mutations
Question de :
Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste
Il y a contradiction manifeste entre les droits garantis par la loi aux fonctionnaires d'État et la mise en oeuvre de la LOLF. En effet, la loi garantit à tout fonctionnaire d'État de pouvoir muter dans la résidence administrative de son choix, sous réserve qu'un poste correspondant soit vacant ou à remplacer. Or les enveloppes budgétaires fermées déléguées aux services déconcentrés via les BOP ont totalement rigidifié la gestion des ressources humaines tout en diminuant considérablement les mouvements de mutation des agents de l'État, et cela toutes administrations confondues. Ainsi, en cette année 2006, année charnière par excellence dans le cadre de la mise en place de la LOLF, la plupart des fonctionnaires d'État qui n'auront pas pu muter dans la résidence de leur choix ont désormais de fortes chances de se faire « piéger » dans une région qu'ils n'ont pas choisie à la base ou qu'ils souhaitaient quitter pour diverses raisons. Le risque est, in fine, de voir une masse salariale publique figée contre son gré dans des résidences administratives non souhaitées, ou bien qui se figera volontairement en refusant le bénéfice d'éventuels concours d'avancement de grade qui impliquent souvent un départ en primo-affectation vers une résidence administrative peu convoitée sans assurance d'un retour à brève ou moyenne échéance dans la région de son choix. Moralité : la gestion des ressources humaines de l'État était déjà chaotique avant la LOLF et caractérisée par une particulière rigidité qui était assez mal vécue par les agents qui avaient le sentiment de n'être que des pions sur l'échiquier de l'administration centrale. Désormais, et en plus de cela, les fonctionnaires d'État se trouvent pour la plupart « les pieds pris dans le béton » et donc attachés à leur résidence administrative actuelle sans éventuel espoir de pouvoir muter à leur guise. Tout cela est donc un pur produit technocratique peu marqué aux coins du bon sens et sorti de cerveaux parisiens peu en phase avec les réalités de terrain. Il est sûr que cela ne pourra qu'être source de conflits syndicaux (un début de manifestation de mauvaise humeur syndicale a déjà été largement enregistré lors des dernières CAP en date), et totalement contreproductive en termes de motivation des agents publics. Compte tenu de cette situation technocratiquement ubuesque Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre de la fonction publique les mesures correctives urgentes qu'il entend prendre au sujet de ce dossier.
Réponse publiée le 12 décembre 2006
La question porte sur l'articulation entre gestion budgétaire et gestion statutaire des fonctionnaires de l'État depuis l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances de l'État. Au regard des pratiques constatées dans les départements ministériels déconcentrés il n'est pas exact d'indiquer que l'application de la LOLF depuis le 1er janvier 2006 constitue, dans sa mise en oeuvre, un frein à la mobilité des fonctionnaires de l'État travaillant notamment dans les services déconcentrés. Toutefois le ministre de la fonction publique examinera avec la plus grande attention l'évolution des pratiques de gestion dans ce nouveau cadre budgétaire et est très attaché à promouvoir la mobilité des fonctionnaires et à lever les freins qui pourraient, en gestion, s'y opposer. Plusieurs éclaircissements peuvent être donnés quant à l'impact de la LOLF sur l'organisation des politiques de mutation au sein des ministères : 1° La constitution de BOP locaux, recouvrant des services d'administration centrale ou de services déconcentrés, au sein desquels les responsables disposent d'une autonomie de gestion, ne fait pas obstacle à une gestion coordonnée à l'échelle d'un ministère ou de plusieurs services de l'État des mobilités des agents publics. Si une marge d'autonomie plus grande est confiée aux responsables de BOP dans la politique de recrutement de ses agents, celle-ci ne privera pas pour autant les directions des ressources humaines des outils nécessaires pour mettre en oeuvre une politique coordonnée de mutation des agents au sein des départements ministériels. Il est rappelé à cet égard que les plafonds d'autorisation d'emplois rémunérés par l'État prescrits par la LOLF sont ministériels. Par ailleurs, l'évolution de la masse salariale s'apprécie au niveau des programmes ministériels avant d'être