Question au Gouvernement n° 957 :
équilibre financier

11e Législature

Question de : M. Pierre Hellier
Sarthe (1re circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 26 novembre 1998

M. le président. La parole est à M. Pierre Hellier.
M. Pierre Hellier. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, aujourd'hui, partout en France, à l'appel de trois syndicats représentatifs, les médecins organisent une journée nationale de sensibilisation et d'information de l'opinion publique pour mettre en avant les erreurs manifestes du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les professionnels de la santé sont excédés par les changements radicaux que va connaître notre système de soins.
Vous ne pourrez pas, madame la ministre, me reprocher mes propos, qui n'ont pas varié.
Je constate avec regret que les mesures que vous préconisez vont très au-delà de ce que prévoyait le plan précédent et que, aujourd'hui, il n'y a plus la moindre place pour une maîtrise médicalisée. Bien au contraire, c'est une véritable maîtrise comptable que vous nous proposez, avec les reversements collectifs, les lettres clés flottantes, l'application des sanctions dès la première année, sans possibilité de rattrapage.
Par ailleurs, si la mise en place du mécanisme du médecin référent a pu, par un effet d'annonce, appâter le syndicat MG-France, seul syndicat participant aux négociations avec les caisses, il n'en demeure pas moins que ce système renforce la maîtrise comptable.
En effet, il pèse sur le médecin référent des contraintes très lourdes sur le nombre d'actes, sur les prescriptions et sur le choix du spécialiste puisque ce dernier, même non signataire de la convention, se verra opposer les mêmes contraintes que le référent. Il y aura donc, indiscutablement, atteinte au libre choix.
Vous le savez, il est toujours préférable de convaincre plutôt que de contraindre. Or, malheureusement, madame la ministre, votre projet de loi repose sur la contrainte: il n'offre plus aux médecins la sérénité nécessaire à l'exercice d'une médecine de qualité.
Devant un patient, le médecin doit d'abord penser uniquement à le soigner, avec toutes les possibilités offertes par la science, et seulement, dans un second temps, examiner sur le plan économique les conséquences de ses décisions. Mais, pour exercer de cette manière, il faut être serein. La maîtrise médicalisée est à ce prix. Or je pense que cela ne sera plus possible.
Je souhaite donc, madame la ministre, que vous puissiez tenir compte de l'attente des médecins et de leurs patients, et, à cet égard, je vous demande de bien vouloir m'indiquer si vous entendez examiner avec la bienveillance nécessaire les propositions qui ont été faites par le Sénat pour atténuer les conséquences d'une maîtrise comptable trop stricte et adopter une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, pour une réponse courte.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Monsieur le député, trois syndicats de médecins libéraux mènent aujourd'hui une campagne d'information et de sensibilisation auprès des Français. J'ai envie, à travers vous, de m'adresser aux médecins en leur parlant simplement.
Depuis que nous sommes arrivés aux affaires, nous travaillons avec eux. Ce n'était pourtant pas chose facile, car nous les avons trouvés divisés et, même, assez irrités. Nous avons mis en place des groupes de travail. L'un d'entre eux a proposé le système que nous soumettons aujourd'hui au Parlement.
Par ailleurs, tout comme vous, je ne crois qu'à la maîtrise médicalisée, c'est-à-dire à la capacité que nous aurons, avec les caisses de sécurité sociale et le monde médical, de faire évoluer le système de santé afin que tous soient mieux soignés. Mais, dans le même temps, il faut que nous parvenions à une meilleure allocation des moyens. C'est ce que Bernard Kouchner et moi-même faisons depuis un an et demi avec les médecins qui le souhaitent afin d'accroître leur responsabilité individuelle. Ils ont raison de le vouloir, car ce sont des acteurs majeurs du système de santé. Cette responsabilisation des médecins passe par l'informatisation, laquelle s'accroît tous les jours, par la formation médicale, par la prise en compte de la démographie médicale, mais aussi par un accroissement de la responsabilité collective, par un renforcement du poids des unions régionales des médecins, par la mise en réseau et par la mise en filière.
Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le député, que le médecin référent porte atteinte au libre choix du malade. Chaque Français peut choisir le médecin qu'il souhaite consulter, mais il verra très vite qu'il a intérêt à être suivi par un médecin qui travaille en réseau avec des médecins spécialistes et avec des établissements hospitaliers.
Nous savons également que ce n'est que par le biais de la politique conventionnelle, c'est-à-dire avec la participation des acteurs de santé, que nous ferons évoluer le système.
Je souhaite le dire très simplement - et les médecins le savent d'ailleurs très bien -, mais si, aujourd'hui, les médecins vivent, c'est parce que la sécurité sociale solvabilise les citoyens de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Les médecins doivent savoir que si la sécurité sociale n'est pas pérennisée, c'est le tiers ou 40 % d'entre eux qui disparaîtront comme c'est le cas dans beaucoup de pays voisins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Les médecins doivent savoir que, sans sécurité sociale, il y aura un recalibrage des soins !
Nous avons décidé que, l'an prochain, les dépenses de santé augmenteront de 2,6 %, soit de 16 milliards. Il n'est pas possible, dans ces conditions, de parler de rationnement des soins !
Mais permettez-moi aussi de vous signaler, monsieur le député, que nous n'accepterons pas que certaines professions fassent déraper le système et encore moins qu'un syndicat explique qu'il va «faire péter le système», en dépensant au maximum.
M. Didier Boulaud. C'est scandaleux !
Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Nous, nous faisons appel à la responsabilité des médecins. Je n'accepterai pas, par exemple, que les pédiatres, qui jouent un rôle majeur dans notre pays et qui restent dans le cadre fixé pour les dépenses de santé, paient pour des professions qui n'acceptent pas de jouer le jeu de la cohésion sociale et de l'avenir de la sécurité sociale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Hellier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Assurance maladie maternité : généralités

Ministère interrogé : emploi et solidarité

Ministère répondant : emploi et solidarité

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 1998

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