DOM : Guyane
Question de :
Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste
Mme Christiane Taubira interroge à nouveau M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la gestion des licences de pêche au vivaneau en Guyane. Se référant à sa question précédente, elle rappelle que deux sociétés de droit privé, les entreprises Abchee et Cogumer, se partagent les quarante et une licences attribuées chaque année et renouvelées au mois de décembre sous le contrôle des services de l'État qui vérifient les capacités de traitement des entreprises, les besoins de l'économie locale et la conformité des dispositions contractuelles avec la réglementation communautaire. Or les données collectées par l'Ifremer font apparaître que ces deux opérateurs disposent en réalité de la production d'une vingtaine de navires au total, soit moins de la moitié des quarante-six licences autorisées par la commission de l'Union européenne. En termes de volume, c'est ainsi plus de la moitié du potentiel de la ressource en vivaneau qui n'est pas mise sur le marché. Par ailleurs, considérant que, depuis une vingtaine d'années, le nombre de licences déterminant le prélèvement sur la ressource est sensiblement le même (20 licences autorisées en 1986, 41 en 2006 mais seulement vingt en activité réelle), il y a lieu de procéder à une évaluation de ce système captif qui revient à réserver, de fait, à deux entreprises de droit privé une prérogative protégée sur une ressource commune. Le gel des licences non utilisées ne profite pas dans l'immédiat à la Guyane puisqu'il limite sa capacité d'expansion de la filière. Il pénalisera à terme les entreprises actuellement bénéficiaires car elles n'auront pas toujours les moyens de freiner l'intervention d'autres unités de pêche. D'ores et déjà opèrent dans les eaux de la zone économique exclusive de Guyane une dizaine de navires basés aux Antilles et qui, battant pavillon communautaire, ne sont pas soumis à l'obligation de débarquement imposée aux navires étrangers sous licence. Des projets de construction de ligneurs devraient sous peu renforcer encore cette flotte. En vingt ans d'une activité lucrative qui aurait pu remplir la mission de locomotive du développement en Guyane, la routine et les privilèges rentiers prévalent, sans qu'aucune évaluation n'ait été effectuée aux fins de définir les meilleures stratégies de dynamisation de la filière, de pérennisation des entreprises, de consolidation des pratiques professionnelles. L'organisation de producteurs (OPMG) est habilitée, au titre des compétences dévolues par le règlement communautaire, à mobiliser des instruments techniques et financiers pour l'organisation de la production, de la valorisation et de la distribution. Elle dispose normalement des éléments d'appréciation permettant de jauger avec recul les fragilités du dispositif et d'effectuer les correctifs nécessaires. Elle lui demande de faire procéder à une évaluation des conditions d'attribution et d'exploitation des licences de pêche au vivaneau, de préciser l'usage légal et réglementaire possible de l'écart constaté entre les licences demandées et attribuées et leur utilisation, d'indiquer la considération à réserver aux statistiques établies par l'Ifremer et les perspectives qu'elles dégagent quant à la possibilité pour d'autres opérateurs guyanais d'accéder à une part de la ressource.
