amnistie
Question de :
M. Thierry Mariani
Vaucluse (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Thierry Mariani demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, de bien vouloir lui préciser les conséquences des lois d'amnistie et notamment celles du 3 août 1995 et du 6 août 2002. Il souhaite savoir s'il est possible de faire référence à une condamnation amnistiée au motif que le condamné a interjeté appel ou s'est pourvu en cassation.
Réponse publiée le 17 mars 2003
Le garde des sceaux a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que l'interdiction du rappel des condamnations et sanctions disciplinaires amnistiées, édictée à l'article 133-11 du code pénal et reprise à l'article 23 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie et à l'article 15 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie, suppose tout d'abord que l'amnistie soit acquise. Pour déterminer dans quelle mesure l'exercice d'une voie de recours peut faire obstacle à l'acquisition de l'amnistie, il convient de distinguer l'amnistie dite réelle, en raison de la nature de l'infraction ou des circonstances de sa commission, prévue aux articles 1 à 12 de la loi du 3 août 1995 et aux articles 2 et 3 de la loi du 6 août 2002, de l'amnistie au quantum prévue aux articles 7 à 10 de la loi du 3 août 1995 et aux articles 5 à 7 de la loi du 6 août 2002. S'agissant en premier lieu de l'amnistie réelle, le principe d'ordre public qui s'attache à l'amnistie a pour conséquence un arrêt immédiat des poursuites. La jurisprudence en déduit, traditionnellement, qu'à compter de la promulgation de la loi, il ne peut être exercé de voie de recours à l'encontre d'une décision portant amnistie en raison de la nature de l'infraction. Si une voie de recours avait été introduite antérieurement à la promulgation de la loi, les juridictions saisies ne peuvent que constater l'amnistie des faits. S'agissant en second lieu de l'amnistie au quantum, les articles 11 de la loi du 3 août 1995 et 8 de la loi du 6 août 2002, dont la rédaction est quasiment identique, disposent qu'elle n'est acquise qu'après condamnation définitive. Il convient de préciser en outre que, dans certains cas, tels notamment les délits sanctionnés d'une peine d'amende supérieure à 750 euros (art. 17, alinéa 3, de la loi du 3 août 1995 et art. 5 de la loi du 6 août 2002) ou d'une peine de travail d'intérêt général (art. 7 et 8 de la loi du 3 août 1995 et art. 6 de la loi du 6 août 2002), l'amnistie n'est acquise qu'après exécution de la condamnation. Deux hypothèses peuvent se présenter alors. Dans la première hypothèse, une voie de recours a été introduite antérieurement à la promulgation de la loi ; le principe est que la procédure doit suivre son cours et l'amnistie n'est donc pas acquise tant qu'une décision définitive n'a pas été rendue. Toutefois, l'amnistie étant une mesure d'apaisement devant recevoir une application la plus rapide possible, les lois du 3 août 1995 et du 6 août 2002 comportent différentes dispositions identiques, qui tendent à accélérer l'obtention d'une décision définitive. Ainsi, l'article 11, alinéa 4, de la loi du 3 août 1995, comme l'article 8, alinéa 4, de la loi du 6 août 2002, permettent au condamné qui, avant l'entrée en vigueur de la loi d'amnistie, a formé un recours à l'encontre d'une décision entrant dans les prévisions légales en raison de son quantum de se désister de ce recours, afin de bénéficier immédiatement de l'amnistie. La cour d'appel conserve cependant sa compétence pour statuer sur l'action publique en dépit du désistement du prévenu en cas d'appel principal du procureur de la République. Dans le même esprit, l'article 11, alinéa 2, de la loi du 3 août 1995 et l'article 8, alinéa 2, de la loi du 6 août 2002 disposent que hors le cas où l'amnistie est subordonnée à l'exécution de la condamnation et en l'absence de partie civile et de voie de recours, l'amnistie est acquise dès le prononcé du jugement rendu par défaut, par itératif défaut ou par jugement contradictoire à signifier, sans qu'il soit besoin de signifier la décision pour la rendre définitive. Dans ce dernier cas cependant, dans l'intérêt du condamné et parce que l'amnistie ne peut préjudicier aux droits des tiers, les articles 11 et 8 des lois précitées précisent à leur alinéa 3 que la personne bénéficiant ainsi de l'amnistie retrouve la possibilité d'exercer une voie de recours si une instance en réparation est ultérieurement intentée contre elle. Toutefois, cela ne vise qu'une instance sur intérêts civils et l'exercice d'une voie de recours dans ces conditions ne pourrait autoriser une personne qui y est légalement soumise à s'affranchir de l'interdiction du rappel des condamnations amnistiées. Dans la seconde hypothèse, celle de l'exercice d'une voie de recours après la promulgation de la loi d'amnistie, une jurisprudence ancienne, non démentie à ce jour, distingue selon qu'il s'agit d'une décision de condamnation ou de relaxe. S'il s'agit d'une décision de condamnation, la jurisprudence estime que dès lors que le quantum de la peine prononcée entre dans les prévisions de la loi d'amnistie, celle-ci est applicable sur le champ et l'exercice d'une voie de recours est impossible. Au contraire, en cas de décision de relaxe, la jurisprudence estime que le principe d'interprétation stricte de la loi d'amnistie impose de considérer que les infractions amnistiées ne peuvent être que celles qui ont donné lieu à condamnation et elle admet alors l'exercice d'un recours. En définitive, s'agissant de l'amnistie au quantum, l'interdiction édictée à l'article 23 de la loi du 3 août 1995 et à l'article 15 de la loi du 6 août 2002 ne peut s'appliquer, d'une part, qu'à des condamnations devenues définitives, étant précisé que, dans certaines hypothèses, le caractère définitif de la condamnation amnistiée sera constaté d'autant plus rapidement que la jurisprudence encadre strictement la possibilité d'intenter une voie de recours. D'autre part, dans les hypothèses où la loi le prévoit, elle s'applique à des condamnations devenues définitives, qui, en outre, doivent avoir bénéficié sous condition de l'amnistie. Le garde des sceaux précise ensuite que la portée de l'interdiction édictée à l'article 133-11 du code pénal et reprise aux articles 23 et 15 des lois d'amnistie précitées doit bien être délimitée : elle ne concerne en effet que les personnes qui ont eu connaissance de la condamnation ou de la sanction disciplinaire amnistiée dans l'exercice de leurs fonctions. Par ailleurs, la jurisprudence, tant administrative que judiciaire, interprète cette interdiction de façon restrictive, puisqu'elle considère notamment qu'il est possible de rappeler les faits ayant donné lieu à la condamnation, à condition que la condamnation elle-même ne soit pas évoquée. Enfin, il convient de souligner qu'en tout état de cause, comme il est rappelé à l'article 22 de la loi du 3 août 1995 et à l'article 17, alinéa 2, de la loi du 6 août 2002, une action en révision tendant à faire reconnaître l'innocence du condamné reste possible, en dépit de l'amnistie de la condamnation initiale. De même, la jurisprudence admet la recevabilité d'un pourvoi dans l'intérêt de la loi, même quand la condamnation prononcée par la décision attaquée est amnistiée.
Auteur : M. Thierry Mariani
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 20 janvier 2003
Réponse publiée le 17 mars 2003