expertise
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste
M. François Hollande appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de loi « réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires et des conseils en propriété industrielle » et plus particulièrement sur le titre V « Dispositions relatives aux experts judiciaires ». Ce projet de loi menace sérieusement les conditions d'exercice des traducteurs et interprètes experts, ainsi que l'intérêt des particuliers ayant recours à leurs services. Les traducteurs et interprètes dit « assermentés » sont des experts judiciaires, au même titre que leurs confrères exerçant d'autres disciplines, dès lors qu'ils ont été admis par une commission de magistrats, sur une liste dressée par une cour de justice. Ainsi, dans l'état actuel de la législation, les magistrats ont la liberté de désigner tout traducteur de leur choix, mais doivent motiver leur décision lorsqu'ils choisissent une personne qui n'est pas inscrite sur une liste d'une cour. Les particuliers, par contre, doivent impérativement faire appel à un traducteur ou interprète inscrit sur une liste. Ainsi l'inscription des traducteurs et interprètes experts sur une liste est cruciale. Or l'article 39 du projet de loi affirme la liberté des juges à choisir toute personne « (...) pour réaliser une expertise (...) ». De plus, dès lors que les magistrats ne sont pas contraints de choisir un expert inscrit, on est en droit de se demander comment l'expert nouvellement inscrit pourra acquérir l'expérience exigée par l'article 2 si aucun magistrat ne fait appel à lui pendant la période probatoire. Il conviendrait par conséquent d'aménager le projet de loi spécifiquement pour les traducteurs et interprètes experts de telle manière que les modalités de leur maintien sur une liste d'une cour restent raisonnables, dans l'intérêt des particuliers. Il lui demande donc de quelle façon le Gouvernement entend répondre à ces légitimes préoccupations.
Réponse publiée le 7 juillet 2003
Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire que, dans le cadre de l'élaboration de la nouvelle nomenclature harmonisée des spécialités d'experts qui vient d'être établie et diffusée auprès de l'ensemble des cours d'appel, les traducteurs et interprètes ont été maintenus sur les listes d'experts judiciaires de droit commun, en leur consacrant toutefois une rubrique particulière. En effet, si ces professionnels n'ont pas pour principale mission d'accomplir des expertises au sens strict du terme, ils constituent, au même titre que les experts judiciaires, des collaborateurs occasionnels du service public de la justice et peuvent, le cas échéant, être désignés en qualité de technicien, en application de l'article 232 du nouveau code de procédure civile, pour effectuer, à la demande des juridictions, de véritables mesures d'instruction et notamment, des consultations. Pour l'ensemble de ces considérations, il n'est pas apparu opportun de soumettre les interprètes traducteurs à un régime particulier d'inscription sur des listes distinctes. Par ailleurs, le projet de loi relatif aux professions judiciaires ou juridiques, adopté en première lecture par le Sénat le deux avril dernier, a notamment pour objet de réformer le statut des experts judiciaires issu de la loi du 29 juin 1971, dans le but d'améliorer les conditions de sélection des experts judiciaires. Actuellement, en raison de la périodicité annuelle de l'établissement des listes dressées par la Cour de cassation et les cours d'appel et de l'absence de tout nouveau dossier de candidature à l'occasion de la réinscription de l'expert, le renouvellement du technicien revêt un caractère d'automaticité qui nuit à la qualité du recrutement. Afin de remédier à cette situation, le projet de loi organise pour l'inscription initiale sur les listes des cours d'appel - d'une durée de deux années - un régime probatoire au terme duquel l'expérience de l'intéressé et l'acquisition des connaissances juridiques nécessaires au bon accomplissement de ses missions sont évaluées dans la perspective d'une réinscription éventuelle sur présentation d'une nouvelle candidature. L'expert est ensuite réinscrit pour une durée de cinq ans après réexamen de son dossier. A cette fin, une commission composée de membres des juridictions et d'experts sera placée auprès des cours d'appel pour émettre un avis sur les qualités du candidat, au terme de cette première expérience. Ces mesures, qui sont destinées à permettre aux autorités chargées de la tenue des listes d'exercer un véritable contrôle de l'activité des experts, seront naturellement applicables aux interprètes traducteurs. Cependant, le projet de réforme ne modifie pas les règles procédurales de désignation de l'expert par le juge. En matière pénale, le juge est en principe tenu de désigner un expert inscrit sur la liste de la cour d'appel dont il relève. Il ne peut déroger à cette règle que par décision motivée. En matière civile, l'article 234 du nouveau code de procédure civile dispose en revanche que « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait ou qui requiert les lumières d'un technicien ». La possibilité pour le juge, en matière civile, de désigner une personne non inscrite n'est donc, en l'état actuel des textes, soumise à aucune condition particulière. Sa décision n'a ainsi pas à être motivée. Afin de garantir au nouveau dispositif de sélection des experts toute sa portée et d'harmoniser les règles de procédure, il est envisagé d'étendre, à la matière civile, l'obligation pour le juge de motiver sa décision de recourir à un expert ne figurant pas sur la liste. Cette mesure relève cependant du domaine réglementaire et sera dans ces conditions, examinée à l'occasion des travaux d'élaboration des décrets d'application de la réforme en cours de discussion au Parlement.
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 5 mai 2003
Réponse publiée le 7 juillet 2003