DOM : Guyane
Question de :
Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste
Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la gestion de la pêche au vivaneau en Guyane. Le vivaneau est une espèce très prisée sur les marchés extérieurs, aussi bien en Europe que dans la Caraïbe et l'Amérique du Nord. Ce poisson a servi de produit d'appel pour la conquête de marchés dans une stratégie de pénétration et de fidélisation d'autres espèces moins commerciales, notamment les variétés de poisson blanc (à écaille et limoneux). Ni le secteur artisanal ni le secteur industriel en Guyane ne disposent de navires armés pour ce type de pêche. Les dispositions du chapitre V du règlement (CE) n° 51/2006 du Conseil du 22 décembre 2005 dédié au régime de licences applicable aux navires de pêche de pays tiers (règlement reconduit chaque année depuis le premier datant de 1986) fait obligation à l'armateur détenteur d'une licence de débarquer dans les ports de Guyane au moins 75 % des prises de vivaneaux ou 50 % des prises de requin pour y être traitées dans les installations de l'entreprise avec laquelle il a souscrit contrat. Ce contrat porte un visa d'administration maritime attestant la conformité des dispositions et des volumes avec les capacités de traitement de l'entreprise de transformation et les objectifs du développement de l'économie guyanaise. Cette réglementation communautaire attribue chaque année quarante-six licences accordant un droit de pêche renouvelable. Cinq licences sont réservées à la Barbade et quarante et une au Venezuela. Pour des raisons qui semblent relever d'une méconnaissance du dispositif et de l'absence de navire adapté (long liner), la Barbade n'a jamais exercé son droit de disposer de ces cinq licences. Á ce jour, seuls des armateurs propriétaires de ligneurs vénézuéliens sollicitent annuellement l'attribution et le renouvellement de ces licences de pêche communautaire. Sous contrat avec deux entreprises guyanaises, elles exploitent cette ressource à concurrence de vingt-cinq licences en contrat avec la société Abchee, et seize avec la Coguimier. Il s'agit de deux sociétés de droit privé. Les contraintes contractuelles étant satisfaites, à savoir la livraison aux entreprises de transformation des trois quarts de la cargaison des ligneurs sous contrat, le quart de production restant demeure à la discrétion des armateurs. Cette obligation contractuelle est aménagée. Au lieu d'être lissée sur l'année, avec un débarquement de 75 % à chaque campagne, elle est regroupée de sorte que les navires débarquent 100 % de leur cargaison sauf celles de trois campagnes qui leur reviennent intégralement. Un interdit contractuel de commercialisation aux Antilles est censé frapper les 25 % non débarqués aux usines des entreprises bénéficiaires des contrats. Sur cette production conservée par les armateurs vénézuéliens, nul ne peut maîtriser le respect de cet interdit. En fait, il est probable qu'une partie de la cargaison restée entièrement à disposition des armateurs est distribuée aux Antilles. Chaque campagne produisant une moyenne de quatre à cinq tonnes, c'est donc pour ces trois campagnes de libre disposition une quinzaine de tonnes par navire, soit environ trois cents tonnes pour les vingt navires en activité réelle, qui échappent au marché local. Considérant la demande émanant de tierces sociétés guyanaises de droit privé réclamant de pouvoir acheter aux navires vénézuéliens la production non soumise à l'obligation de livraison aux entreprises sous contrat, elle lui demande sur quels fondements juridiques (législatifs, communautaires ou réglementaires) la fraction de la cargaison de pêche ne peut leur être vendue. Elle le prie de lui faire savoir s'il y a lieu de considérer que le tissu économique en Guyane est suffisamment constitué pour que soit ainsi bridée une activité de production et de valorisation qui contribuerait à une offre plus stable et régulatrice du marché, outre ses impacts en matière d'emploi, d'économie d'échelle sur les intrants et de dynamisation de la filière ainsi que des activités annexes.
