Question écrite n° 12646 :
construction

12e Législature

Question de : M. Daniel Boisserie
Haute-Vienne (2e circonscription) - Socialiste

M. Daniel Boisserie appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les textes de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et la justice. Ceux-ci ont prévu plusieurs dispositions dérogatoires au code des marchés publics et à la loi sur la maîtrise d'ouvrage publique. Ces mesures sont destinées, selon le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, à agir en urgence afin de renforcer les moyens attribués aux administrations de la police et de la justice. Les organisations professionnelles d'architectes ont alors fait part de leur vive inquiétude au Gouvernement ; celui-ci a cherché par la suite à les rassurer en indiquant que ces dérogations ne s'appliqueront que de manière très limitée, au cas par cas et pour des bâtiments précisément identifiés. Or, des déclarations récentes de M. François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et de M. Henri Plagnol, secrétaire d'État chargé de la réforme de l'Etat, semblent à aller à l'encontre des propos rassurants évoqués plus haut. Ils ont en effet manifesté l'intention d'étendre ce recours à la procédure de conception-réalisation à l'ensemble des constructions publiques. Une telle démarche aurait pour conséquence de réserver aux grandes entreprises du BTP une sorte de monopole du marché intérieur. Elle signifie également la fin de bon nombre de professionnels du bâtiment tels que les architectes, les ingénieurs du bâtiment... et donc de PME... Outre le coup porté à l'emploi, une telle solution peut paraître inquiétante pour la viabilité des constructions futures car on sait parfaitement que la conception-réalisation signifie abandon de la programmation et des études préalables, mais aussi bien souvent de la qualité architecturale. Il semblerait que certaines dérives soient également déjà oubliées. Ces procédures ont en effet déjà été employées par la passé avec les marchés d'entreprises de travaux publics. Les coûts et les délais ont été si bien maîtrisés que l'on en est arrivé à construire les tristement célèbres lycées « Pailleron » ou les « Composants hospitaliers type ». L'opacité de ces procédures a gangrené durablement la vie politique nationale en favorisant ainsi les marchés truqués. Il lui demande donc de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'entend prendre son ministère pour éviter la réapparition de telles pratiques.

Réponse publiée le 29 septembre 2003

L'article 3.I de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 permet à l'État de confier à un même cocontractant la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance de bâtiments affectés à la police nationale. Ce marché englobant l'ensemble des phases d'une opération immobilière n'est pas assimilable aux marchés d'entreprise de travaux publics qui se définit à partir de deux critères fixés par la jurisprudence du juge administratif : d'une part, l'exploitation de l'ouvrage par le cocontractant en vue de gérer un service public ; d'autre part, le paiement différé de celui-ci en contrepartie de l'ensemble de ses prestations. Le marché introduit par l'article 3.I ne répond à aucun de ces critères. En effet, le règlement des prestations ne fait pas l'objet d'un paiement différé mais s'effectue par imputation des crédits des titres V pour la partie investissement et III pour la partie fonctionnement au fur et à mesure de l'exécution du marché. En outre, le cocontractant n'exploite pas le bâtiment construit en vue de la gestion d'un service public dans la mesure où une fois le bâtiment livré, l'État occupe et gère le bâtiment conformément aux schémas classiques d'utilisation des locaux administratifs. Le marché régi par l'article 3.I n'est donc pas soumis aux mêmes risques d'opacité financière que ceux connus par le passé. En termes de procédure, le marché conception, construction, aménagement, entretien et maintenance sera passé en application des dispositions du code des marchés publics et des principes arrêtés par le ministère pour l'organisation de sa maîtrise d'ouvrage immobilière. La circulaire NORINTF020200124 C du 3 mai 2002 pose la réalisation d'études préalables et la définition d'un programme des besoins immobiliers comme conditions fondamentales à la réussite d'un projet immobilier en terme de coût, de délais et de satisfaction des besoins. Elle recommande donc aux services de les conduire avec rigueur selon une méthodologie définie par le schéma directeur immobilier du ministère. Une instruction propre à l'application de l'article 3.I rappelant ces règles sera prochainement diffusée. Le ministère veillera à structurer le marché et apprécier les offres de manière à préserver un équilibre entre les différentes prestations dans le but de satisfaire à la fois la qualité architecturale, la fonctionnalité du bâtiment ainsi qu'une gestion économique des coûts de son entretien et de sa maintenance, ce qui n'affectera en rien le positionnement de tel ou tel groupement professionnel. Enfin, il est rappelé que la loi du 29 août 2002 a veillé à préserver le libre accès des entreprises à ce nouveau marché en prévoyant la possibilité pour l'État de l'attribuer à un groupement de personnes publiques ou privées susceptibles d'associer différents professionnels du bâtiment dans le cadre de structures spécifiquement constituées pour présenter leur offre. Elle prévoit également la possibilité pour l'État de recourir à l'allotissement ce qui, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 22 août 2002, garantit l'accès des petites et moyennes entreprises à la commande publique. Ce marché est en outre entièrement soumis aux dispositions législatives applicables en matière de sous-traitance.

Données clés

Auteur : M. Daniel Boisserie

Type de question : Question écrite

Rubrique : Bâtiment et travaux publics

Ministère interrogé : intérieur

Ministère répondant : intérieur

Dates :
Question publiée le 24 février 2003
Réponse publiée le 29 septembre 2003

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