politique de la santé
Question de :
Mme Ségolène Royal
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste
Mme Ségolène Royal attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les difficultés que rencontrent les personnes nées sous X pour s'intégrer dans les politiques de santé publique. En effet, le dépistage des maladies héréditaires et des cancers familiaux pose un problème particulier pour ces personnes. De plus, l'article L. 1231-1 du code de la santé publique limite les dons d'organes entre vivants, de telle sorte qu'une personne ne peut recevoir un organe que de ses parents ou de ses frères et soeurs, exception faite des dons de moelle osseuse en vue de greffes. Evidemment, on comprend le problème que cela pose aux personnes qui ignorent tout de leurs origines. Les personnes nées sous X doivent donc faire l'objet d'une politique adaptée de prévention sanitaire, puisque leurs antécédents médicaux se limitent aux seules informations glanées au fil des pathologies ou problèmes de santé rencontrés par chacun d'eux au cours de leur existence. En particulier, les quelque 400 000 personnes concernées doivent être considérées comme des sujets à risque, et donc faire l'objet de dépistages systématiques quand cela se justifie. Elle souhaite donc savoir quelles mesures il envisage de prendre pour assurer à ce public particulier une prévention sanitaire satisfaisante.
Réponse publiée le 27 octobre 2003
L'honorable parlementaire a appelé l'attention du ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur le problème des personnes nées « sous X » et les conséquences qu'entraîne pour elles l'ignorance de leurs antécédents médicaux familiaux dans des domaines tels que le dépistage des maladies génétiques ou le don d'organes. Le dépistage de maladies génétiques peut en effet poser des problèmes particuliers aux personnes nées de femmes ayant accouché dans le secret et n'ayant pas laissé d'informations relatives à leur santé à l'intention de leur descendance, contrairement à l'invitation explicite émanant du législateur. En effet, dès la loi du 5 juillet 1996, il a pris des dispositions afin qu'une personne remettant un enfant au service de l'aide sociale à l'enfance et demandant le secret de son identité puisse communiquer des renseignements non identifiants. Plus récemment, le législateur a été plus précis, puisqu'à l'article 2 de la loi du 22 janvier 2002 relative à l'accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l'État, il indique expressément que la mère « est donc invitée à laisser, si elle l'accepte, des renseignements sur sa santé et celle du père, les origines de l'enfant et les circonstances de la naissance ainsi que, sous pli fermé, son identité ». Le législateur a de surcroît organisé les modalités de transmission, par le conseil national pour l'accès aux origines personnelles, de telles informations portant notamment sur la santé, à la demande et pour le compte d'une personne née sous X, mais à la condition du recueil préalable du parent concerné. La connaissance des antécédents médicaux des personnes nées sous X demeure donc conditionnée par le succès des recherches engagées pour retrouver leurs origines, par l'existence de données relatives à leur santé dans le dossier et par l'accord donné à leur communication par leurs parents d'origine. Cette dernière disposition obéit à la règle du droit commun selon laquelle la communication d'informations médicales à des proches, aux ayants droit est subordonnée à l'accord du parent concerné. De façon générale, le droit d'une personne d'être informée de son état de santé ne recouvre pas le droit d'être informée des pathologies ou prédispositions d'autrui, mêmes susceptibles de lui avoir été transmises. Le comité consultatif national d'éthique vient de rendre le 2 octobre 2003 un avis dans ce sens dans lequel il se déclare hostile à l'obligation pour une personne d'informer son entourage familial dès lors que l'on a découvert chez elle une prédisposition ou l'existence d'une maladie génétique grave et même si cette information permettrait aux autres membres de la famille de bénéficier d'un traitement ou d'une prévention efficaces. Par ailleurs, les personnes nées sous X ne se trouvent pas, de ce fait, défavorisées à l'égard des greffes d'organes dont elles pourraient avoir besoin. En ce qui concerne la question des greffes d'organes prélevés sur donneur vivant, il faut rappeler, en premier lieu, que les greffes réalisées à partir d'un donneur vivant ne représentent que 4,3 % du total des greffes réalisées (155 sur 3 632 en 2002). Ainsi plus de 95 % des greffes rénales résultent de prélèvements sur personnes décédées. Or l'accès à une greffe à partir d'un prélèvement sur donneur décédé n'est subordonné à aucune condition de parenté entre le donneur et le receveur. Sur ce point, il n'y a donc aucune « pénalisation » des personnes nées « sous X ». En second lieu, s'agissant de la greffe à partir d'un donneur vivant, il est exact que la loi du 29 juillet 1994 dite loi bioéthique ne permet actuellement que le don intrafamilial, hormis le don entre conjoints (qui ne peut être pratiqué qu'en cas d'urgence) le donneur doit avoir la qualité de père, mère, fils, fille, frère ou soeur du receveur. Toutefois, ces relations ne sont pas définies au regard d'un lien biologique, mais au regard du droit civil. Il en résulte qu'une personne légalement adoptée peut parfaitement bénéficier d'un don d'un membre de sa famille adoptive, sachant que l'évolution des techniques médicales d'immunosuppression rend secondaire, notamment pour la greffe rénale, la proximité biologique. En tout état de cause, la question de l'accès à la connaissance des antécédents médicaux des personnes adoptées et pupilles de l'État est essentielle ; elle préoccupe les pouvoirs publics et doit être débattue au sein des instances compétentes. Le conseil national pour l'accès aux origines, dans lequel sont représentées des associations de défense du droit d'accès aux origines, de pupilles de l'État, de parents adoptifs, de défense du droit des femmes ainsi que des représentants du corps médical sera saisi de cette question afin de proposer au Gouvernement des solutions qui concilient l'intérêt des personnes concernées et le respect du secret médical.
Auteur : Mme Ségolène Royal
Type de question : Question écrite
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : santé
Ministère répondant : santé
Dates :
Question publiée le 26 mai 2003
Réponse publiée le 27 octobre 2003