création
Question de :
M. Pierre Lang
Moselle (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Lang attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur certaines difficultés posées par la « SARL à un euro ». Cette mesure est prévue à l'article 1er du projet de loi pour l'initiative économique, qui propose de laisser aux associés de SARL le soin de fixer le montant du capital social dans les statuts. Sur le plan juridique, la réforme met à mal la distinction entre sociétés à risques limités, dont la SARL, et sociétés à risques illimités. II était en effet cohérent que les associés de SARL ne soient engagés qu'à concurrence de leurs apports, puisqu'un capital social minimum était exigé pour protéger les créanciers. A l'inverse, la loi n'attache aucune importance au capital des sociétés à risques illimités, car les associés sont tenus indéfiniment des dettes sociales à l'égard des créanciers. Avec la SARL à un euro, la distinction perd de son sens. Difficilement justifiable sur le plan théorique, la mesure pourrait bien être privée d'efficacité par la pratique des affaires. Face à une SARL sans capital social minimum, il est à craindre que les créanciers n'exigent, encore plus qu'avant, un cautionnement personnel des dettes sociales par les dirigeants. En outre, laisser croire à un créateur qu'il peut se lancer sans une mise de départ suffisante présente des risques judiciaires par la suite, si l'exploitation rencontre des difficultés. En effet, une jurisprudence déjà bien établie fait de l'insuffisance de fonds propres une faute de gestion. La Chambre commerciale de la Cour de cassation a posé, le 19 mars 1996, qu'une faute de gestion pouvait apparaître dès la création de la société, Un arrêt du 23 novembre 1999 précise que le lancement d'une SARL poursuivant une activité de promotion immobilière avec des fonds limités au montant légal du capital social constituait une faute de gestion. Cette activité nécessitait davantage d'investissement au départ pour être viable. De même, la constitution d'une SARL avec un capital limité au minimum légal pour réaliser des travaux a été jugée aventureuse (CA Aix-en-Provence, 16 mai 2001), du fait de l'insuffisance de fonds et de la dépendance envers un unique client, Le créateur a donc été sanctionné pour faute de gestion. Ainsi, la responsabilité des créateurs d'entreprises, déjà mise en cause en raison d'un capital social conforme au montant légal, mais néanmoins trop modique, pourrait à l'avenir être engagée plus fréquemment si la SARL à un euro est autorisée. Les tribunaux n'hésiteront pas à sanctionner les dirigeants dès lors que le capital social originel apparaîtra insuffisant au regard des besoins de financement normaux et prévisibles de la société. La possibilité de création d'une SARL avec un capital social très faible risque de masquer, aux yeux des fondateurs, les responsabilités qu'ils encourent. Sans oublier qu'un projet trop facilement mis sur pied n'a pas toujours d'assez bonnes bases pour réussir durablement. Par conséquent, il souhaiterait savoir comment il compte lutter contre les effets pervers entraînés par la « SARL à un euro » pour les créateurs d'entreprises imprudents.
Réponse publiée le 14 juillet 2003
La possibilité de constituer une SARL ou EURL avec un capital fixé librement dans les statuts s'inscrit dans un dispositif global permettant d'améliorer l'acte de création. Il sera désormais possible de créer une société en un jour et en un lieu unique, avec un capital fixé librement, pour un coût inférieur à 100 euros. Ce dispositif devrait stimuler la création dans son ensemble et inciter à la création d'entreprises sous forme d'EURL dans un contexte où les entrepreneurs ont une préférence marquée pour l'entreprise individuelle. L'EURL présente plusieurs avantages par rapport à l'entreprise individuelle. Elle possède une personnalité morale propre et permet ainsi la distinction juridique entre le patrimoine professionnel et le patrimoine privé. Elle résout partiellement la question du patrimoine d'affectation. La séparation des patrimoines entraîne une gestion comptable et financière plus rigoureuse. Sur le plan social, la situation de l'associé unique gérant est identique à celle de l'entrepreneur individuel. Cela le maintient dans le régime non salarié. Le régime fiscal de l'associé unique relève de l'impôt sur le revenu (IR) avec une possibilité d'option à l'impôt sur les sociétés (IS). La transmission d'une EURL est plus facile et moins coûteuse. Traditionnellement, l'exigence d'un montant minimal du capital social pour constituer une SARL est présentée comme le corollaire indispensable justifiant la limitation de la responsabilité des associés. Cette analyse paraît aujourd'hui largement dépassée. Le capital social d'origine représente le montant des apports faits par les associés à la société lors de sa constitution. Au cours de la vie sociale, le capital social peut être augmenté ou réduit mais présentera toujours une relative fixité. A l'inverse, le patrimoine de la société comprend tous les droits et obligations de la société et reflète l'emploi fait par la société de ses capitaux propres et, plus généralement, de ses ressources. La composition du patrimoine social varie donc constamment en fonction des opérations effectuées par la société : en réalité, c'est bien le patrimoine de la société qui constitue le gage de ses créanciers. Les apports effectués pour constituer le capital peuvent être librement utilisés par la société pour les besoins de son activité. Le capital peut ainsi avoir été entièrement dépensé ou investi quelques jours seulement après sa constitution. Dans ces conditions, l'obligation d'un capital minimal n'offre aucune garantie que la société dispose effectivement d'un patrimoine au moins égal à son capital. C'est en effet toujours au regard de son patrimoine, et non du montant du capital social, que les tiers accepteront ou non de contracter avec la société. Le capital social n'est que l'une des ressources permettant la constitution du patrimoine social. Le minimum de capital social exigé par la loi pour créer une SARL (7 500 euros) ne correspond à aucune exigence économique particulière. Les notions de capitaux propres ou de fonds propres paraissent plus pertinentes pour permettre cette appréciation. Toutefois, chaque société, chaque entreprise a, à un moment donné de son existence, des besoins de fonds propres ou de financement qui lui sont spécifiques. Toutes les sociétés en cours de constitution n'ont pas les mêmes besoins, et certaines entreprises nouvelles peuvent, pendant la première phase de leur existence, fonctionner avec de très faibles besoins de financement. Dans ces hypothèses, il ne paraît pas pertinent d'imposer un capital de départ. Toutefois, cette réforme ne saurait remettre en cause la nécessité de prouver une faute de gestion pour caractériser l'action en comblement de passif à l'encontre du gérant de la SARL. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, commet une faute de gestion le gérant d'une SARL « en créant une société sans apporter de fonds propres suffisants pour assurer son fonctionnement dans des conditions normales et en poursuivant l'activité de la société sans prendre aucune mesure pour remédier à cette insuffisance de fonds propres ». Le critère économique retenu par la Cour de cassation en l'espèce pour caractériser la faute de gestion est donc celui de l'insuffisance de fonds propres de la société au regard des besoins de son activité, le montant du capital social n'étant que l'un des éléments permettant de quantifier les fonds propres d'une société. Dans ces conditions, et pour stimuler la création d'entreprise, il n'existe aucune raison de pérenniser une contrainte devenue obsolète et de persister à exiger des créateurs d'entreprise, en toute circonstance, de façon arbitraire et uniforme, soit d'avoir un capital minimum de 7 500 euros, soit de devoir renoncer au bénéfice de la responsabilité limitée.
Auteur : M. Pierre Lang
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : PME, commerce, artisanat, professions libérales et consommation
Ministère répondant : PME, commerce, artisanat, professions libérales et consommation
Dates :
Question publiée le 7 avril 2003
Réponse publiée le 14 juillet 2003