hommes de troupe
Question de :
Mme Irène Tharin
Doubs (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Mme Irène Tharin souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense sur les difficultés juridiques qui peuvent survenir sur les champs de bataille en opérations extérieures. En effet, la direction des affaires juridiques prend en compte, d'une part, la force agissant sous mandat (ONU, OTAN, UE), donc son chef, et, d'autre part, les militaires. Ainsi, autant on peut exiger d'un chef qu'il ait connaissance et donc qu'il respecte le droit international, celui du pays hôte et le droit français, autant le militaire de rang plus modeste, à son niveau d'exécutant, risque d'ignorer les limites de sa liberté d'action et, de fait, enfreindre une des trois législations en vigueur alors même qu'il doit agir vite, parfois en situation de combat. Ainsi, le militaire de rang modeste pourrait voir sa responsabilité engagée s'il n'est pas juriste suffisamment compétent pour connaître non seulement à la lettre les règles de droit en vigueur sur le théâtre des opérations où il intervient, mais aussi l'esprit d'une règle de droit. En conséquence, il souhaite connaître les dispositions déjà prises ou à prendre afin de libérer l'échelon subordonné de toute inquiétude juridique au combat.
Réponse publiée le 27 mars 2007
La question de la responsabilité juridique des militaires français déployés dans le cadre d'opérations extérieures (OPEX), quel que soit leur grade, fait l'objet de la plus grande attention de la part du ministère de la défense. Les actions engagées portent, d'une part, sur la mise en place d'un cadre juridique spécifique à l'état de militaire en OPEX, en complément des dispositions de droit commun et, d'autre part, sur des actions de formation et de conseil des troupes déployées. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2005 portant nouveau statut général des militaires (SGM), seules les dispositions de droit commun, autour principalement du principe de la légitime défense, régissaient les éventuelles mises en cause pénales d'un militaire agissant dans le cadre d'une opération extérieure. Le nouveau SGM a créé une nouvelle cause d'irresponsabilité pénale propre aux militaires engagés en opérations extérieures. Aux termes de l'article 17-2 de la loi du 24 mars 2005, « n'est pas pénalement responsable le militaire, qui, dans le respect des règles du droit international et dans le cadre d'une opération militaire se déroulant à l'extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission ». La notion de « mission » doit être entendue proportionnellement au niveau de responsabilité exercé par le militaire. La mission d'un exécutant, d'un homme du rang par exemple, doit s'analyser différemment de celle d'officiers chargés du commandement d'une force. Il en découle le devoir impérieux pour les chefs militaires de formuler des ordres clairs et précis. Au besoin, le juge pénal examinera la nature des ordres donnés et déterminera l'exigence de formalisme requis. En toute circonstance, l'usage de la force doit être proportionné. Chaque échelon de la chaîne de commandement doit s'assurer que l'échelon immédiatement subordonné respecte ce principe et, le cas échéant, prend les mesures correctives qui s'imposent en cas de manquement. Pour autant, l'article 17-2 de la loi du 24 mars 2005 ne se substitue en rien aux dispositions de droit commun d'exonération pénale. En particulier, l'article 122-4 du code pénal prévoit que « n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l'autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal ». Transposé à la fonction militaire, cet article du code pénal traduit le principe fondamental du devoir d'obéissance par l'échelon subordonné à l'ordre reçu d'un échelon supérieur, sous réserve de ne pas être manifestement illégal. Il protège donc le soldat dans l'exécution de sa mission en prenant en compte son positionnement dans la chaîne de commandement avec le postulat, que, a priori, l'ordre donné par une autorité légitime peut être exécuté sans crainte. Il libère ainsi l'échelon de base de toute inquiétude juridique existentielle en reportant sur l'échelon supérieur la responsabilité d'élaborer un ordre conforme aux règles de droit. Outre la mise en place de ce nouveau cadre juridique en rapport avec les conditions effectives d'emploi des armées en OPEX, en complément des dispositions de droit commun, le ministère de la défense met en oeuvre des actions de formation et de conseil des troupes déployées. Compte tenu de ces éléments et conformément au droit international (Conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles associés de 1977) et à l'article 9-5 du décret du 15 juillet 2005 précité, qui prévoit que « tout militaire doit être formé à la connaissance et au respect des règles du droit international applicable dans les conflits armés », le ministère de la défense est résolument engagé dans une politique de formation active de ses cadres au droit des conflits armés en général et au cadre juridique de l'usage de la force en OPEX en particulier. La création en 1999 du bureau du droit des conflits armés au sein de la direction des affaires juridiques du ministère de la défense s'inscrit dans cette logique. Ce bureau, en coordination étroite avec l'état-major des armées, assure une diffusion la plus large possible du droit des conflits armés par des modules spécifiques intégrés aux formations des trois armées et de la gendarmerie nationale, quels que soient les niveaux, ainsi que par la réalisation de supports pédagogiques (CD-Rom, manuels) ou l'organisation de colloques ou séminaires. Des séances d'instruction sont également dispensées en France avant le déploiement des unités en OPEX dans le cadre des mises en condition opérationnelle. En outre, il est de la responsabilité des conseillers juridiques déployés sur les différents théâtres d'opérations extérieures de dispenser des séances d'instruction au profit des unités jusqu'au niveau de la compagnie, voire de la section dans certains cas. Ces séances sont en particulier l'occasion de commenter les dispositions de la « carte du soldat », dont chaque militaire reçoit un exemplaire et qui synthétise, sur un format de poche aisément consultable, la mission et les règles d'ouverture du feu et de comportement à adopter. Ce document est la déclinaison au niveau du soldat du catalogue de règles d'engagement décidé pour chaque OPEX et dont le but est de fixer, dans un langage clair et intelligible, les limites de l'usage de la force en tenant compte des facteurs juridique, politique et opérationnel. Ce soutien juridique de proximité, tant au profit du commandement que de l'état-major et de la troupe, permet de garantir une diffusion la plus large possible des règles de droit et de s'assurer, tant en phase de planification que de conduite des opérations, que les actions d'une force déployée dans le cadre d'une OPEX s'inscrivent dans un cadre juridique approprié.
Auteur : Mme Irène Tharin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : défense
Ministère répondant : défense
Dates :
Question publiée le 6 février 2007
Réponse publiée le 27 mars 2007