Réponse publiée le 13 février 2007
La pêche des vivaneaux est effectuée dans les eaux communautaires au large de la Guyane (zone économique exclusive) par quarante et un navires de nationalité vénézuélienne disposant de licences délivrées par la Commission européenne, auxquels s'ajoutent huit navires français opérant depuis les Antilles. En 2005, la flottille vénézuélienne a débarqué en Guyane 1 010 tonnes de vivaneaux. L'année 2006 a connu une augmentation importante puisque 1 300 tonnes étaient déjà atteintes au 1er novembre 2006. Les conditions d'exploitation et d'autorisation de pêche au vivaneau sont définies chaque année par un règlement du conseil mis en oeuvre par la Commission européenne avec les autorités françaises. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de navires français pratiquant cette activité de pêche au départ de la Guyane (pêche à la ligne qui nécessiterait un matériel spécifique et un équipage nombreux). En contrepartie de l'autorisation de pêcher dans les eaux communautaires, les ligneuls vénézuéliens ont l'obligation de débarquer 75 % de leur production en Guyane auprès des usiniers locaux (les sociétés ABCHEE et CO.GU.MER), avec lesquels ils passent des contrats commerciaux qui sont vérifiés et visés chaque année par les affaires maritimes. Ces contrats constituent une pièce indispensable au dossier de demande de licence. En 2006, vingt-trois de ces navires étaient liés par des contrats commerciaux à la société ABCHEE et dix-huit à la société CO.GU.MER. Cette répartition résulte d'un accord passé il y a plusieurs années avec l'accord de la profession (comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Guyane) sous condition du maintien, voire du développement de la filière et de l'emploi local. Les huit navires opérant depuis les Antilles, s'agissant de navires français, sont, eux, autorisés à pêcher dans cette zone sans condition de débarquement. Les vivaneaux débarqués sont essentiellement destinés à être réexpédiés congelés ou frais, sur le marché des Antilles, très demandeur de ces espèces. Une fraction de cette production est toutefois commercialisée en frais en Guyane (grandes surfaces, poissonneries). Afin de sécuriser l'activité des usiniers locaux, l'obligation de débarquement s'apprécie sur une base annuelle et non pas par voyage. Ainsi, pour des raisons de commodité, il est fréquent que les navires vénézuéliens effectuent trois marées (de dix jours chacune environ) en débarquant la totalité de leur production auprès des usiniers locaux et conservent le produit de la pêche de leur quatrième campagne. Les navires vénézuéliens n'ont au regard de la réglementation européenne, aucune obligation quant au nombre de marées ou de débarquements. Cela ne peut résulter que d'objectifs commerciaux, fixés entre les usiniers et les armateurs. La seule obligation est bien de débarquer 75 % de leur production en Guyane. Les 25 % restants sont laissés à la libre appréciation de l'armateur vénézuélien qui peut les vendre à l'opérateur de son choix, mais ne peut les commercialiser directement en Guyane. Les armateurs ont par conséquent la possibilité, soit de ramener les 25 % leur revenant au Venezuela, soit de débarquer cette partie de leur production aux Antilles, mais avec un régime semblable à celui des importations de produits de la mer en provenance de pays tiers (préavis de débarquement, contrôles sanitaires...). S'il est exact qu'en 2005, la société CO.GU.MER n'a pas exploité tous ses contrats commerciaux contrairement à la société ABCHEE, en raison de difficultés économiques, les deux sociétés ont utilisé pleinement les licences de pêche qui leur ont été accordées par la Commission européenne en 2006, du fait d'une amélioration des conditions du marché antillais. Il n'y a donc pas eu de « gel » de licences ou de licences non utilisées en 2006. La situation actuelle permet d'assurer plusieurs dizaines d'emplois dans les usines des opérateurs guyanais. Toutefois, rien n'interdirait à l'avenir une autre répartition avec un troisième usinier, si une nouvelle usine de transformation venait à s'installer. À cet égard, la société « Marée du sud », nouvellement constituée, a fait une demande d'attribution de trois licences supplémentaires au profit de navires vénézuéliens afin de bénéficier de cette production. La société « Marée du Sud » souhaite également exporter ces vivaneaux vers le marché antillais pour constituer un « produit d'appel » et favoriser ensuite la commercialisation d'autres espèces guyanaises moins connues aux Antilles. Cette demande a été transmise par la direction régionale des affaires maritimes de Guyane pour expertise auprès de I'IFREMER, afin de déterminer si une augmentation de l'effort de pêche est possible. La société « Marée du sud » devra faire évoluer son activité car, à ce jour, elle ne répond pas au statut « d'entreprise de transformation » requis par la réglementation communautaire. Il convient également de souligner que la pêche au vivaneau est sujette à des variations saisonnières importantes, ce qui explique que l'activité de certains navires ne soit pas constante toute l'année au large de la Guyane.
Auteur : Mme Christiane Taubira
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Dates :
Question publiée le 9 janvier 2007
Réponse publiée le 13 février 2007