maladies professionnelles
Question de :
Mme Martine Billard
Paris (1re circonscription) - Députés n'appartenant à aucun groupe
Mme Martine Billard attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la question du risque sanitaire en milieu professionnel. Le 18 février, l'Institut de veille sanitaire (InVS) a annoncé qu'il mènerait une enquête sur le nombre élevé de cancers du rein constatés chez les ouvriers d'une usine d'additifs nutritionnels pour animaux située dans la commune de Commentry (Allier). Le taux de cancer du rein chez les ouvriers de cette entreprise serait au moins vingt fois supérieur à la moyenne nationale. Si elle juge effectivement nécessaire la démarche de l'InVS qui enquête sur les éventuels liens entre le travail et cet agrégat de cas de cancers constatés (« cluster »), cette réponse apparaît comme une réponse partielle au problème parce qu'elle n'empêchera pas la survenue de problèmes similaires dans d'autres entreprises. Il ne semble pas, en effet, que les causes profondes de cette affaire soient clairement identifiées, à savoir le fait que la principale substance suspectée (le chloracétate C5) a été utilisée massivement sans avoir été testée au préalable. Ce cas illustre, à la suite d'affaires comme l'amiante ou les éthers de glycol, la nécessité de faire entrer le principe de précaution dans la gestion du risque chimique, c'est-à-dire d'évaluer les risques d'une substance avant de l'utiliser dans des usages professionnels ou domestiques. Cette affaire illustre également, une fois encore, la carence des institutions en charge de la santé au travail (médecine du travail, services de prévention des CRAM et INRS), puisque l'alerte n'est lancée qu'au dixième cas constaté. Afin de ne pas attendre qu'il y ait des maladies aussi graves, il convient d'intégrer pleinement la prévention des risques professionnels dans la politique publique de lutte contre le cancer, déclarée priorité du quinquennat. Il convient également de procéder à une réforme des institutions de santé au travail, dont les carences ont déjà fait l'objet de nombreux rapports officiels. Le dernier de la part de la Cour des comptes date de février 2002. Aussi elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour intégrer la prévention des maladies en milieu professionnel dans sa politique globale de santé publique, notamment dans le cadre du plan cancer à venir, et quelles suites il compte donner au rapport de la Cour des comptes relatif à la réforme des institutions de la santé au travail. - Question transmise à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
Réponse publiée le 15 décembre 2003
L'honorable parlementaire attire l'attention du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur la prévention du risque sanitaire en milieu professionnel, notamment au sein de l'entreprise Adisseo située à Commentry (Allier). Elle demande quelles sont les mesures prises pour intégrer la prévention des maladies en milieu professionnel dans la politique de santé publique, notamment dans le cadre du plan de mobilisation nationale contre le cancer. Concernant les salariés du site de Commentry, dès l'alerte donnée, des actions ont été menées, en premier lieu au niveau de l'entreprise. Les services du ministère ont saisi l'inspection du travail afin que soit menée une enquête en liaison avec les médecins inspecteurs régionaux du travail et de la main-d'oeuvre afin que tous les moyens de prévention nécessaires soient mis en oeuvre pour les salariés de l'entreprise ainsi que pour les salariés des entreprises sous-traitantes. Il a été également envisagé d'organiser, au-delà du suivi post-professionnel, un suivi post-exposition pour les salariés ayant quitté l'entreprise. Les éléments du rapport de l'Institut de veille sanitaire (InVS) parallèlement montrent que le nombre de cancers du rein dans la population du site est 13 fois supérieur au nombre attendu en utilisant les taux nationaux d'incidence en population générale. A partir de ce constat, plusieurs actions et plusieurs études ont été engagées. Dans le domaine de la prévention, l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) étudie, en liaison avec la caisse régionale d'assurance maladie et l'inspection du travail concernées, les possibilités d'améliorer les moyens de protection des travailleurs. Ceux-ci sont d'ores et déjà mis en oeuvre. En matière de toxicologie, notamment sur le produit incriminé, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) va être également saisie pour diligenter les études toxicologiques nécessaires en liaison avec l'InVS et l'INRS. Enfin l'InVS a proposé d'engager des études épidémiologiques afin de comprendre l'origine de cet excès de cancer. Le plan de mobilisation nationale contre le cancer - qui fait partie des cinq plans stratégiques inscrits dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique - comporte plusieurs dispositions. La mesure 13 : « renforcer la lutte contre les cancers professionnels et mieux impliquer les entreprises et les services de santé au travail dans la prévention des cancers » trouve une première traduction dans l'élaboration - en cours - d'un contrat-cadre élaboré entre le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité et le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, afin de conduire des actions spécifiques de prévention des cancers en milieu professionnel. Dans le cadre de ce partenariat, la première priorité des services des ministères est de contribuer au développement à l'amélioration des connaissances indispensables en matière de cancers professionnels. La mise en place par l'InVS d'une remontée d'informations à partir des cancérologues et des services hospitaliers spécialisés dans le traitement du cancer et la mise à disposition, par les organismes d'assurance maladie, des données détaillées relatives aux déclarations et aux reconnaissances de cancers d'origine professionnelle. En ce sens, le développement de la surveillance épidémiologique des travailleurs par l'InVS - qui fait l'objet d'une disposition dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique - s'appuiera sur les cohortes développées au sein de grandes entreprises ainsi que la mise en place de la cohorte prospective multirisques multisecteurs, inscrite au premier contrat d'objectifs et de moyens de l'InVS. Ils feront l'objet d'un rapport sur le risque de cancer en entreprise, qui sera régulièrement publié. Le projet de contrat-cadre prévoit également une meilleure prévention des cancers d'origine professionnelle en entreprise. C'est l'objet d'un renforcement des contrôles par l'inspection du travail en matière de respect des valeurs limites d'exposition professionnelle, de mise à disposition et d'utilisation d'équipements de protection collective et individuelle, une sensibilisation des médecins du travail aux risques différés, tels que ceux présentés par les agents cancérogènes, une diminution des seuils d'exposition, comme cela est déjà réalisé pour les rayonnements ionisants et le benzène, et la fixation de valeurs limites d'exposition de nature contraignante pour les agents les plus dangereux. Au titre des nouvelles mesures de protection des travailleurs figure un décret en conseil d'État en voie d'achèvement contre les effets des substances chimiques dangereuses, et notamment des substances chimiques dont le risque n'est pas encore démontré mais seulement suspecté. Ainsi la prévention des maladies en milieu professionnel est bien intégrée dans la politique sanitaire menée par le Gouvernement.
Auteur : Mme Martine Billard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Risques professionnels
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Dates :
Question publiée le 24 février 2003
Réponse publiée le 15 décembre 2003