Question écrite n° 101320 :
oiseaux

12e Législature

Question de : M. Léon Vachet
Bouches-du-Rhône (15e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Léon Vachet appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la validité juridique de la directive 79/409/CEE. En raison du principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national, le Conseil d'État se fonde sur ce texte pour apprécier la légalité des arrêtés ministériels fixant les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau. Or des juristes émettent aujourd'hui des réserves sur la légalité de la directive « Oiseaux ». Ils appuient leurs démonstrations sur l'absence de base légale de ladite directive. Ils relèvent en effet que, en 1979, date de l'adoption de la directive, le traité CEE en vigueur n'avait pas conféré à la Communauté européenne des compétences environnementales, et donc qu'elle n'était pas habilitée à légiférer sur la protection des oiseaux migrateurs. Cette compétence ne sera introduite dans la législation européenne qu'à partir de l'acte unique de 1987. Il est par ailleurs établi que l'Union européenne détient des compétences d'attribution résultant de la volonté des États membres et que les institutions communautaires ne peuvent en aucune manière se saisir de compétences de leur propre initiative. Ainsi, en fondant la directive 79/409/CEE sur l'article 235 du traité de Rome, qui permet d'entreprendre une action nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté sans que le traité ait prévu les moyens d'action requis à cet effet, l'Union européenne a outrepassé ses compétences légales. La question de la validité de la directive 79/409/CEE se pose donc tout à fait légitimement. Il conviendrait ainsi de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle, afin qu'elle se prononce sur la validité de ce texte. Il lui demande donc de bien vouloir l'informer des intentions du Gouvernement à ce sujet.

Réponse publiée le 12 septembre 2006

La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant l'illégalité de la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 relative à la conservation des oiseaux sauvages. Selon l'article 234 du traité de l'Union européenne (ancien 177), les juridictions nationales qui statuent en dernier ressort (tels le Conseil d'État et la Cour de cassation) ont une obligation de renvoi devant la Cour de justice des Communautés européennes pour toute question d'appréciation de validité et d'interprétation des actes pris par les institutions de la Communauté. Toutefois, la Cour de justice des Communautés européennes, par une jurisprudence constante (CJCE, 12 mai 1964, Wagner c/ Fohrman et Krier, off. 101/63 ; CJCE, 5 octobre 1977, Tedeschi c/ Denkavit, off. 5/77 ; CJCE, 29 novembre 1978, Pigs Marketing Board c/ Redmon, off. 83/78, CEJCE, 16 juillet 1992, Lourenço Dias c/ Director do Alfândega di Porto, off. C-343/90 ; CJCE, 16 juillet 1992, Meilicke c/ ADV c/ ORGA, off. C-83/91), considère que l'appréciation de la pertinence d'un renvoi préjudiciel et de sa nécessité relève du seul juge national. En effet, elle juge que « dans le cadre de la répartition des fonctions juridictionnelles entre les juridictions nationales et la cour, il incombe au juge national (...) d'apprécier (...) la pertinence des questions de droit soulevées par le litige dont il se trouve saisi et la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre un jugement (CJCE, 28 avril 1983, Ramel, off. 170/82, CJCE, 28 juin 1984, Moser/Land Baden-Württemberg off. 180/83) ». Au-delà du fait que les questions préjudicielles doivent être portées devant la Cour de justice des Communautés européennes et non devant la Commission, le principe constitutionnel d'indépendance des juridictions interdit au Gouvernement, comme au législateur, de leur adresser des injonctions (cf. Conseil constitutionnel : 6e considérant de la décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980, validation d'actes administratifs). Au demeurant, on observe que le Conseil d'État a saisi, le 25 janvier 2002, la Cour de justice des Communautés européennes sur la possibilité d'utiliser l'article 9 de la directive « Oiseaux » pour prolonger les périodes de chasse. La cour, dans un arrêt en date du 16 octobre 2003, a déclaré que la chasse aux oiseaux de passage, pratiquée à des fins de loisir durant des périodes bénéficiant d'une protection particulière, peut correspondre à une « exploitation judicieuse » autorisée par la directive. Elle a admis ainsi que des dérogations au principe de protection complète pouvaient s'appliquer à l'activité de la chasse. Néanmoins, en dégageant les critères pour déterminer les limites de cette dérogation, la cour a fait valoir qu'une dérogation ne pouvait être autorisée que s'il n'existait pas d'autre solution satisfaisante. À cette occasion, elle a précisé que cette condition d'absence d'autre solution satisfaisante ferait défaut, notamment si la mesure autorisant la chasse à titre dérogatoire avait pour seul objet de prolonger les périodes de chasse de certaines espèces d'oiseaux sur des territoires qu'elles fréquentent déjà pendant les périodes de chasse autorisées par la directive. À cette occasion, la Cour de justice des Communautés européennes n'a nullement relevé que la directive n° 79/409/CEE du 2 août 1979 sur la conservation des oiseaux sauvages serait non conforme à l'objet et à la mission du traité de l'Union européenne.

Données clés

Auteur : M. Léon Vachet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Chasse et pêche

Ministère interrogé : écologie

Ministère répondant : écologie

Dates :
Question publiée le 1er août 2006
Réponse publiée le 12 septembre 2006

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