construction navale
Question de :
M. Jean-Yves Besselat
Seine-Maritime (7e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 25 novembre 1998
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Besselat.
M. Jean-Yves Besselat. Ma question s'adresse à M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, je pense que vous mesurez à la fois l'importance des chantiers navals du Havre et la gravité de la situation qui leur est imposée aujourd'hui. Le dossier des Ateliers et Chantiers du Havre est stratégique pour le Havre, il l'est pour notre région, il l'est aussi pour notre pays, dans une Europe en pleine évolution. La construction navale du Havre, blessée par un accident industriel, a un savoir-faire et un potentiel de commandes tels que l'avenir lui est ouvert, si on le veut. Il faut l'aider à dominer ses difficultés. La construction navale, contrairement à ce que pense votre entourage, peut devenir un pôle d'excellence industriel nécessaire à notre pays.
L'ensemble des élus de Haute-Normandie et de Basse-Normandie - toutes tendances politiques confondues -, ainsi que l'ensemble des cadres, ingénieurs et ouvriers des chantiers du Havre et de Cherbourg estiment qu'un pôle normand de construction navale, civile et militaire, répond à une vraie stratégie industrielle; il est rare de constater une telle unanimité.
Tous savent qu'une vraie proposition est en préparation, mais celle-ci ne peut effectivement voir le jour si le Gouvernement ne fait pas cesser immédiatement les ultimatums dont les différents acteurs de ce dossier font l'objet. A cette condition, une offre crédible pourra être présentée.
Vous mettez en avant le coût de l'opération. Mais pouvons-nous oublier que vous avez versé à la Corée, via le FMI, 7 milliards de francs qui ont financé la construction navale de ce pays, que les Allemands, Helmut Kohl et bientôt Gerhard Schröder, savent aider fortement leurs chantiers navals - il y a cinquante chantiers navals en Allemagne, six en France - que vous avez su recapitaliser, avant privatisation, le Crédit Lyonnais, dont les déficits colossaux ont des causes parfaitement connues de tous ?
Enfin, vous savez parfaitement ce que coûtera la pérennisation de l'activité, mais vous ne savez pas, et personne ne sait, ce que coûterait une hypothétique reconversion.
Ce chantier naval veut vivre. Nous avons de bonnes raisons de croire en son avenir. Un pôle normand de construction navale est parfaitement envisageable. Faites cesser, de grâce, les manoeuvres dilatoires en cours. Acceptez de reconnaître que vous vous êtes trompé. Laissez-nous mettre en place en toute sérénité l'offre que nous préparons, en refusant le couperet actionné par vos conseillers !
Monsieur le ministre, avec toute la Normandie, je vous demande de changer d'avis. Y êtes-vous prêt aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le député, l'échec industriel des ACH est en effet particulièrement douloureux pour vous, pour tous les élus, sur tous les bancs, et pour le Gouvernement.
Pour répondre à la première partie de votre question, je dirai que le Gouvernement ne marque aucun désintérêt pour la filière maritime et pour la construction navale puisque aussi bien, en ce moment même, à Saint-Nazaire, Lorient, Concarneau et Cherbourg, se lancent d'importants programmes de compétitivité en vue de permettre à ces chantiers navals d'affronter avec succès la concurrence internationale.
Ce n'est pas le Gouvernement qui ferme les ACH. Leur échec est le résultat d'une décision, prise en 1995, que vous-même et d'autres élus, ainsi que M. Strauss-Kahn et moi-même avons jugée, à juste titre, catastrophique. Il est aussi le résultat - hélas ! - de l'incapacité de l'entreprise à maîtriser la construction de ses navires, et aucun des plans de redressement présentés par la direction n'a pu être conduit avec succès.
Les retards s'accumulent, les pertes sont aujourd'hui de 1 870 millions de francs; ces retards et ces pertes s'accroissent de jour en jour.
Et si aucun repreneur ne s'est précipité pour reprendre les ACH, c'est parce qu'aucun industriel, au sens strict et fort de ce mot, ne croit possible de les sauver. A ce jour, la constitution d'un pôle normand, que vous avez évoquée dans la seconde partie de votre intervention, et que vous appelez de vos voeux, n'est soutenue par aucun industriel crédible. Soyez convaincu que j'ai contacté personnellement plusieurs repreneurs potentiels et que je regrette très sincèrement, et profondément, qu'aucun n'ait souhaité accueillir favorablement ce plan.
L'ampleur des efforts consentis par le Gouvernement pour tenter de sauver les chantiers n'a connu aucun précédent en matière de construction navale. Il ne faut pas bercer les salariés des ACH de faux espoirs et d'illusions. La seule attitude responsable consiste à préparer l'avenir industriel du Havre et de la Basse-Seine. Je souhaite que la mobilisation très forte de tous les acteurs qu'on constate aujourd'hui sur ce dossier permette de travailler ensemble, avec vous et les autres élus, au-delà des divergences politiques, à un programme de véritable redynamisation économique, en vue d'assurer un avenir industriel au Havre et à son port. Il est urgent d'y travailler tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Lucien Degauchy. Baratin !
Auteur : M. Jean-Yves Besselat
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 25 novembre 1998