ZEP
Question de :
M. Georges Tron
Essonne (9e circonscription) - Rassemblement pour la République
Question posée en séance, et publiée le 10 décembre 1998
M. le président. La parole est à M. Georges Tron.
M. Georges Tron. J'aimerais interroger M. le Premier ministre sur la nouvelle définition des zones d'éducation prioritaire. C'est un sujet important parce qu'il touche à la politique de la ville et à la politique de l'éducation.
Nous avons le sentiment qu'il y a, pour le moins, quelques zones d'ombre dans l'approche de ce dossier. Dans sa circulaire d'octobre 1997, Mme la ministre déléguée avait précisé qu'il devait faire l'objet d'une large concertation avec l'ensemble des élus locaux.
Moi qui suis député d'une circonscription où il y a des ZEP, je parle en connaissance de cause. Or c'est par la presse que nous avons appris l'ampleur des mesures qui étaient envisagées en Ile-de-France. Et c'est par nos intermédiaires locaux, et en particulier par les syndicats, que nous avons été informés des établissements qui étaient susceptibles de sortir des ZEP. D'un côté, on nous annonce une concertation avec les élus locaux, de l'autre, c'est par nos sources d'informations personnelles que nous sommes informés. C'est pour le moins paradoxal !
Ensuite, il semble que certains critères ont été définis par le Gouvernement pour exclure certains établissements des zones d'éducation prioritaire. On aurait pu penser, tout logiquement, que le Gouvernement souhaitait qu'une aide particulière soit apportée aux établissements le plus en difficulté.
Permettez-moi de vous donner un seul exemple: dans le département de l'Essonne, dont je suis l'élu, il n'y a qu'une commune dans laquelle tous les établissements - écoles, collèges et lycées - sont en zone d'éducation prioritaire. Le potentiel fiscal de cette commune, qui s'appelle Epinay-sous-Sénart, est inférieur de 10 % à la moyenne départementale. La population défavorisée dans la population totale et le nombre d'élèves qui sont en situation de difficulté par rapport aux diplômes obtenus est supérieur de 10 % à la moyenne départementale. Eh bien, que croyez-vous qu'il arrive, monsieur le Premier ministre ? L'ensemble des établissements devraient être, puisque nous n'avons des informations que par l'intermédiaire de nos propres relais, exclus des ZEP.
Il est pour le moins surprenant de voir un gouvernement comme le vôtre qui a favorisé, l'année dernière, les lois permettant aux étrangers d'entrer sur notre territoire,...
Plusieurs députés socialistes. Camelot !
M. Georges Tron. ... mette au rang des éléments de difficulté la population étrangère par rapport à la population locale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
Il est pour le moins paradoxal, d'une part, de dire aux étrangers, par le biais des lois sur l'immigration, qu'ils peuvent rentrer plus facilement et, d'autre part, d'établir un critère discriminant négatif pour juger des difficultés de la commune. (Vives exclamations sur les mêmes bancs.)
Enfin, monsieur le Premier ministre, on crée aujourd'hui des réseaux d'éducation prioritaire. Cela signifie, très concrètement, que l'ensemble des personnels qui officient dans les quartiers les plus difficiles risquent d'être les seuls personnels de la fonction publique à être pénalisés dans leur progression de carrière et dans leur salaire. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Plusieurs députés socialistes. Camelot !
M. Georges Tron. Fort de ces trois éléments, monsieur le Premier ministre, je voudrais vous poser la question suivante. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Mais oui, mesdames, messieurs de la majorité, la semaine dernière, vous étiez à nos côtés pour manifester contre ce texte ! Alors je vous demande aujourd'hui d'écouter ma question. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Monsieur le Premier ministre, comme cela se passe pour l'académie de Versailles, ne pensez-vous pas qu'il serait opportun de suspendre votre décision et de renouer une concertation qui nous permette de comprendre exactement quelles sont vos intentions en ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. Monsieur le député, la politique des zones d'éducation prioritaire créée par Alain Savary, relancée par Lionel Jospin lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants) a permis, dans ces secteurs où le métier d'enseignant est plus difficile qu'ailleurs, dans ces secteurs qui cumulent tous les handicaps: économique, social, culturel, de donner plus à ceux qui ont le moins.
M. Michel Bouvard. Quand on a supprimé les ZEP rurales, personne n'a rien dit !
Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. Le Gouvernement a décidé en effet - et c'est l'une de ses priorités - de relancer la politique d'éducation prioritaire. Il le fait avec des moyens nouveaux et selon des procédures nouvelles.
Des moyens nouveaux: au total, plus de 600 collèges et écoles supplémentaires seront intégrés en réseaux d'éducation prioritaire et en zone d'éducation prioritaire, ce qui signifie que plus de 15 000 personnes, enseignants et non enseignants, vont bénéficier d'une indemnité par laquelle la difficulté spécifique de leur travail sera reconnue.
Pour cela, en effet, j'ai engagé une procédure transparente de concertation. («C'est faux !» sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Laissez-moi m'exprimer ! S'il y a des réactions, c'est bien parce que les discussions ont été ouvertes par les recteurs. Elles portent sur le classement des établissements et sur les critères. Certes, les tableaux et les critères ont toujours un caractère limité mais, sans critères, c'est l'arbitraire. En revanche, avec des critères, on peut discuter. Vous pouvez d'ailleurs légitimement en discuter le choix.
Mais c'est précisément parce que la réalité du vécu dans certains établissements scolaires n'apparaît ni dans des tableaux, ni dans des chiffres, ni dans des critères, que ce processus de transparence, de consultation des organisations syndicales a été engagé. Cette concertation a déjà permis de mettre en évidence plusieurs éléments.
D'abord, il doit effectivement y avoir des sorties de ZEP. Si l'on donne plus là où on en a le plus besoin, c'est pour que la réussite scolaire, la réussite des élèves soit au rendez-vous. Les ZEP ont été faites pour cela et lorsqu'un établissement en sort, cela signifie que la situation s'y est améliorée.
En revanche, chaque fois qu'une sortie de ZEP est ressentie par les équipes pédagogiques soit comme une remise en cause de leur travail, soit comme une pénalisation par rapport à des résultats qui ont été obtenus, la sortie n'aura pas lieu.
Ainsi, dans l'académie que vous évoquez, celle de Versailles, où les députés de la majorité sont d'ailleurs intervenus depuis plusieurs semaines pour souligner les difficultés mises en lumière par cette concertation, il n'y aura, vous le savez, aucune sortie de ZEP, ni de collège, ni d'école, ni de lycée; il y aura au contraire des entrées supplémentaires de collèges parce que la réalité sociale est là.
J'en terminerai...
M. le président. Il faut conclure, en effet.
Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire. ... en précisant que les entrées en réseau d'éducation prioritaire doivent s'accompagner de contrats de réussite, c'est-à-dire d'une ambition pédagogique pour les élèves et pour les enseignants.
Enfin, je me réjouis, monsieur le député, de vous voir soutenir avec véhémence la politique d'éducation de ce gouvernement, vous qui souteniez un gouvernement qui avait laissé à l'abandon, pendant quatre ans, la politique d'éducation prioritaire. (Vives protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants. - Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Franck Dhersin. Et les prud'hommes ?
Auteur : M. Georges Tron
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement
Ministère interrogé : enseignement scolaire
Ministère répondant : enseignement scolaire
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 décembre 1998