Question au Gouvernement n° 982 :
secteur public

11e Législature

Question de : M. Renaud Muselier
Bouches-du-Rhône (5e circonscription) - Rassemblement pour la République

Question posée en séance, et publiée le 3 décembre 1998

M. le président. La parole est à M. Renaud Muselier.
M. Renaud Muselier. Monsieur le président, je me permets de rappeler que la règle et la tradition républicaine dans cet hémicycle veulent qu'on ne mette pas en cause le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Aujourd'hui, un parlementaire et un ministre ont enfreint cette règle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous tenons à dénoncer cette dérive institutionnelle. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mme Odette Grzegrzulka et Mme Nicole Bricq. Vous avez la mémoire courte !
M. Didier Boulaud. Nous étions là en 1993 !
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît.
M. Renaud Muselier. Monsieur le Premier ministre, en mai 1997, vous annonciez une nouvelle loi sur l'audio-visuel. Durant l'été 1997, votre ministre de la communication est venue présenter ce dossier à l'Assemblée nationale pour l'abandonner dès l'automne.
En janvier 1998, une nouvelle mouture du projet de loi, aussi éphémère que la première, est présentée en conseil des ministres. Mais, le 29 septembre 1998, vous reprenez à votre compte ce que vous appelez la grande réforme de la gauche. Le 5 novembre 1998, le Conseil d'Etat soutient qu'il y a atteinte aux libertés publiques et risque d'inconstitutionnalité.
Mme Odette Grzegrzulka. Faux !
M. Arnaud Montebourg. Il n'a jamais dit ça.
M. Renaud Muselier. Mi-novembre, nous assistons à une réécriture hâtive du projet de loi et au lancement de la mission Bredin pour «épauler» Mme Trautmann. Le résultat était garanti; exit la grande réforme de l'audio-visuel !
C'est la preuve de l'échec de votre méthode, monsieur le Premier ministre.
Un député du groupe socialiste. Absolument pas.
M. Jean-Louis Debré. Si !
M. Pierre Lellouche. C'est comme le PACS !
M. Renaud Muselier. Pas de préparation, pas de fonds, pas de vision d'avenir, pas d'ambition !
Vous venez de rater - mais jusqu'à quand ? - la mise sous tutelle de l'audiovisuel public et la tentative d'achat, avec près de deux milliards de francs, de l'audiovisuel privé.
Mme Odette Grzegrzulka. Caricature ! Vous avez la mémoire courte ! Qu'ont fait Léotard et Douste-Blazy ?
M. Renaud Muselier. Monsieur le Premier ministre, vous qui êtes à la fois producteur, metteur en scène, réalisateur, acteur, nous attendons le prochain épisode de votre étonnant feuilleton, que nous suivons depuis près de dix-huit mois et qui n'a pas fini de ménager des surprises. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
Pouvez-vous nous fixer un calendrier clair et précis ? Votre prochain projet de loi sera-t-il encore limité à l'audiovisuel public, et laissera-t-il de côté, comme les précédents, des questions aussi importantes que la diffusion par satellites ?
Mme Trautmann nous a expliqué tout à l'heure que le projet était bon, bien ficelé et parfaitement au point. Pourquoi le retirer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. («Ah !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, Mme Catherine Trautmann aurait parfaitement pu répondre à votre question.
M. Yves Nicolin. On s'en doute !
M. François Vannson. Mais...
M. le Premier ministre. Mais, comme vous l'avez élargie à des problèmes de méthode, je vous réponds moi-même pour bien marquer que, dans cette affaire, Mme la ministre de la culture et de la communication et le Premier ministre marchent de concert. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Debré. Ah !
M. le Premier ministre. Je présenterai tout d'abord une remarque et, ce faisant, je pourrai regarder dans les yeux certains des parlementaires qui siègent sur les bancs de l'opposition.
M. Lionnel Luca. Regardez également ceux qui siègent sur les bancs de votre majorité !
M. le Premier ministre. Vous avez invoqué, monsieur Muselier, la tradition selon laquelle on ne met pas en cause dans cet hémicycle le Président de la République.
Mme Martine David. C'est vrai !
M. Pierre Lellouche. En effet !
M. le Premier ministre. Il me semble avoir entendu ici même, il y a quelques années, des mises en cause d'un autre Président de la République autrement plus violentes et même scandaleuses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants où l'on scande «Rocard ! Rocard !».)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie. Laissez parler M. le Premier ministre.
M. le Premier ministre. En réalité, Mme Elisabeth Guigou a mis en lumière une contradiction, il est vrai, un peu cruelle. Ce qu'elle regrettait, ce n'est pas l'opposition d'une seule personnalité que, paraît-il, il ne faut pas trop mentionner dans cet hémicycle - et vous constaterez que je le fais généralement de façon fort courtoise, notamment quand j'évoque Postdam -...
M. Charles Ehrmann. C'est vrai !
M. le Premier ministre. ... mais bien l'hostilité de l'ensemble des membres de l'opposition à un projet que le Président de la République, sur la base d'une proposition du Gouvernement, a déclaré approuver.
M. Jean-Louis Debré. Ce n'est pas vrai !
M. le Premier ministre. C'est ça qui vous pose problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Il y a dans la vie politique comme dans la vie parlementaire, monsieur Muselier, des moments plus ou moins faciles.
M. Richard Cazenave. Vous dites n'importe quoi !
M. le Premier ministre. Je peux prendre d'autres exemples.
Sur le PACS, le retard pris par le débat s'explique pour l'essentiel par une obstination dans l'obstruction et par le choix de l'opposition de confier l'exposé de sa vision de ce problème de société à une députée marginale sur ces questions et outrancière dans ses propos. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Mme Christine Boutin. C'est scandaleux, honteux !
M. le Premier ministre. En ce qui concerne la réforme de la justice, je viens de le dire à l'instant, c'est vous-même qui vous opposez à un projet qu'approuve le Président de la République.
En ce qui concerne la réforme de l'audiovisuel, nos objectifs sont clairs et approuvés. Ils tendent à créer un grand pôle public de l'audiovisuel. («Ce que vous avez dit de Mme Boutin est scandaleux !» sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Mais nous devons apporter des garanties sur la pérennité des financements publics et sur le refus d'accorder au privé des avantages. Et nous nous donnons le temps de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Jacques Godfrain. Après ce que vous avez dit, vous devriez arrêter !
M. le Premier ministre. Face à des problèmes, mesdames, messieurs les députés, il y a deux façons d'agir: il y a celui qui dit: «Je suis droit dans mes bottes» et il y a celui qui préfère ajuster, reprendre et dire: «Je suis souple dans mes baskets.» (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert. - Cris, huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. Arnaud Lepercq. Scandaleux !
M. François Vannson. Lamentable !
M. Jacques Godfrain. Inimaginable !
M. Patrick Ollier. Quel manque de courtoisie !
(Mme Christine Boutin quitte son banc et s'approche de celui de M. le Premier ministre. - Les huissiers s'interposent.)
Mme Christine Boutin. Monsieur le Premier ministre, vos propos sont scandaleux !
(De nombreux députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants quittent l'hémicycle en protestant avec véhémence.)
DISCIPLINE A L'ECOLE

Données clés

Auteur : M. Renaud Muselier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Audiovisuel et communication

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 3 décembre 1998

partager