Question écrite n° 19570 :
nom

12e Législature
Question signalée le 20 janvier 2004

Question de : M. Michel Raison
Haute-Saône (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Michel Raison appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article 61 du code civil qui régit les demandes de changement de nom et prévoit à cet effet que le pétitionnaire justifie seulement de l'intérêt « légitime » de sa requête. Sans autre indication apportée par la loi, la pratique jurisprudentielle a distingué quatre catégories d'intérêts légitimes uniquement basées sur la consonance des noms (francisation d'un nom étranger, noms ridicules ou péjoratifs, relèvement d'un nom qui risque de s'éteindre, noms déshonorés par une condamnation à réclusion criminelle). Toute autre argumentation est à ce jour rejetée. Par exemple, une personne adoptée mineure, ayant ainsi perdu le nom de son père biologique, ne peut, au cours de sa majorité, obtenir le changement de son nom adoptif dans le seul objectif de lui substituer son nom d'origine ; et cela, même si des problèmes et conflits relationnels sont apparus entre l'adoptant et l'adopté. En effet, en regard de l'application de l'article 61 du code civil, ce motif n'est actuellement pas pris en considération et le caractère « légitime » des preuves que pourrait apporter l'adopté n'est même pas étudié. Enfin, si le nom de l'adoptant a été attribué à l'enfant adopté par un jugement d'adoption, il apparaît que seul un jugement modificatif soit en mesure de faire droit à la demande de l'adopté. En conséquence, sans vouloir remettre en cause la règle générale de la dévolution et de la fixité du nom, il souhaite connaître son sentiment sur la possibilité que soit modifié l'article 61 du code civil afin que la situation des enfants adoptés mineurs puisse être améliorée dans le sens d'une reconnaissance de leur droit à disposer du nom qu'ils devraient pouvoir librement choisir, dès leur majorité légale, entre celui de leur père adoptif et celui de leur père biologique. Dans un souci de lisibilité mais aussi de simplification, une telle précision. législative permettrait également de ne pas faire appel à un jugement modificatif du jugement d'adoption par lequel le nom du parent adoptif a été transmis à l'enfant adopté.

Réponse publiée le 27 janvier 2004

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, dans la mesure où il relève de l'état des personnes et qu'il permet d'inscrire un enfant dans une famille, le nom obéit à un principe d'immutabilité et d'indisponibilité. L'article 61 du code civil permet néanmoins de déroger à ce principe en présence d'un intérêt légitime. Sont notamment pris en compte à ce titre par la jurisprudence du Conseil d'État : l'apparence ou la consonance ridicule, péjorative ou grossière du patronyme ; l'apparence ou la consonance étrangère ; la simplification du patronyme ; l'abandon d'un nom déshonoré, le souhait d'éviter l'extinction d'un nom, de légaliser la possession d'un nom ou de faire consacrer un pseudonyme. La jurisprudence administrative tient aussi compte des motifs affectifs, en fonction des circonstances de chaque espèce. En matière d'adoption, les règles de dévolution du nom sont la traduction des effets qui sont attachés par le législateur à cette institution et le port du nom de l'adoptant est ainsi la manifestation la plus symbolique de ce lien nouvellement créé. La rupture définitive des liens avec la famille biologique de l'enfant opérée par l'adoption plénière conduit à conférer à l'adopté le nom de l'adoptant et fait obstacle à toute reprise du nom du parent biologique. Pour l'adoption simple, le nom de l'adoptant vient en revanche s'ajouter à celui de l'adopté, et si le tribunal peut décider que l'adopté simple ne portera que le nom de l'adoptant, l'article 363 du code civil ne prévoit aucune possibilité de ne conserver que le nom d'origine de l'adopté. A condition de faire la démonstration d'un intérêt légitime, l'adopté peut néanmoins solliciter un changement de nom afin de porter celui de son père biologique sur le fondement de l'article 61 du code civil. Une telle demande fera l'objet d'un examen in concreto, en fonction des circonstances de l'espèce. Toute autre solution reposant sur une liberté de choix de nom laissée à l'adopté constituerait une atteinte trop importante au principe de l'indisponibilité du nom et apporterait, dans le cas spécifique de la filiation adoptive, une exception inopportune à la règle, commune à toutes les filiations, de l'unité entre le nom dévolu à l'enfant et son rattachement à sa famille.

Données clés

Auteur : M. Michel Raison

Type de question : Question écrite

Rubrique : État civil

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 20 janvier 2004

Dates :
Question publiée le 9 juin 2003
Réponse publiée le 27 janvier 2004

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