DOM : Guyane
Question de :
Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste
Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre délégué à l'industrie sur la nécessité d'un programme énergétique spécifique à la Guyane, et rendu urgent par le mouvement de grève conduit par l'intersyndicale UTG/CGT et CDTG/CFDT représentant les personnels de toutes catégories de métiers. L'enjeu est de taille. Il relève de la stratégie énergétique et de la garantie par l'État de l'égal accès de tous les citoyens aux biens de première nécessité. C'est le fondement même du service public, tel qu'il est énoncé dans le préambule de la Constitution de 1946, repris en référence dans celui de la Constitution de 1958. Cette obligation doit s'exercer sur le territoire guyanais, dont les caractéristiques structurelles imposent un ajustement des ratios et critères qui servent de standards dans la répartition des crédits et autorisations budgétaires. Ce territoire est enclavé par défaut d'aménagement, du fait exclusif de l'État avant les lois de décentralisation de 1982 puis sous la responsabilité partagée État-collectivités locales depuis. La population, composée à plus de 50 % de jeunes de moins de vingt-cinq ans (donc consommateurs durables), de près de 35 % de personnes d'origine étrangère (public difficile à planifier quantitativement) et de 17 % de bénéficiaires du RMI (faible solvabilité) est répartie en trois grands pôles : la moitié dans l'île de Cayenne, le quart le long du Maroni avec des villages très dispersés, et une part conséquente dans la région de Kourou et ses environs, les habitants de la côte est ne devant pas être négligés malgré et surtout à cause de leur isolement. La surdensité urbaine du littoral exerce une pression continue qui devrait s'avérer croissante (sur la base des statistiques prévisionnelles élaborées à partir des données douanières), les besoins dans les zones non inter-connectées du Maroni, de l'Oyapock et en général dans l'hinterland d'une grande vitalité démographique, devraient aggraver les difficultés de fonctionnement d'un réseau partiellement vétuste. La centrale thermique de Dégrad-des-Cannes a été équipée en 1982 et 1987 (moteurs Diesel) puis en 1991 et 1992 (TAC, turbines à combustion). Le dernier investissement significatif d'extension et de diversification du réseau remonte à la mise en eau en 1994 du barrage de Petit-Saut (Sinnamary) qui, en période de sécheresse (de trois à quatre mois dans l'année) rend aléatoire la capacité de production. Ainsi, cette unité a fourni 50 % du total de la consommation en 1998 et 51 % en 2003 contre 79 % en 1997 et 70 % en 2001. Cette forte irrégularité est liée à la pluviométrie et à l'hydraulicité (volume, pH, turbidité, etc.), la durée de la saison sèche étant passée de deux à quatre mois de 1999 à 2003. L'augmentation de l'offre au fur et à mesure de la croissance de la demande (qui s'élève tout de même à 4 % par an avec une hausse de la puissance de pointe de 3 % ces six dernières années !), telle que formulée par un dirigeant de l'entreprise n'est pas acceptable, ni du point de vue du respect dû aux usagers, ni de celui des engagements internationaux de la France induisant un effort d'anticipation des besoins et de rattrapage des insuffisances, ni même des principes de gestion d'une entreprise d'une telle dimension, à laquelle incombe une telle responsabilité. L'annonce d'un nouvel équipement d'une charge de 70 MW en remplacement d'une centrale fournissant 72 MW illustre jusqu'à la caricature une logique prisonnière des contraintes de rentabilité et sans égard pour les réalités géographiques (enclavement du territoire), démographiques (croissance de la population), sociologiques (profil dominant de la clientèle à revenu faible ou moyen) et économiques (coût des intrants de production et autres charges ; faible progression du PIB de 0,8 % par an contre 3 % de moyenne nationale, fort potentiel d'expansion ; dégradation du ratio d'effort fiscal par réduction du nombre de foyers imposables) particulières à la Guyane. D'autre part, la différence défavorable de traitement entre la Guyane et les régions de l'Hexagone suscite à raison des questions quant au statut de la population au regard des lois et droits réels. Par ailleurs, qu'il ne soit affecté à la Guyane que 70 millions d'euros sur un total de 1 milliard d'euros pour les territoires relevant du SEI (outre-mer et Corse) accentue les disparités, crée des tensions et aggrave les carences du dispositif. La délégation de crédits pour la Corse intègre, de façon normale et rationnelle, les besoins en investissement, en maintenance et en réhabilitation du réseau existant. Il faudra expliquer aux Guyanais ce qui justifie l'écart entre les 400 millions d'euros affectés à l'île de Beauté et les 70 millions d'euros réservés à l'ancien Eldorado, de population équivalente en nombre et de superficie nettement supérieure. Ce