Question écrite n° 20349 :
juridictions civiles

12e Législature

Question de : M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'application par les tribunaux civils de la notion de trouble anormal du voisinage. Le problème se pose en milieu rural, où de plus en plus d'agriculteurs sont attaqués devant les tribunaux à cause des nuisances supposées de leurs élevages. Ils se trouvent condamnés au civil, alors même qu'ils sont en parfaite conformité avec les règlements administratifs qui régissent les activités d'élevage. Cette situation risque de bloquer les activités agricoles. Cette notion de trouble anormal mérite d'être définie clairement, pour tenir compte de la situation spécifique du monde rural. Certaines nuisances, inhérentes à l'activité agricole, ne peuvent être considérées comme anormales à partir du moment où elles résultent d'une activité agricole normale, c'est-à-dire s'exerçant dans le cadre des prescriptions administratives. D'autre part, les exploitants en règle avec les prescriptions administratives (urbanisme, établissements classés, etc.) ne comprennent pas que le juge civil se soit instauré de fait comme une voie d'appel de ces décisions administratives. Cela crée une ouverture exploitée par des groupes hostiles à l'activité agricole. Il lui demande son avis sur ce sujet.

Réponse publiée le 6 octobre 2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les principes dégagés par la jurisprudence pour l'appréciation des troubles anormaux de voisinage sont en partie destinés à éviter que, par cette action, il ne soit porté une atteinte excessive au droit de propriété. Il convient de souligner que le droit à réparation n'est ouvert qu'à la condition que soit rapportée l'existence d'un préjudice personnel et direct, ce dont il résulte que les groupes évoqués dans la question ne sont pas recevables à user de cette voie de droit si l'intérêt défendu par leurs membres ne répond pas à ces conditions. En outre, le caractère excessif du dommage doit être rapporté, la Cour de cassation, tout en réservant l'appréciation souveraine des juges du fond, vérifiant que leur motivation ne procède pas de considérations générales. Par ailleurs, le législateur est intervenu afin que cette action ne puisse être source d'incertitude pour les acteurs économiques, dont ceux du monde agricole : l'article L. 112-6 du code de la construction et de l'urbanisme, consacrant la théorie dite de la préoccupation, dispose que les nuisances dues à des activités agricoles n'entraînent pas droit à réparation dès lors que ces activités existaient déjà dans les mêmes conditions lorsque celui qui entend s'en plaindre avait acquis ou loué le fonds voisin et qu'elles se poursuivent en conformité avec les normes obligatoires en vigueur. En dehors de cette hypothèse, il convient de préserver la qualité de vie contre les inconvénients excessifs de voisinage. Le fait qu'une activité d'élevage s'exerce dans le respect des règles administratives et avec les autorisations idoines ne permet cependant pas à l'exploitant de s'exonérer de sa responsabilité pour trouble anormal de voisinage. Cette jurisprudence, qui remonte au début du XXe siècle, ne confère pas au juge judiciaire un contentieux qui excède sa compétence naturelle dès lors qu'il est constant en droit que le seul fait qu'une activité soit licite ne permet pas d'exclure qu'elle puisse être préjudiciable.

Données clés

Auteur : M. Marc Le Fur

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 23 juin 2003
Réponse publiée le 6 octobre 2003

partager