baux ruraux
Question de :
M. Nicolas Perruchot
Loir-et-Cher (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française
M. Nicolas Perruchot souhaite attirer l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur l'importance de préciser la portée de l'article L. 411-74 du code rural pour mettre fin à une insécurité juridique grandissante et injustifiée. L'article L. 411-74 du code rural, dont l'application est d'ordre public, est destiné à empêcher la cession marchande, sous une forme ou une autre, d'un bail rural entre un propriétaire et son fermier ou entre deux fermiers successifs. Cependant, les tribunaux ont développé récemment une interprétation extensive de cet article, comme interdisant la cession entre deux fermiers successifs d'améliorations effectuées sur le fonds pris à bail, même lorsque leur valeur est justifiée. Dès lors, ils estiment fondée toute demande en restitution des sommes versées à cette occasion, en se fondant sur la qualité des cocontractants, et non pas sur la valeur réelle des biens cédés. En outre, cette contestation peut intervenir dans les trente ans à compter de l'opération, comme l'a jugé la cour d'appel d'Angers le 22 mai 2002 à propos d'une transaction intervenue en 1985. En particulier, est condamné depuis peu la reprise, par le fermier entrant, du remboursement des emprunts destinés à financer les installations de drainage. Il s'agit pourtant d'une pratique courante. En outre, ces contrats font l'objet d'un contrôle par les associations syndicales autorisées de drainage et d'une information de la direction départementale de l'agriculture. Ces associations de drainage sont largement financées par des subventions publiques. Enfin, le paiement des indemnités de drainage se fait par l'intermédiaire du réseau du Trésor public. Les services de l'Etat sont donc informés et impliqués dans cette pratique, qui n'a rien de frauduleux. L'article L. 411-74, qui prohibe justement le gonflement de la valeur des biens cédés dans le but de dissimuler la valorisation du bail rural, ne devrait donc pas porter sur toute opération intervenant entre deux fermiers successifs. Il lui demande par conséquent de préciser le contenu de cette règle législative, pour, d'une part, mettre fin à une insécurité juridique extrêmement préjudiciable, notamment pour des agriculteurs retraités, qui ont agi de bonne foi et qui sont condamnés au paiement de sommes exorbitantes, du fait des intérêts moratoires et, d'autre part, prendre en compte des pratiques légitimes. Par ailleurs, il lui demande d'étudier le raccourcissement à une durée plus adaptée de la prescription trentenaire, qui permet aujourd'hui des recours abusifs. Cette clarification est d'autant plus urgente que les transactions visées par l'article L. 411 sont actuellement contrôlées et cautionnées par divers services de l'Etat, qui ne peuvent donc pas jouer leur rôle de conseil auprès des particuliers. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Réponse publiée le 2 juin 2003
Le garde des sceaux informe l'honorable parlementaire qu'on ne saurait imputer à l'article L. 411-74 du code rural, relatif à la prohibition des cessions de baux ruraux, une insécurité juridique pour ce qui est de la cession des améliorations résultant de travaux de drainage. En effet, l'article L. 411-69 alinéa 1 du même code dispose que « le preneur qui a, par son travail ou ses investissements, apporté des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur, quelle que soit la cause qui a mis fin au bail ». L'article L. 411-73 II alinéa 2 précise que « pour les travaux inclus dans des opérations collectives de drainage ou d'irrigation, le preneur doit joindre à sa proposition, notifiée au bailleur, l'engagement écrit d'acquitter les taxes syndicales correspondantes qui sont alors recouvrées par voie de rôle annexe. Dans ce cas, l'accord du bailleur emporte mandat d'être représenté par le preneur au sein de l'association syndicale ou foncière qui a la maîtrise des travaux ». Ce n'est donc qu'en cas de manquement à ces dispositions que l'article L. 411-74, qui impose notamment la répétition des sommes indûment perçues à l'occasion d'une cession illicite, s'applique. La prescription trentenaire s'applique à cette action en répétition, conformément à l'article 2262 du code civil. La question des prescriptions est actuellement étudiée par le ministre de la justice, afin de permettre des régimes cohérents.
Auteur : M. Nicolas Perruchot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Baux
Ministère interrogé : budget
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 17 février 2003
Réponse publiée le 2 juin 2003