conditions d'entrée et de séjour
Question de :
M. François Scellier
Val-d'Oise (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. François Scellier appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le problème des mineurs, qui arrivent seuls dans les aéroports ou dans les gares, fuyant des zones de combat, de persécution ou de misère. Apparu depuis la fin des années 1990, ce phénomène ne cesse de se développer et se concentre surtout en région parisienne. Des estimations font état de 25 000 mineurs étrangers présents sur notre territoire en âge d'être scolarisés, la zone aéroportuaire de Roissy-en-France en aurait vu transiter 1 500 en 2001 selon la police de l'air et des frontières. Autour de ces enfants se structure progressivement une délinquance très active (réseaux de passeurs, travail clandestin, prostitution) encore insuffisamment réprimée. La convention internationale sur les droits de l'enfant ratifiée par la France prévoit que les États doivent veiller au respect des droits de tous les enfants présents sur leur sol « indépendamment de leur origine nationale ». A ce jour, c'est le dispositif d'accueil de l'aide sociale à l'enfance dépendant des conseils généraux qui est sollicité pour la prise en charge de ces jeunes, ce qui est doublement insatisfaisant : les jeunes ne trouvent pas toujours dans les établissements de l'ASE tournés vers l'accueil des enfants maltraités et le travail avec les familles une prise en charge adaptée à leurs besoins (isolement, absence de connaissance du français, traumatismes liés à l'exil) et leur statut précaire et incertain ne permet pas de construire un projet personnel dans la durée ; les départements, s'agissant d'une question relevant des engagements de l'État, sont cependant amenés à supporter entièrement les charges liées à l'accueil de ces jeunes par une mise en jeu des mécanismes juridiques et financiers de l'aide sociale. Cette situation est d'autant plus anormale que cette charge concerne de façon sélective les départements qui constituent les principaux points d'entrée sur le territoire français. A la faveur des débats qui s'annoncent au Parlement relatifs à l'immigration ou aux nouveaux transferts de compétences dans le champ de la solidarité, la question des mineurs non accompagnés mériterait d'être étudiée a fortiori quand elle donne lieu à une forme nouvelle de traite et d'exploitation humaines. II serait souhaitable d'une part qu'un dispositif relevant de l'État soit mis en place, afin que des recherches efficaces, incluant la réalité de leur minorité ou de leur isolement, soient conduites sur l'identité de ces jeunes, sur leur famille afin de privilégier un retour dans leur pays d'origine. L'établissement de 30 places ouvert en 2002 dans le Val-d'Oise dans cet objectif n'y répond que partiellement et l'inadaptation de sa capacité est manifeste eu égard à l'ampleur du problème. D'autre part, des mesures énergiques sont indispensables pour protéger ces mineurs et les soustraire aux réseaux de type mafieux qui sont parfois à l'origine de leur arrivée sur notre territoire et qui exercent des pressions intolérables sur eux. Sur la question de la mobilisation des moyens de l'aide sociale à l'enfance (ASE) des départements, l'extension de l'application de l'article L. 228-5 du code de l'action sociale et des familles à la situation de ces jeunes pourrait constituer une réponse juridique intéressante. Cet article prévoit que des dépenses des départements occasionnées par des décisions gouvernementales sont intégralement remboursées par l'État. La sollicitation des établissements et services de l'ASE, dès lors qu'il est établi que le jeune est mineur et réellement isolé et donc voué à demeurer durablement sur notre territoire, pourrait alors s'envisager mais dans le cadre d'une compensation financière afin que les principes de la solidarité nationale soient respectés. En conséquence, il lui demande ce qu'il compte faire pour que soit réaffirmée la prise en charge de ces jeunes par l'État, seul garant de la nécessaire coordination des actions des services de la justice, de la police, du ministère des affaires sociales et du ministère des affaires étrangères.
Réponse publiée le 22 septembre 2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il partage ses préoccupations sur le sort des mineurs étrangers isolés arrivés ces dernières années de façon croissante sur le territoire français, exposés au risque d'enrôlement par des réseaux d'exploitation. C'est pourquoi plusieurs volets d'action ont été menés. La loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a prévu la désignation automatique, par le procureur de la République, d'un administrateur ad hoc pour les mineurs étrangers isolés en zone d'attente, ainsi que dans le cadre du dépôt d'une demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. L'administrateur ad hoc permettra d'assurer la représentation et l'assistance de ces mineurs. Le décret d'application relatif aux modalités de désignation et d'indemnisation des administrateurs ad hoc est en cours de signature. Une circulaire viendra préciser la mission de l'administrateur ad hoc, chargé non seulement de dispenser au mineur l'information nécessaire à la compréhension de la procédure à laquelle celui-ci se trouve partie, mais encore de lui prodiguer un soutien moral en l'absence de ses représentants légaux et surtout de l'informer contre les risques liés à son enrôlement dans des réseaux de prostitution ou de travail clandestin. Dans le même souci de protection, l'administrateur ad hoc fournira au mineur tous les éléments utiles sur le système français de protection de l'enfance qui pourra constituer pour lui, jusqu'à sa majorité, un appui s'il est amené à vivre sur le territoire français. Par ailleurs, l'accord franco-roumain du 4 octobre 2002 a prévu, pour la situation spécifique des mineurs roumains se trouvant sans représentants légaux sur le territoire français, une coopération judiciaire permettant, grâce à un groupe de liaison opérationnel franco-roumain, de faciliter les contacts entre les professionnels des deux pays à l'occasion de la prise en charge de ces mineurs. Il s'agit d'un réseau d'une vingtaine de professionnels franco-roumains (magistrats, policiers, éducateurs) visant à un échange d'informations. Ce réseau a pour mission de permettre l'identification des mineurs, d'améliorer la prise en charge éducative des mineurs roumains et, lorsqu'un retour paraît pertinent pour le mineur, d'en préparer les conditions avec les autorités roumaines afin qu'un suivi éducatif puisse être assuré dans leur pays d'origine si nécessaire. Il vise en outre à favoriser la lutte contre les réseaux qui exploitent ces mineurs. Enfin, un travail de réflexion interministérielle sur les propositions émises par le rapport, remis le 5 juin dernier, par le préfet de la région Ile-de-France à Mme Versini, secrétaire d'État à la lutte contre la précarité et l'exclusion, sur les mineurs étrangers, va être engagé, afin d'apporter de nouvelles réponses concrètes à la situation de ces mineurs isolés. La protection de l'enfance relevant, depuis la décentralisation, d'une compétence partagée entre les départements et l'État, les dispositions de l'article L. 228-5 du code de l'action sociale et des familles ne peuvent cependant pas légalement s'appliquer à la prise en charge de ces mineurs, entrés irrégulièrement sur le territoire français, en dehors de toute initiative gouvernementale.
Auteur : M. François Scellier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Dates :
Question publiée le 9 juin 2003
Réponse publiée le 22 septembre 2003