Question écrite n° 101812 :
politique de l'emploi

12e Législature

Question de : Mme Chantal Robin-Rodrigo
Hautes-Pyrénées (2e circonscription) - Socialiste

Dans son avant-projet d'avis, le COE (conseil d'orientation pour l'emploi) sur le projet de réforme du financement de la protection sociale rapporte que la plupart des représentants des employeurs sont favorables à la TVA sociale, soit « pour ses effets favorables sur la compétitivité extérieure, soit parce qu'elle allège les coûts de production » puisque la baisse des cotisations sociales n'est pas compensée par une taxation du capital. Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui indiquer le sentiment et les intentions du Gouvernement à son sujet.

Réponse publiée le 5 décembre 2006

Afin de contribuer aux débats du groupe interministériel sur le financement de la protection sociale, les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ont effectué une analyse des effets macroéconomiques de court et long terme d'un basculement des cotisations sociales vers la TVA, qui assurerait l'équilibre budgétaire (« TVA sociale »). Il ressort de cette analyse qu'une TVA sociale améliorerait la compétitivité des entreprises françaises à court terme si la hausse de l'inflation reste modérée. Les emplois créés par une telle réforme seraient plus nombreux à court terme qu'à long terme ; mais ils seront d'autant moins nombreux que l'inflation n'est pas maîtrisée. Il faut de plus garder à l'esprit que la TVA sociale pourrait accroître pour l'État et les régimes des retraites le poids des prestations sociales, qui sont indexées sur l'inflation. Les cotisations sociales pèsent sur la production française, qu'elle soit destinée au marché intérieur ou à l'exportation ; en revanche, la TVA exonère les produits exportés et taxe les importations. C'est sur cette dissymétrie que repose l'argument principal en faveur de la TVA sociale. Celle-ci améliorerait à court terme la compétitivité-prix des producteurs français : sur le marché intérieur, la hausse de la TVA augmente dans les mêmes proportions les prix des produits français et ceux des produits étrangers. Or, contrairement aux entreprises françaises, les entreprises étrangères ne bénéficient pas d'une diminution des cotisations sociales. Par conséquent, la compétitivité des produits étrangers sur le marché français s'en trouve amoindrie au bénéfice des entreprises françaises ; à l'export, les prix de vente des entreprises françaises diminuent contrairement à ceux de leurs concurrents étrangers. Les entreprises françaises exportant à l'étranger bénéficient en effet de la baisse des cotisations sans avoir à subir de hausse de TVA. La plus ou moins grande efficacité de la TVA sociale dépend toutefois de deux facteurs dont l'importance dépend du contexte politique et social de la réforme : le comportement de marge des entreprises (françaises et étrangères) et le report de la hausse des prix à la consommation sur les coûts salariaux des entreprises françaises. Les gains potentiels de compétitivité à l'export ne s'observent que si les entreprises françaises n'en profitent pas pour augmenter leurs marges : l'augmentation des marges des entreprises pourrait neutraliser l'effet de la diminution des coûts de production sur les prix de vente. De même, les gains de compétitivité sur le marché intérieur sont réduits si les entreprises étrangères compriment leurs marges quand elles vendent en France, atténuant ainsi la hausse de la TVA sur le prix toutes taxes comprises des importations. De plus, la hausse de la TVA des produits importés renchérit mécaniquement les prix à la consommation : ce que l'on cesse de prélever à la production et qui cesse de peser sur les exportations, il est nécessaire de le prélever sur la consommation intérieure, en l'occurrence sur les importations. Ces effets inflationnistes seraient susceptibles de déboucher assez vite sur une hausse des salaires nominaux, les salariés faisant pression pour maintenir leur pouvoir d'achat. Si les salaires augmentent, les entreprises vont alors avoir tendance à augmenter leurs prix. Ainsi pourrait s'enclencher une spirale prix-salaire, qui réduit les avantages de la TVA sociale escomptés en termes de compétitivité et de créations d'emplois. Si cette boucle prix-salaire ne s'enclenche pas, le pouvoir d'achat des salaires n'est pas maintenu et la consommation des ménages peut en pâtir. A court terme, la baisse des cotisations employeurs entraînerait une baisse du coût du travail relativement au coût du capital. La TVA sociale pourrait alors favoriser des créations d'emplois en encourageant les entreprises à substituer du travail au capital. Toutefois ces substitutions sont des mécanismes d'ajustement qui ne se manifestent qu'à moyen et long terme alors que la baisse des coûts salariaux n'est que temporaire : les mécanismes d'indexation et de négociation salariale érodent peu à peu l'avantage comparatif du travail par rapport au capital. Si ces mécanismes sont similaires à ceux qu'on a pu observer en moyenne sur les vingt dernières années, les créations d'emplois à attendre sont assez peu nombreuses à court terme : 40 000 emplois seraient créés à la suite d'une baisse des cotisations sociales uniforme de l'ordre de quatre points et financée par une hausse de TVA. À long terme, la TVA finit par peser quasi-exclusivement sur le travail, tout comme les cotisations sociales. Il n'y a pas in fine d'effet majeur à attendre sur le coût du travail. Les créations d'emplois à attendre à long terme devraient être quasiment nulles. De plus, une faible part du montant de la TVA est payée par des entreprises (on parle de rémanences), le capital supporte donc pour partie la hausse de la TVA à long terme. La hausse de la TVA renchérit alors le coût relatif du capital par rapport au travail, ce qui pèse à long terme sur l'investissement des entreprises. La TVA sociale présente donc des avantages à court terme mais ils sont rapidement érodés si l'inflation n'est pas maîtrisée. Si l'inflation est importante et si elle est relayée par des hausses de salaires, les effets de compétitivité de la TVA sociale seront négligeables et l'effet sur l'emploi sera mineur à court terme comme à long terme. L'inflation qui ferait suite à l'instauration d'une TVA sociale pèserait également sur le budget général de l'État et des caisses de retraites, via les mécanismes institutionnels d'indexation des prestations et des retraites sur les prix. Si l'inflation est maîtrisée, on peut s'attendre à des gains de compétitivité modérés et à des créations d'emplois à court terme.

Données clés

Auteur : Mme Chantal Robin-Rodrigo

Type de question : Question écrite

Rubrique : Emploi

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Dates :
Question publiée le 8 août 2006
Réponse publiée le 5 décembre 2006

partager