traité instituant une cour pénale internationale
Question de :
M. Albert Facon
Pas-de-Calais (14e circonscription) - Socialiste
M. Albert Facon appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'adaptation de la législation française au statut de la cour pénale internationale. Le 1er juillet 2002 marque l'entrée en vigueur du statut de la cour pénale internationale, le seuil des 60 ratifications requises ayant été atteint deux mois auparavant. La ratification du statut par un Etat entraîne pour celui-ci l'obligation d'adapter sa législation au statut de la cour pour, d'une part pouvoir coopérer avec celle-ci, d'autre part permettre à ses tribunaux, s'ils ne le peuvent déjà, de juger les crimes du statut de la cour pénale internationale selon les définitions et les principes de droit posés par celui-ci. La France a entamé ce processus puisque le Parlement a adopté la loi du 26 février 2002, dite « loi relative à la coopération avec la cour pénale internationale ». Il reste à adopter la seconde partie de la loi d'adaptation. Si, en effet, le génocide et les crimes contre l'humanité sont prévus et réprimés par la législation française, celle-ci ne reconnaît pas les crimes de guerre en tant que tels. En l'état actuel de notre législation, les tribunaux français ne seraient pas en mesure de juger comme tels des faits commis par des ressortissants ou sur le territoire français depuis le 1er juillet 2002 et qui seraient identifiés comme des crimes de guerre selon les définitions du statut de la cour pénale internationale. Cette lacune est d'autant plus préoccupante que la cour pénale internationale ne pourrait la combler en appliquant le principe de complémentarité posé par son statut et en jugeant elle-même d'éventuels crimes de guerre qui seraient commis par des ressortissants ou sur le territoire français pendant 7 ans à compter du 1er juillet 2002. En effet, la France a assorti sa ratification d'une déclaration, dite « de l'article 124 du statut », par laquelle elle a refusé la compétence de la cour pour ces crimes et pour cette durée. Le 1er juillet 2002 a donc créé pour la France une situation particulière, un vide juridique source d'impunité potentielle, dont elle doit sortir d'urgence en adoptant la seconde partie de la loi d'adaptation de sa législation au statut de la cour pénale internationale. C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les intentions du Gouvernement sur l'adaptation de la législation au statut de la cour pénale internationale.
Réponse publiée le 4 août 2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que si les crimes de guerre ne sont pas définis en tant que tels dans notre législation la plupart d'entre eux peuvent déjà être poursuivis sur le fondement du code pénal ou du code de justice militaire et que rien ne s'oppose dès à présent à ce que les personnels français, civils ou militaires qui commettraient de tels crimes soient traduits devant les tribunaux français ; la circonstance que la France ait effectivement effectué une déclaration au titre de l'article 124 du statut de la Cour pénale internationale n'empêche aucunement les juridictions pénales françaises de juger, le cas échéant, les auteurs des infractions considérées. Si notre pays a déclaré, lors du dépôt de son instrument de ratification afférent à la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, qu'il entendait se prévaloir des dispositions de l'article 124 précité qui permettent à un Etat partie de décliner, pendant une période de sept ans, la compétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses ressortissants ou sur son territoire, une telle déclaration a pour seule finalité de vérifier l'efficacité des garanties introduites dans le statut pour éviter des plaintes abusives ou fondées sur des motifs politiques. De telles plaintes ne sont naturellement pas envisageables pour un génocide ou pour d'autres crimes contre l'humanité qui ont par définition un caractère massif et systématique. En revanche, les crimes de guerre, dont la définition dans le statut englobe la commission d'actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Des plaintes sans fondement pourraient ainsi être dirigées contre les personnels de pays qui, comme la France, sont fortement engagés sur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadre d'opérations humanitaires ou de maintien de la paix, et dont le seul objet serait d'embarrasser publiquement ces pays, voire le Conseil de sécurité lui-même. Eu égard à la fois aux responsabilités qui sont celles de la France en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales et au risque particulier de détournement de la Cour pénale internationale à des fins autres que judiciaires, les autorités françaises ont estimé que cette période probatoire de sept ans était nécessaire pour pouvoir apprécier in concreto si les dispositions procédurales insérées dans le statut pour éviter que la Cour ne soit « instrumentalisée » fonctionnent de manière satisfaisante. Pendant cette période, notre pays pourra intervenir, notamment lors de l'assemblée annuelle des Etats parties, pour mettre en lumière tel ou tel dysfonctionnement. Il convient, par ailleurs, de préciser qu'un projet de loi comportant notamment les incriminations permettant de couvrir, de la manière la plus exhaustive possible, les comportements prohibés par la convention susvisée est actuellement en cours d'élaboration. Le projet de loi considéré doit être présenté à l'automne en conseil des ministres.
Auteur : M. Albert Facon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 17 mars 2003
Réponse publiée le 4 août 2003