pharmacie
Question de :
M. André Gerin
Rhône (14e circonscription) - Communiste
Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. André Gerin.
M. André Gerin. Monsieur le président, ma question s'adresse au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle concerne les secteurs de la chimie, de la pharmacie et de l'agro-alimentaire.
Le rapprochement annoncé de Rhône-Poulenc et de Hoechst présente de graves dangers pour notre industrie, notre santé publique et notre politique du médicament. D'autres fusions vont se produire dans l'industrie pharmaceutique et seront à l'origine d'une casse sociale et industrielle dont la France et l'Europe subiront les conséquences.
Avec l'abandon total de la branche chimie, par exemple, des activités et de nombreux sites vont être sacrifiés. Les actionnaires des fonds de pensions américains tirent le «jus» d'une rentabilité prohibitive puisqu'ils exigent 12, 15, voire 20 % de profit. (Exclamations sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Cette exigence financière est incompatible avec l'ambition industrielle, avec le développement des métiers et des savoir-faire, avec l'innovation. Nous disons non à ces fusions qui mettent en cause les lois de la République.
Le même problème se pose pour la branche pharmacie où la recherche de nouvelles molécules est orientée vers un hit-parade de la rentabilité, alors que l'on abandonne des médicaments de base qui ne seraient pas assez rentables.
Les députés communistes condamnent cette fusion-mutilation qui va à l'encontre de la coopération et de la mutualisation des moyens et des compétences entre la France, l'Allemagne et l'Europe.
Monsieur le secrétaire d'Etat à l'industrie, je pense que c'est vous qui allez me répondre et j'ai quatre questions très simples à vous poser. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
Premièrement, quelle est la position du Gouvernement sur ces fusions ?
Deuxièmement, le Gouvernement va-t-il décider avec l'Assemblée nationale de donner des droits et des pouvoirs nouveaux aux salariés des entreprises pour qu'ils puissent intervenir sur les stratégies industrielles et financières ?
M. Maurice Leroy. Litanie !
M. André Gerin. Ce n'est pas une litanie pour les ingénieurs et les techniciens qui n'ont pas voix au chapitre.
Troisièmement, n'est-il pas temps d'organiser avec les syndicats, les salariés et l'ensemble des PME et des PMI qui vont en souffrir, une consultation nationale pour s'opposer à ce pétainisme industriel ? (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Quatrièmement, puisqu'il s'agit de la santé et du médicament, il s'agit de l'art de vivre. Je pense que le Gouvernement devrait examiner les conséquences de telles décisions sur le plan sanitaire pour la France et l'Europe, afin d'endiguer ces bouleversements, de défendre la promotion de la personne et le bien commun, notions dont ces grands groupes industriels ont perdu le sens, et de maintenir ainsi une certaine idée de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Aujourd'hui, le groupe communiste ne dispose malheureusement que de cinq minutes. Il en reste une pour la réponse.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat à l'industrie.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Je vais m'efforcer d'être bref.
Monsieur le député, il faut garder la tête froide face à ces mouvements de fusion et de concentration au plan international, qui affectent non seulement le secteur que vous évoquez mais de très nombreux autres secteurs, notamment dans l'industrie.
L'essentiel - vous avez mille fois raison - est que la fusion qui va intervenir conserve une logique industrielle et n'obéisse pas uniquement à des critères financiers, notamment ceux des fonds de pension. Il faut développer des synergies entre les deux groupes qui se rapprochent, afin de ne pas additionner les faiblesses ou les difficultés mais de multiplier les opportunités de développement de nouveaux produits et de nouveaux marchés.
Ainsi, le nouveau groupe consacrera environ 15 milliards par an à la recherche et développement. Ce peut être, si on a une vision industrielle correcte, une opportunité formidable de développement de la pharmacie européenne, et française en particulier. Chaque molécule, c'est sept ou huit ans de travail et un milliard d'investissement. Il faut donc donner tous les moyens à notre indutrie nationale pour aller de l'avant et pour être compétitive.
Le nouveau groupe doit accroître ses efforts en recherche et développement et pour la conquête de nouveaux marchés. Il sera probablement au premier rang mondial sur les vaccins, au deuxième sur les produits biologiques, au troisième sur la cardiologie et le diabète, au quatrième sur les anti-infectieux et les anti-allergiques. C'est une opportunité que nous avons la possibilité d'exploiter mieux encore grâce au dialogue avec les travailleurs des deux entreprises.
Le Gouvernement veillera, comme vous, à ce que l'intentité de la recherche et le développement de ses débouchés soient le fruit de ce rapprochement. Il veillera à ce que l'on maintienne ou même développe l'emploi à partir des nouveaux marchés qui peuvent être conquis. Il veillera à ce que notre ambition industrielle se manifeste notamment pour la ville de Strasbourg, où sera créé le siège social commun des deux entreprises, mais aussi pour la région de Lyon, à laquelle vous êtes légitimement attaché, afin que les atouts de l'agrochimie puissent être développés dans cette ville.
Soyons vigilants, mais ayons aussi une ambition industrielle pour la pharmacie et les sciences de la vie dans notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Auteur : M. André Gerin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 3 décembre 1998