Question au Gouvernement n° 981 :
croissance

11e Législature

Question de : M. Georges Colombier
Isère (7e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 1998

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.
M. Georges Colombier. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous répétez fréquemment que tout va bien, que l'économie française ne connaîtra qu'un trou d'air. Or vos prévisions sont contredites par les faits. Les uns après les autres, les indicateurs tournent au rouge. Ainsi, la production industrielle a reculé d'un point au mois de septembre: c'est le premier recul auquel nous assistons depuis le début de l'année. Il marque le retournement de la conjoncture.
La consommation s'est contractée de 0,7 % au mois de septembre, ce qui entraîne chez les Français une inquiétude pour l'avenir. Une étude récente de l'INSEE souligne que l'investissement ne progresserait pas, comme le Gouvernement le prévoit, de 8 % en 1999, mais stagnerait. Les entreprises, du fait de la diminution de leur carnet de commandes, revoient à la baisse leurs dépenses d'équipement.
Enfin, et ce n'est que la simple traduction des faits que je viens de décrire, la croissance du produit intérieur brut s'affaiblit. Elle est passée sur une base trimestrielle de 0,8 % à moins de 0,5 % du début de l'année à maintenant. Nous commencerons donc l'année 1999 sans réserves.
Tous les instituts de conjonctures, le FMI, l'OCDE comme les autres, ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance pour 1999. Le maintien de la prévision de croissance pour 1999 à 2,7 % confine à l'obstination.
Par des propos exagérément optimistes, le Gouvernement trompe les Français. Il les berce d'illusions, et le réveil sera dur, pour la France et pour les Français.
Vous avez, monsieur le ministre, un devoir de vérité.
Pour éviter une dérive des finances publiques et le renouvellement du scénario catastrophique de 1993, qui, je le rappelle, s'était conclu par un doublement du déficit, le Gouvernement a-t-il l'intention de revoir sa copie budgétaire ? A moins qu'il ne préfère déposer un projet de loi de finances rectificative pour 1999 avant même l'adoption de la loi de finances initiale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, pour une réponse courte.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, d'où partons-nous ? D'une année 1998 qui sera probablement la meilleure de la décennie, avec un taux de croissance supérieur à la cible que nous nous étions fixée.
M. Jean Ueberschlag. Quelle était-elle ?
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... le taux avait été fixé à 3 % et il sera supérieur, et notre résultat est classé deuxième des grands pays du G7, plus que la moyenne européenne. Bref, c'est une solution satisfaisante. Cela nous permettra d'ailleurs une réduction plus importante que prévue de notre déficit, comme vous le verrez à l'occasion de l'examen par l'Assemblée nationale du collectif de fin d'année.
Cela dit, il est exact que nous avons connu aux mois de septembre et d'octobre une crise financière que certains jugent comme la plus grave depuis des décennies. Nous commençons à en sortir, mais la rechute récente d'hier et d'aujourd'hui montre qu'elle n'est pas encore totalement terminée.
Une crise de ce genre n'a pu qu'avoir des conséquences sur le moral des chefs d'entreprise. Elles sont même supérieures à ce à quoi l'on pouvait s'attendre. Les enquêtes d'octobre et de début novembre que vous évoquez montrent en effet que les résultats des chefs d'entreprise en matière d'investissements sont un peu en recul par rapport à leurs prévisions d'avant la crise. Cela doit-il inquiéter ? Cela doit certainement nous soucier. Mais plusieurs éléments donnent à penser qu'il faut en savoir un peu plus et attendre un peu.
D'abord, les enquêtes que vous évoquez et qui paraissent maintenant ont été réalisées au creux de la crise financière.
Ensuite, le phénomène de déstockage auquel nous avons assisté au troisième trimestre signifie que les entreprises ont vendu leurs stocks, et donc ont peu commandé aux autres entreprises. On peut donc normalement s'attendre à un rebond en 1999.
Enfin, sans être excellent, l'environnement international est moins mauvais qu'il ne l'était il y a un mois et demi. La situation en Amérique s'améliore. En Asie aussi. Le dollar remonte un peu.
En revanche, vous aurez sans doute remarqué qu'en Allemagne comme en Grande-Bretagne les prévisions ne sont pas très bonnes. Donc, restons réservés sur l'environnement international.
Le principal moteur de notre croissance reste la consommation ! Elle est sur un rythme de 3,7 % par an et est en particulier tirée par les créations d'emploi qui entraînent une augmentation du pouvoir d'achat.
Résumons-nous. Nous assistons à un ralentissement du côté des entreprises. Vous avez raison de le souligner. Le devoir de vérité s'applique à tout le monde et pas seulement au Gouvernement, qui lit comme vous les enquêtes, mais il ne faut pas faire de catastrophisme non plus.
Sommes-nous sur la pente des 2,7 % de croissance ? Evidemment non, puisque nous ne sommes pas encore sortis de la crise. La cible que nous avons fixée doit-elle être conservée ? Sans doute oui. Il appartient au gouvernement français et à l'ensemble des gouvernements européens qui veulent travailler ensemble à la croissance, aux entreprises qui doivent continuer à investir et aux ménages, dont l'importance de la consommation traduit la confiance, de tout mettre en oeuvre pour qu'ensemble nous soyons capables de conserver cette cible et de l'atteindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)

Données clés

Auteur : M. Georges Colombier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 1998

partager