PAC
Question de :
Mme Ségolène Royal
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste
Mme Ségolène Royal attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la réforme de la politique agricole commune actuellement en négociation entre les 15 pays de l'UME, et notamment la principale proposition du commissaire à l'agriculture, Franz Fischler, qui consiste à « découpler » les aides à l'agriculture du niveau de la production, c'est-à-dire à s'en remettre à la loi du marché. Globalement, le fond des propositions équivaut à s'en remettre à la loi du marché. Le découplage des aides aura pour principal effet de démanteler toutes les politiques de gestion des productions, puisqu'une exploitation bénéficiant d'une aide découplée pourra changer sans en aviser quiconque d'orientation de production d'une année sur l'autre tout en bénéficiant des aides. Ce système favorisera les zones les plus riches de l'Union européenne. Les exploitations des zones intermédiaires comme les Deux-Sèvres, qui doivent déjà composer avec des contraintes agronomiques importantes (productivité moindre, zone vulnérable, ...) et qui reçoivent des aides céréales à l'hectare beaucoup moins élevées que les zones favorisées, seront désormais les seules à qui l'Union européenne imposera leurs productions, qu'elles soient végétales (céréales et oléoprotéagineux) ou animales. Pendant ce temps, les zones favorisées seront libres de les concurrencer avec des aides plus élevées... Est-ce un système équitable et durable ? La remise en cause des organisations communes de marchés (OCM) et des instruments de maîtrise de la production, de même que le découplage des aides, même partiel, auront pour conséquences l'industrialisation accrue des modes de production, la fin de toute possibilité de réguler l'offre et les prix agricoles, ainsi que l'accroissement des inégalités entre les agriculteurs. En Europe, la réforme proposée ne sera favorable ni à l'amélioration du revenu des moyens et petits agriculteurs, ni à la préservation de l'environnement, ni à l'amélioration de la qualité des aliments, ni au développement des territoires ruraux européens. Dans une zone rurale, comme le département des Deux-Sèvres, ceci signifiera la disparition de l'élevage dans certaines zones du département, des zones de déprise agricole pour d'autres et une perte d'emploi agricole et une amplification des problèmes environnementaux, notamment relatifs à la qualité de l'eau. Pour les pays en développement, elle accentuera les pratiques de dumping de l'Union européenne, en contradiction avec le soutien apporté par celle-ci à la proposition française pour le développement de l'agriculture africaine. Elle lui demande avant de signer, si cette réforme de la politique agricole commune proposée par la présidence grecque, il a tous les éléments sur les conséquences en Europe, mais également dans les pays du Sud que pourrait avoir cette réforme. La France, qui a toujours su se poser en défenseur du droit international, ne doit-elle pas proposer une autre réforme de la politique agricole commune garante de la souveraineté alimentaire des peuples, mais également basée sur une politique de soutien de l'emploi agricole et de prix rémunérateurs.
Réponse publiée le 29 septembre 2003
Le Gouvernement a eu, tout au long de cette négociation, trois préoccupations constantes : assurer la concertation avec les organisations professionnelles, sortir la France de son isolement, enfin, anticiper plutôt que réagir. A partir de cette ligne de conduite, et compte tenu de ce qu'étaient les propositions initiales de la Commission, mais aussi d'un certain nombre de nos partenaires de l'Union européenne, le Gouvernement se félicite d'un accord qui permet d'atteindre les objectifs que la France s'était fixés. Tout d'abord, l'accord de Luxembourg a été obtenu sans aucune réduction du budget de l'Europe agricole à vingt-cinq pays membres, et consolide le retour financement de la France sur la politique agricole commune (PAC). En outre, parce qu'il a été conclu pour solde de tout compte, c'est-à-dire que ses dispositions ne seront pas modifiées du fait des négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il renforce la position de l'Union européenne dans les négociations en cours au sein de cette organisation. La baisse des prix des céréales a pu être totalement évitée et le dispositif des majorations mensuelles a été maintenu. Dans le secteur du lait, la baisse supplémentaire des prix est limitée au seul cas du beurre, où le marché est « lourd », et elle est compensée à plus de 80 %. Surtout, les quotas laitiers ont été préservés jusqu'en 2014-15. Le découplage total que nous rejetions est évité, et une formule satisfaisante de découplage partiel a été trouvée. Avec un taux de couplage de 25 % en grandes cultures, la pérennité de ces productions dans nos zones intermédiaires n'est pas remise en cause. Dans les productions animales, le maintien sous forme couplée de la prime ovine, de la prime à la vache allaitante et de la prime à l'abattage préserve celles des aides qui garantiront l'équilibre de nos territoires. L'accord sur le découplage entrera en vigueur au plus tard en 2007, ce qui nous permettra d'ici là d'assurer une étroite concertation avec les organisations professionnelles agricoles pour en préciser les modalités et de garantir aussi une préparation efficace à la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif de gestion des aides. Enfin, la France a obtenu les contreparties qu'elle demandait pour que cet accord réponde aux attentes exprimées par les agriculteurs sur le terrain. Dans la perspective d'un développement durable, le programme de mise aux normes de nos exploitations va pouvoir être poursuivi grâce aux fonds de la modulation, de même que les productions non alimentaires, et en particulier les cultures énergétiques, vont pouvoir être encouragées. Pour les jeunes agriculteurs, plusieurs mesures ont été décidées pour favoriser l'installation, y compris un relèvement des plafonds d'aides. La légitimité d'instruments de gestion des crises de marché se trouve enfin reconnue tant aux niveaux européen que national, avec des moyens financiers spécifiques. C'est pourquoi l'accord conclu à Luxembourg constitue un bon accord pour les agriculteurs et pour les citoyens français.
Auteur : Mme Ségolène Royal
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : agriculture, alimentation et pêche
Ministère répondant : agriculture, alimentation et pêche
Dates :
Question publiée le 30 juin 2003
Réponse publiée le 29 septembre 2003