliste des résolutions du Conseil de sécurité, notamment la fameuse résolution 687 qui subordonne la levée de l'embargo pétrolier non pas à toutes sortes de conditions inventées en cours de route, mais à la réalisation des contrôles décidés après l'invasion du Koweït et la fin de la guerre, sur l'ensemble des programmes irakiens d'armements de destruction massive.
Vous le savez, la France a fait beaucoup de propositions pour que ce contrôle soit complètement terminé. Nous estimons pour notre part que la situation est claire à propos des armements nucléaires et balistiques, mais qu'elle ne l'est pas tout à fait encore pour les armements chimiques et bactériologiques. Ce point de vue est partagé par les inspecteurs de la commission, et pas seulement par les inspecteurs américains.
M. Pierre Lellouche. C'est bien de l'avoir rappelé, monsieur le ministre !
M. le ministre des affaires étrangères. Mais nous sommes aussi particulièrement sensibles à la situation du peuple irakien. Vous connaissez bien le rôle qu'a joué la France pour que soient prises, à deux reprises, les résolutions dites «pétrole contre nourriture». Elles permettent aujourd'hui à l'Irak d'exporter presque autant de pétrole qu'avant la guerre du Golfe. Si le régime irakien utilisait cette ressource disponible autrement qu'il ne le fait, il pourrait traiter l'essentiel des problèmes de famine, de malnutrition ou de santé publique qui se posent aujourd'hui en Irak. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)
N'empêche qu'il faut sortir de cette situation. Au cours des dernières semaines, nous avons obtenu du Conseil de sécurité, y compris des Anglo-Saxons, qui étaient particulièrement réticents en raison d'autres arrière-pensées, qu'il puisse procéder à un examen d'ensemble. Ainsi, nous pourrons dire aux Irakiens, une bonne fois pour toutes, je l'espère: voilà ce qui n'a pas été contrôlé jusqu'à maintenant, voilà ce qui doit être fait. Après quoi nous passerons au contrôle continu, ce qui devrait permettre de lever l'embargo pétrolier qui est uniquement lié à la question du contrôle des armes de destruction massive et non à toute une série d'autres questions que les Américains mettent en avant, ce qui n'est pas notre cas. Sur ce point, comme sur d'autres, nous voulons, en effet, garder l'autorité des résolutions du Conseil de sécurité et préserver leur crédibilité, ce qui consiste à les respecter scrupuleusement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Pierre Lellouche. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Michel Suchod

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : affaires étrangères

Ministère répondant : affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 novembre 1998

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