traité instituant une cour pénale internationale
Question de :
M. Jean-Pierre Grand
Hérault (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Jean-Pierre Grand attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la ratification par la France du statut de la Cour pénale internationale. La ratification de ce statut, entré en vigueur depuis le 1er juillet 2002, impose pour un Etat d'adapter sa législation au statut de la Cour. La France a entamé ce processus en adoptant la loi du 26 février 2002 dite « loi relative à la coopération avec la Cour pénal internationale ». Il reste à adopter la seconde partie de la loi. La France n'a pas encore procédé aux aménagements du code pénal qu'impliquerait l'intégration de tous les crimes figurant au statut de la Cour pénale. Le droit français est en retard en ce qui concerne les crimes de guerre, incrimination qu'il ne connaît pas. Les tribunaux français ne seraient pas en mesure de juger comme tels des faits commis par des ressortissants - ou sur le territoire français - depuis le 1er juillet 2002 et qui seraient identifiés comme des crimes de guerre selon les définitions du statut de la CPI. La Cour pénale ne pourrait combler cette lacune en appliquant le principe de complémentarité posé par son statut et en jugeant elle-même ces crimes. La France a assorti sa ratification d'une déclaration dite « de l'article 124 du statut » par lequel elle a refusé la compétence de la Cour pour ces crimes et ce pendant sept ans à compter du 1er juillet 2002. Il le remercie pour les éléments de réponse qu'il voudra bien apporter à cette demande.
Réponse publiée le 9 juin 2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que si les crimes de guerre ne sont pas définis en tant que tels dans notre législation, la plupart d'entre eux peuvent déjà être poursuivis sur le fondement du code pénal ou du code de justice militaire et que rien ne s'oppose dès à présent à ce que les personnels français, civils ou militaires, qui commettraient de tels crimes soient traduits devant les tribunaux français ; la circonstance que la France ait effectivement effectué une déclaration au titre de l'article 124 du statut de la Cour pénale internationale n'empêche aucunement les juridictions pénales françaises de juger, le cas échéant, les auteurs des infractions considérées. Si notre pays a déclaré, lors du dépôt de son instrument de ratification afférent à la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, qu'il entendait se prévaloir des dispositions de l'article 124 précité qui permettent à un Etat partie de décliner, pendant une période de sept ans, la compétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses ressortissants ou sur son territoire, une telle déclaration a pour seule finalité de vérifier l'efficacité des garanties introduites dans le statut pour éviter des plaintes abusives ou fondées sur des motifs politiques. De telles plaintes ne sont naturellement pas envisageables pour un génocide ou pour d'autres crimes contre l'humanité qui ont par définition un caractère massif et systématique. En revanche, les crimes de guerre, dont la définition dans le statut englobe la commission d'actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Des plaintes sans fondement pourraient ainsi être dirigées contre les personnels de pays qui, comme la France, sont fortement engagés sur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadre d'opérations humanitaires ou de maintien de la paix, et dont le seul objet serait d'embarrasser publiquement ces pays voire le Conseil de sécurité lui-même. Eu égard à la fois aux responsabilités qui sont celles de la France en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales et au risque particulier de détournement de la Cour pénale internationale à des fins autres que judiciaires, les autorités françaises ont estimé que cette période probatoire de sept ans était nécessaire pour pouvoir apprécier in concreto si les dispositions procédurales insérées dans le statut pour éviter que la Cour ne soit « instrumentalisée » fonctionnent de manière satisfaisante. Pendant cette période, notre pays pourra intervenir, notamment lors de l'Assemblée annuelle des Etats parties, pour mettre en lumière tel ou tel dysfonctionnement. Il convient, par ailleurs, de préciser qu'un projet de loi comportant notamment les incriminations permettant de couvrir, de la manière la plus exhaustive possible, les comportements prohibés par la convention susvisée est actuellement en cours d'élaboration. Ce projet de loi devrait être présenté avant l'été en conseil des ministres.
Auteur : M. Jean-Pierre Grand
Type de question : Question écrite
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 21 avril 2003
Réponse publiée le 9 juin 2003