contrôle
Question de :
Mme Paulette Guinchard
Doubs (2e circonscription) - Socialiste
Mme Paulette Guinchard-Kunstler appelle l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur les conséquences sociales des prises de participation de fonds d'investissement dans les entreprises françaises. Echappant à toute publicité qui garantirait leur transparence, car non cotés en Bourse, ces fonds d'investissements entrent au capital d'entreprises souvent familiales avec pour objectif la maximisation de leur rentabilité financière, au détriment de l'emploi. Elle l'alerte particulièrement sur les menaces de démantèlement pesant sur le groupe cartonnier français OTOR (3 000 emplois), à la suite d'une opération de LBO menée par le fonds d'investissement américain CARLYLE. Elle déplore l'absence de transparence des pactes d'actionnaires et l'usage d'indicateurs sujets à toutes les interprétations (EBITDA) pour évaluer la valeur de l'entreprise. Dans le cas d'OTOR, l'avenir de près de 1 000 salariés, dont 70 dans le Doubs, est ainsi suspendu à la méthode de calcul de l'EBITDA, ratio sans valeur de norme comptable. Elle lui demande en conséquence quelle est la position du Gouvernement sur ce sujet et s'il entend prendre des mesures visant à mieux contrôler les prises de participations financières de ces différents fonds d'investissements dans nos entreprises.
Réponse publiée le 30 juin 2003
Compte tenu du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, le ministère délégué à l'industrie ne peut prendre position sur le cas de l'entreprise privée évoqué dans la question posée, dont certains aspects sont actuellement en discussion devant les tribunaux. Par ailleurs, concernant l'opportunité et les modalités d'un éventuel contrôle des investissements étrangers en France, il s'agit d'un sujet complexe et important sur lequel il est toutefois possible d'apporter quelques précisions. La France est, parmi les grands pays industrialisés, un de ceux qui sont le plus perméables à des capitaux extérieurs à ses propres sources d'épargne. Pour les pays de taille modeste, le phénomène est courant. En effet, les entreprises, en se mondialisant, ont acquis des périmètres qui conduisent assez naturellement à ce que la part de leur capital détenue par des investisseurs du pays originaire de la société finisse par être relativement faible. Ce fait est en revanche encore assez limité aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne et même au Royaume-Uni. En France, environ 40 % du capital des entreprises du CAC 40 est détenu par des fonds salariaux ou d'investissement étrangers. Cela tient en particulier à la relative faiblesse, comparativement avec d'autres pays, du financement des retraites par capitalisation. Diverses mesures ont été apportées pour y remédier de façon structurelle dans les années à venir, dont la création du fonds de garantie des retraites. Ces moyens ne peuvent cependant avoir leur plein effet que sur une longue période. Des critères relatifs au développement durable ont été introduits dans la gestion des fonds d'investissement en France. Parallèlement, une veille est conduite en vue de mesurer les effets de la situation créée par un taux encore relativement faible d'orientation de l'épargne vers les entreprises dont les principaux pôles de décision, de création de valeur et d'emploi, sont en France. Enfin, et surtout, les mesures prises récemment en faveur de l'entreprise et de la restauration de sa rentabilité comme de l'intensité de l'innovation visent à fournir une réponse structurelle permettant une réorientation plus favorable des capitaux stables. L'entrée en bourse permet d'accroître de façon significative la transparence de la gouvernance d'une entreprise et d'assurer une égalité des droits des actionnaires. Les pactes d'actionnaires, qui sont pratique courante, sont utiles, voire nécessaires dans de nombreux cas pour stabiliser l'actionnariat lors du démarrage d'une entreprise. Ils peuvent toutefois comporter ultérieurement des effets moins positifs si les dirigeants n'y prennent garde. Dans le cas évoqué, il appartient à la justice, qui en est saisie, de se prononcer sur la bonne application du pacte. Il est exact que les modes d'évaluation comptable en vigueur outre-Atlantique laissent place à des interprétations. Les standards comptables International Accounting Standards Committee (IASC), qui tendent à se généraliser, comprennent d'ailleurs nettement moins de jurisprudence ou de détail que les standards US Generally Accepted Accounting Practices (US GAAP), ou qu'un certain nombre d'autres normes nationales. Dans un souci d'amélioration de cette situation et de la transparence des comptes, la Commission des opérations de bourse (COB) a récemment émis des recommandations afin que les entreprises cotées usent de normes comptables plus précises que ce seul critère. Ces recommandations ne s'appliquent toutefois pas pour des entreprises non cotées. Enfin, il convient de rappeler que l'Union européenne est fondée, notamment, sur le principe de la libre circulation des capitaux. Sauf cas particulier, le contrôle de ces derniers ne peut se faire qu'a posteriori, par voie juridictionnelle, lorsque des réglementations spécifiques (fiscale, douanière, boursière etc.) ont été méconnues.
Auteur : Mme Paulette Guinchard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : industrie
Ministère répondant : industrie
Dates :
Question publiée le 7 avril 2003
Réponse publiée le 30 juin 2003