amnistie
Question de :
M. Jacques Briat
Tarn-et-Garonne (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jacques Briat attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence de publicité des amnisties individuelles. En effet, une peine est toujours prononcée par un tribunal en audience publique. L'existence de cette peine peut donc être évoquée publiquement. L'amnistie individuelle empêche cette évocation. Or l'amnistie individuelle ne fait l'objet d'aucune publicité ni publication. Le citoyen est forcément ignorant en droit de l'acte générateur amnistiant une peine quand en même temps la divulgation d'une condamnation effacée par l'amnistie constitue un délit. Il lui demande en conséquence quelle est sa position concernant l'absence de publicité des amnisties individuelles et ses effets en matière de communication.
Réponse publiée le 8 mai 2007
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que, depuis la Constitution du 4 octobre 1958, les lois d'amnisties qui se sont succédé (31 janvier 1959, 31 juillet 1959, 23 décembre 1964, 17 juin 1966, 18 juin 1966, 30 juin 1969, 16 juillet 1974, 4 août 1981, 20 juillet 1988, 3 août 1995 et 6 août 2002) confèrent au Président de la République la possibilité d'accorder par décret l'amnistie à des personnes ne remplissant pas les conditions de l'amnistie de plein droit mais qui appartiennent à l'une des catégories de personnes, limitativement énumérées par la loi, que le législateur a estimé pouvoir bénéficier d'une indulgence toute particulière, soit en raison de leur jeune âge, soit en raison de la reconnaissance que leur doit la nation, soit en raison d'une situation particulièrement digne d'intérêt. Le législateur confie ainsi au Président de la République le soin de déterminer, dans le cadre de ces catégories, les personnes dont l'amnistie est spécialement opportune et de prendre par décret les mesures individuelles que la loi ne peut elle-même prévoir. En accordant au Président de la République la faculté d'amnistier à titre individuel, le pouvoir législatif délègue ainsi une part de ses attributions constitutionnelles au chef de l'État. Le décret d'amnistie par mesure individuelle devient alors une décision prise en vertu d'une habilitation législative consentie intuiti qualitatis au chef de l'État. Cette prérogative personnelle et exclusive du Président de la République lui permet en conséquence d'exercer ce droit discrétionnairement, sans avoir à rendre compte au Gouvernement, au Parlement ou à quiconque. Dès lors, l'essence même de cette prérogative conduit à ne pas motiver et à ne pas publier de tels décrets. Par ailleurs, la loi prévoit expressément, aux termes de l'article 133-11 du code pénal, qu'il est interdit à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles effacées par l'amnistie d'en rappeler l'existence sous quelque forme que ce soit. La loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie dispose en outre que « toute référence à une sanction ou à une condamnation amnistiée sur le fondement de la présente loi est punie d'une amende de 5 000 euros ». La circulaire d'application du 6 août 2002 précise qu'il convient de considérer que, conformément aux dispositions de l'article 133-11 du code pénal, la prohibition s'applique à toute personne qui, dans l'exercice de ses fonctions, aura connaissance de condamnations pénales amnistiées [...]. Dès lors, pas plus que l'article 133-11 du code pénal, la loi d'amnistie de 2002 ne pose de principe absolu puisqu'elle ne vise, comme le précise la circulaire, que le cas où l'auteur de la divulgation a eu connaissance de la condamnation dans l'exercice de ses fonctions. Ainsi, le champ d'application de ces dispositions se trouve limité aux seuls professionnels, et ne peut concerner tout citoyen. Enfin, il convient de relever que la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, interprète l'interdiction de rappeler l'existence de condamnations amnistiées de façon restrictive puisqu'elle considère notamment qu'il est possible de rappeler les faits ayant donné lieu à la condamnation, à condition que la condamnation elle-même ne soit pas évoquée. Sans cette limite assignée aux conséquences de l'interdiction légale, le fonctionnement pratique de la réserve des droits des tiers serait en effet rendu impossible.
Auteur : M. Jacques Briat
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 26 septembre 2006
Réponse publiée le 8 mai 2007