jeu malsain est également à l'oeuvre sur le dossier de la continuité territoriale où l'État attribue 600 millions d'euros pour les 200 000 habitants corses et 32 millions d'euros pour le million d'habitants d'outre-mer, malgré des distances incomparables. Les ressortissants d'outre-mer, lucides, se réjouissent de la prise en compte des besoins corses et refusent de céder à une compétition malséante et absurde. Mais ils n'entendent pas subir docilement ces injustices qui montrent, de façon flagrante, que l'État sait entendre ou mesurer les besoins. Les personnels d'EDF représentés par leurs délégués syndicaux craignent que la « filialisation » entraîne une détérioration lourde de l'offre d'énergie, enchérisse le service, creuse les inégalités, précarise davantage encore les usagers les plus vulnérables, fragilise les activités économiques. Il est utile de démontrer de façon irréfutable si tel est le cas que cette prévention n'est pas fondée. La question de la péréquation tarifaire, attribut et disposition indispensable à l'accomplissement du service public, ne peut être évacuée comme si son maintien était automatique alors que tous les précédents d'ouverture de capital, d'affaiblissement de l'influence de l'État, de démembrement d'entités économiques, de segmentation et de privatisation de prestations amont ou intermédiaires, prouvent qu'à court ou moyen terme, la loi du marché prédomine et les servitudes de la compétitivité prévalent sur l'intérêt général. En résumé, les possibilités de diversification (réseau hydrographique, ressources forestières, plateau continental, espace économique exclusif, climat...), la conformation aux normes environnementales, les perspectives élaborées par la PPI du 29 janvier 2002 pour l'horizon 2010, les prévisions de l'IED (supérieures à celles d'EDF), les impératifs de maîtrise de l'énergie constituent un faisceau d'obligations plaidant pour un programme énergétique réfléchi et adapté à la Guyane. Elle lui demande quelles initiatives il envisage de prendre à cette fin et dans quel délai.
Réponse publiée le 27 février 2007
En application de l'article 6 de la loi du 10 février 2000, la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de production d'électricité est arrêtée régulièrement par le ministre délégué à l'industrie, avec l'objectif d'assurer la sécurité d'approvisionnement. Conformément à la loi, cette PPI est établie de manière à laisser une place aux productions décentralisées, à la cogénération et aux technologies nouvelles. À la suite de l'adoption d'un amendement de la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de politique énergétique, la loi précise que le périmètre de la PPI tient compte de l'ensemble du territoire des zones non interconnectées. Un bilan prévisionnel pluriannuel d'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité sera réalisé au premier semestre de cette année par le gestionnaire du réseau public de distribution. Dans l'objectif d'assurer la sécurité d'approvisionnement, cet exercice permettra de réactualiser les besoins en moyens de production à installer eu égard aux évolutions des prévisions de consommation et au développement des énergies renouvelables. Sur la base de ce bilan prévisionnel, une programmation pluriannuelle des investissements de production électrique sera établie. Elle traitera les questions relatives à la maîtrise de la demande en électricité et à la diversification du bouquet énergétique, notamment par le développement des énergies renouvelables. La PPI permettra de préciser les besoins d'investissements, le cas échéant, par type d'énergie primaire et par technique de production. S'agissant plus particulièrement de la Guyane, il est précisé, d'ores et déjà, qu'EDF a décidé d'investir, à l'horizon 2010, plus de soixante-dix millions d'euros en Guyane pour assurer le renouvellement des moteurs Diesel (70 MW) de Dégrad-des-Cannes pérennisant ainsi les capacités de production électrique de la Guyane en améliorant la protection de l'environnement. En plus de ces investissements de renouvellement, et en fonction des autres projets de production d'électricité qui pourront se développer, EDF envisage, le cas échéant, d'étendre le champ de ses investissements afin de satisfaire les besoins identifiés par la dernière programmation pluriannuelle des investissements, soit 20 MW supplémentaires en 2011. Par ailleurs, ce sont les collectivités locales qui concèdent les réseaux de distribution et que le périmètre des concessions n'a pas d'influence sur la péréquation tarifaire. Conformément à la loi, la péréquation géographique nationale des tarifs permet à tous nos concitoyens, où qu'ils se trouvent sur le territoire, de bénéficier de l'électricité aux mêmes tarifs.
Auteur : Mme Christiane Taubira
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Dates :
Question publiée le 19 décembre 2006
Réponse publiée le 27 février 2007