déclinée au niveau des budgets opérationnels de programme, qui correspondent aux unités de gestion plus fines, telles qu'un regroupement de services d'un même ministère, qu'il soit situé en administration centrale ou dans les services déconcentrés de l'État. 2° La suppression du découpage issu de l'autorisation budgétaire en corps et grades, met fin à une rigidité qui était vécue par les gestionnaires comme un frein à la mobilité globale des fonctionnaires. Désormais, par une gestion souple des équivalents temps plein et de la masse salariale, les responsables opérationnels pourront décider de recruter un agent disposant des compétences nécessaires pour' occuper un poste déterminé, sans contrainte d'une correspondance exacte de cette personne avec un emploi budgétaire déterminé. Pour être plus précis, dans nombre d'administrations, les agents étaient fréquemment remplacés par des agents du même corps et du même grade. Cette contrainte n'existe plus aujourd'hui, ce qui pourra permettre, notamment dans les régions les moins attractives, d'avoir recours à des agents en provenance d'autres corps ministériels, voire d'autres ministères, en fonction de leurs compétences et de leur aptitude à exercer les fonctions. C'est dans cet esprit que le ministère de la fonction publique s'est lancé, en partenariat avec le ministère de l'intérieur, à une expérimentation des bourses locales de l'emploi public dans les régions Champagne-Ardenne et Lorraine. 3° La politique de mutation des agents d'un ministère reste cependant marquée par un pilotage harmonisé à l'échelon central et ministériel. Ses grandes lignes sont en effet précisées avant l'engagement d'un exercice budgétaire au sein de chartes de gestion et au cours de cet exercice par un dialogue de gestion constant entre le responsable de programme au niveau du ministère et le responsable de BOP pour les échelons de gestion déconcentrés. Les freins à la mobilité que rencontrent parfois les fonctionnaires au niveau local n'ont donc pas partie liée avec l'entrée en vigueur de la LOLF. Il est essentiel de rappeler que la réforme budgétaire résulte d'une initiative parlementaire destinée à mieux affirmer le rôle de l'Assemblée nationale et du Sénat en matière de contrôle de l'usage des fonds publics et que cette initiative a été votée à la quasi-unanimité des représentants des deux assemblées. Elle permet de voter des budgets destinés à la mise en oeuvre de politiques publiques et de fixer aux responsables de la gestion de ces politiques des objectifs dont ils doivent rendre compte dans le cadre des rapports annuels de performance qui seront désormais examinés chaque année avant le vote des crédits du projet de loi de finances. Cette nouvelle approche de la gestion publique conduit à confier aux administrations le soin de gérer des enveloppes globales de crédits et d'emplois qui leur laissent toute latitude pour bâtir des politiques de gestion des ressources humaines, qui ont longtemps fait défaut dans l'administration, pour être à la fois plus efficaces et mieux répondre aux souhaits de développement professionnel et personnel de leurs agents. Les difficultés rencontrées par certains agents publics dans l'organisation de leur mobilité, notamment au sein des services déconcentrés, n'en demeurent pas moins une préoccupation constante du ministre de la fonction publique. Le projet de loi de modernisation de la fonction publique voté en première lecture par l'Assemblée nationale le 28 juin 2006 comprend du reste plusieurs dispositions visant à encourager la mobilité des fonctionnaires de l'État, notamment par le biais d'une réforme du régime des mises à disposition prévue au chapitre 2 de cette loi. C'est également dans cet esprit que sont actuellement menés, avec les ministères, un vaste chantier statutaire de fusions de corps et d'importants travaux sur le recensement des obstacles statutaires ou indemnitaires à la mobilité, sur la définition de parcours de carrières, ainsi que sur la diffusion des meilleures pratiques de gestion. À titre d'illustration, 25 % des corps d'État auront été fusionnés en 2006 (on passe de 900 à 666 corps, soit 234 de moins).
Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Type de question : Question écrite
Rubrique : Fonction publique de l'état
Ministère interrogé : fonction publique
Ministère répondant : fonction publique
Dates :
Question publiée le 8 août 2006
Réponse publiée le 12 décembre 2006