boues
Question de :
M. Didier Julia
Seine-et-Marne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Didier Julia attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur le problème inquiétant de l'épandage des boues d'épuration qui pourrait présenter des risques réels, tant sur la santé du consommateur français que sur la qualité de son environnement. Il lui rappelle que la commission d'enquête parlementaire sur la sécurité alimentaire a publié, il y a deux ans, un rapport remettant clairement en question la pertinence de l'épandage des boues d'épuration sur les sols agricoles. Dans ses conclusions, la commission n'a pas été convaincue par une pratique qui peut présenter des risques réels et heurter l'opinion. La commission a également fait état du manque de validité des études scientifiques qui lui ont été communiquées et qui sont aujourd'hui soit lacunaires, soit contradictoires. Il s'avère, à la lumière de ces études et des travaux d'investigation de la commision d'enquête parlementaire, qu'il est impossible de conclure à l'innocuité des boues d'épuration. Ce déficit d'information et la multiplication des crises (« vaches folles », OGM, dioxine, listéria...) déroutent le consommateur et lui font craindre pour sa santé. Cette inquiétude légitime suscite aujourd'hui une mobilisation très forte de nombreux Français, notamment de représentants du monde agricole et d'élus directement confrontés à la gestion de ces boues. Ainsi, dans le département de Seine-et-Marne, au moment où les maires ont pris acte des conséquences de la loi sur l'eau qui leur fait porter la totale responsabilité de la qualité de l'eau potable, le préfet du département, en juillet 2001, a frappé de nullité les arrêtés municipaux prohibant l'épandage des boues des stations d'épuration du SIAPP et a fait épandre ces boues avant de constater qu'elles étaient polluées. Certains maires, notamment à Vaux-sur-Lunain et Villebéon, ont fait constater médicalement des troubles de santé survenus chez certains habitants (malaises, vomissements, troubles céphalées, etc.) à l'occasion de ces épandages de boues « non conformes » qui ont porté sur plusieurs milliers de tonnes. Aujourd'hui ces mêmes communes s'opposent aux nouveaux projets d'épandage de même source. Aussi il lui demande, sur la base de cet exemple précis qui souligne le désarroi des maires et sur la foi des conclusions alarmantes de la commission d'enquête parlementaire, si elle entend prendre rapidement une décision concernant les boues d'épuration eu égard aux dangers sanitaires qu'elles font courir aux Français et à la pollution croissante qu'elles engendrent. Il lui demande également, afin d'appliquer le principe de précaution, si elle entend durcir le décret n° 97-1133 du 8 décembre 1997 relatif à l'épandage des boues, et si elle compte définir clairement un régime de responsabilité applicable en cas d'incident.
Réponse publiée le 18 novembre 2002
La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, de la question relative aux risques sanitaires que présente l'épandage des boues pour les consommateurs. L'épandage des boues ne doit pas être considéré de manière isolée, mais au sein de la problématique plus large de la gestion et de l'élimination des déchets ménagers et des différents apports sur les sols agricoles. Ainsi les boues urbaines représentent moins de 2 % des déchets épandus en agriculture. Les inquiétudes récurrentes sur les émissions de dioxine, venant par exemple d'incinérateurs, montrent que le problème de pollution air-eau-sol-déchets doit être abordé de manière globale, afin de trouver les solutions qui minimisent les risques dans leur ensemble, ceux-ci ne pouvant jamais être totalement exclus quelle que soit la solution retenue. Dans le cas des métaux lourds par exemple, les sources d'apports constatées montrent que, suivant les métaux, les principales d'entre elles ne sont pas les boues mais davantage les engrais (cadmium), les effluents d'élevage (zinc), les phytosanitaires (cuivre) ou encore les retombées atmosphériques pour le plomb. L'épandage des boues, tel qu'il est réalisé actuellement, se fait sur la base d'une réglementation qui a été largement renforcée et qui correspond en matière de métaux lourds aux seuils que la Commission européenne se propose d'imposer à partir de 2005. Cette réglementation a fait l'objet d'un travail approfondi et d'une approbation du conseil supérieur d'hygiène publique de France. Une récente étude statistique menée par l'Association générale des hygiénistes et techniciens municipaux (AGHTM), à la demande du ministère de l'écologie et du développement durable et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), montre que les limites de concentrations prévues par cette réglementation sont très largement respectées. En matière de suivi sanitaire, en sus du dispositif classique reposant sur les services de l'Etat, une cellule de veille sanitaire a été mise en place depuis plusieurs années, grâce à un partenariat entre les écoles nationales vétérinaires et l'ADEME, pour suivre spécifiquement les accidents pouvant être reliés à une mauvaise utilisation des boues sur prairies ou cultures fourragères, la surveillance des animaux directement en contact avec les sols récepteurs de boues pouvant être un précieux indicateur en matière de santé publique. Depuis sa relance en 1997, cette cellule n'a jamais eu de cas démontrant la responsabilité des pratiques d'épandages. Parallèlement, des programmes de recherche sur les possibilités de transfert vers les plantes et donc l'alimentation humaine sont menés et ne montrent pas de transfert significatif en termes de risque. Enfin, la révision programmée de la directive « boues » montre qu'au niveau européen cette voie de recyclage des déchets est reconnue, même si la Commission propose pour cela le durcissement des normes précédemment édictées dans la directive actuellement en vigueur. En ce qui concerne le régime de responsabilité applicable, les textes font porter la responsabilité sur le producteur de boues, qui est comptable de la filière, de son contrôle, depuis la production elle-même jusqu'à l'épandage et au suivi de celui-ci. Concernant l'épandage des boues de la station de Valenton, celui-ci se déroulait dans un cadre légal au moment des faits, eu égard à la procédure prévue à l'article 41 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993. Les problèmes relevés dans l'épandage de boues non conformes correspondent clairement à un non-respect de la réglementation par la société en charge de cet épandage, laquelle a fait l'objet d'un procès-verbal de la part des services de l'Etat. En revanche, le ministère de l'écologie et du développement durable ne dispose pas d'éléments étayant la thèse d'une conséquence directe de cet épandage sur la santé de certains habitants. La direction des affaires sanitaires et sociales a considéré, lors de la réunion qui s'est tenue en préfecture le 18 octobre 2001, que cet épandage, en infraction par rapport à la réglementation, aurait un impact sanitaire négligeable. La Commission européenne souhaitant mener à bien la révision de la directive « boues », il est préférable d'attendre le résultat de ce travail avant d'envisager, si cela se révélait nécessaire, la modification du décret n° 97-1133, qui anticipe déjà sur de nombreux points les modifications envisagées par la Commission. Une instabilité des textes réglementaires n'est pas souhaitable et n'irait pas dans le sens d'une meilleure application de la réglementation.
Auteur : M. Didier Julia
Type de question : Question écrite
Rubrique : Déchets, pollution et nuisances
Ministère interrogé : écologie
Ministère répondant : écologie
Dates :
Question publiée le 29 juillet 2002
Réponse publiée le 18 novembre 2002