Réponse publiée le 13 février 2007
La pêche des vivaneaux est effectuée dans les eaux communautaires au large de la Guyane (zone économique exclusive) par quarante et un navires de nationalité vénézuélienne disposant de licences délivrées par la Commission européenne, auxquels s'ajoutent huit navires français opérant depuis les Antilles. En 2005, la flottille vénézuélienne a débarqué en Guyane 1 010 tonnes de vivaneaux. L'année 2006 a connu une augmentation importante puisque 1 300 tonnes étaient déjà atteintes au 1er novembre 2006. Les conditions d'exploitation et d'autorisation de pêche au vivaneau sont définies chaque année par un règlement du conseil mis en oeuvre par la Commission européenne avec les autorités françaises. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de navires français pratiquant cette activité de pêche au départ de la Guyane (pêche à la ligne qui nécessiterait un matériel spécifique et un équipage nombreux). En contrepartie de l'autorisation de pêcher dans les eaux communautaires, les ligneuls vénézuéliens ont l'obligation de débarquer 75 % de leur production en Guyane auprès des usiniers locaux (les sociétés ABCHEE et CO.GU.MER), avec lesquels ils passent des contrats commerciaux qui sont vérifiés et visés chaque année par les affaires maritimes. Ces contrats constituent une pièce indispensable au dossier de demande de licence. En 2006, vingt-trois de ces navires étaient liés par des contrats commerciaux à la société ABCHEE et dix-huit à la société CO.GU.MER. Cette répartition résulte d'un accord passé il y a plusieurs années avec l'accord de la profession (comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Guyane) sous condition du maintien, voire du développement de la filière et de l'emploi local. Les huit navires opérant depuis les Antilles, s'agissant de navires français, sont, eux, autorisés à pêcher dans cette zone sans condition de débarquement. Les vivaneaux débarqués sont essentiellement destinés à être réexpédiés congelés ou frais, sur le marché des Antilles, très demandeur de ces espèces. Une fraction de cette production est toutefois commercialisée en frais en Guyane (grandes surfaces, poissonneries). Afin de sécuriser l'activité des usiniers locaux, l'obligation de débarquement s'apprécie sur une base annuelle et non pas par voyage. Ainsi, pour des raisons de commodité, il est fréquent que les navires vénézuéliens effectuent trois marées (de dix jours chacune environ) en débarquant la totalité de leur production auprès des usiniers locaux et conservent le produit de la pêche de leur quatrième campagne. Les navires vénézuéliens n'ont au regard de la réglementation européenne, aucune obligation quant au nombre de marées ou de débarquements. Cela ne peut résulter que d'objectifs commerciaux, fixés entre les usiniers et les armateurs. La seule obligation est bien de débarquer 75 % de leur production en Guyane. Les 25 % restants sont laissés à la libre appréciation de l'armateur vénézuélien qui peut les vendre à l'opérateur de son choix, mais ne peut les commercialiser directement en Guyane. Les armateurs ont par conséquent la possibilité, soit de ramener les 25 % leur revenant au Venezuela, soit de débarquer cette partie de leur production aux Antilles, mais avec un régime semblable à celui des importations de produits de la mer en provenance de pays tiers (préavis de débarquement, contrôles sanitaires...). S'il est exact qu'en 2005, la société CO.GU.MER n'a pas exploité tous ses contrats commerciaux contrairement à la société ABCHEE, en raison de difficultés économiques, les deux sociétés ont utilisé pleinement les licences de pêche qui leur ont été accordées par la Commission européenne en 2006, du fait d'une amélioration des conditions du marché antillais. Il n'y a donc pas eu de « gel » de licences ou de licences non utilisées en 2006. La situation actuelle permet d'assurer plusieurs dizaines d'emplois dans les usines des opérateurs guyanais. Toutefois, rien n'interdirait à l'avenir une autre répartition avec un troisième usinier, si une nouvelle usine de transformation venait à s'installer. À cet égard, la société « Marée du sud », nouvellement constituée, a fait une demande d'attribution de trois licences supplémentaires au profit de navires vénézuéliens afin de bénéficier de cette production. La société « Marée du Sud » souhaite également exporter ces vivaneaux vers le marché antillais pour constituer un « produit d'appel » et favoriser ensuite la commercialisation d'autres espèces guyanaises moins connues aux Antilles. Cette demande a été transmise par la direction régionale des affaires maritimes de Guyane pour expertise auprès de I'IFREMER, afin de déterminer si une augmentation de l'effort de pêche est possible. La société « Marée du sud » devra faire évoluer son activité car, à ce jour, elle ne répond pas au statut « d'entreprise de transformation » requis par la réglementation communautaire. Il convient également de souligner que la pêche au vivaneau est sujette à des variations saisonnières importantes, ce qui explique que l'activité de certains navires ne soit pas constante toute l'année au large de la Guyane.
Auteur : Mme Christiane Taubira
Type de question : Question écrite
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : agriculture et pêche
Ministère répondant : agriculture et pêche
Dates :
Question publiée le 9 janvier 2007
Réponse publiée le 13 février 2007