Question écrite n° 22344 :
DOM : Guyane

12e Législature

Question de : Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste

Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation démographique des professionnels de santé en Guyane. Elle lui rappelle les indicateurs qui démontrent une situation sanitaire très dégradée : l'espérance de vie est de quatre ans inférieure à la moyenne hexagonale, les mortalités périnatale et infantile sont trois fois plus élevées qu'en métropole. Les maladies endémiques infectieuses comme le paludisme, la tuberculose ou la dengue ont une forte incidence et induisent une forte morbidité. Si la lèpre persiste, le centre de lutte anti-hansénien du conseil général ne fonctionne plus depuis un an. La toxicomanie et le sida font des ravages dans une population au sein de laquelle la précarité ne cesse de progresser (les derniers chiffres de la CGSS font état de 52 000 allocataires de la couverture maladie universelle en Guyane, soit 33 % de la population recensée). Le mercure est présent dans la chaîne alimentaire des populations fluviales. Elle lui rappelle par ailleurs la forte croissance démographique de la population, déterminant majeur de l'état de santé de la population, qui a un solde migratoire important et non maîtrisé et au plus fort taux de natalité des départements français, et la sous-estimation de la population réelle malgré le recensement de la population en 1999. Elle lui rappelle enfin, l'insuffisance et l'inadaptation des structures sanitaires existantes et de l'offre de soins : la densité de tous les professionnels de santé (médecins, dentistes, sages-femmes, infirmières, kinésithérapeutes...) qu'ils soient libéraux ou hospitaliers est très au-dessous des indicateurs les plus mauvais de l'Hexagone, amenant les privilégiés ou ceux qui en ont l'occasion, à se faire soigner aux Antilles ou en métropole. L'Etat est le garant de l'accès aux soins sur le territoire. Si la France traverse une crise démographique de ses professionnels de santé, la situation de la Guyane est extrêmement préoccupante et doit amener à des réponses rapides et efficaces. Elle regrette vivement que le rapport « Démographie des professionnels de santé » commandé au professeur Yvon Berland et rendu public le 13 décembre 2002, ne se soit pas intéressé aux DOM-TOM et particulièrement à la Guyane. Elle s'étonne, étant donné la problématique spécifique à la Guyane - département de très loin le plus en retard en matière de démographie des professionnels de santé - que le rapport « Propositions en vue d'améliorer la répartition des professionnels de santé sur le territoire », commandé au sénateur honoraire Charles Descours et rendu public le 11 juin 2003, n'ait pas tenu compte de cette situation des plus alarmantes pour étudier les propositions spécifiques les plus adaptées à ce territoire, et à mettre en oeuvre en urgence. Elle regrette que ces rapports ne se soient pas intéressés aux territoires les plus défavorisés (la Guyane et les autres collectivités d'outre-mer) et en demande la raison. Elle lui demande de lui communiquer un état des lieux relatif aux différentes professions de santé et une évaluation des besoins immédiats et à l'horizon 2013 pour rattraper les indices de la moyenne nationale et les maintenir au regard de l'évolution démographique. Elle souhaite connaître les dispositions particulières et concrètes que le Gouvernement a l'intention de prendre pour remédier à cette situation critique ainsi que leur modalité de mise en oeuvre, en rappelant que les mesures existantes, destinées au secteur public ou au privé, n'ont pas enrayé l'aggravation globale de la situation en Guyane. Sans attendre les conclusions des travaux du futur comité régional de la démographie des professions de santé, elle souhaite connaître les mesures nouvelles ou améliorées, adaptées et rapidement opérationnelles qu'il envisage de mettre en place, notamment en ce qui concerne l'installation des médecins libéraux et l'occupation des postes vacants de praticien hospitalier.

Réponse publiée le 2 mars 2004

Les contraintes socio-démographiques, d'environnement, médicales, et enfin les problèmes plus spécifiques, relatifs notamment à l'immigration, qui exercent en Guyane une pression considérable sur l'offre de soins et sur son organisation, ont donné lieu à une mise à niveau des établissements de santé, de leurs équipements et de leurs effectifs médicaux. La Guyane pour cette raison a fait l'objet d'une attention particulière au cours de ces dernières années. La nécessité d'un rattrapage pour l'ensemble des départements d'outre-Mer et notamment pour la Guyane, s'est traduite depuis cinq ans, par une évolution des dotations hospitalières plus importantes qu'en métropole.

ANNÉES 1998 1999 2000 2001 2002
Taux d'évolution des dotations Métropole 2,05 % 2,56 % 3,07 % 4,09 % 5,61 %
Taux d'évolution des dotations Guyane 4,53 % 6,48 % 11,26 % 11,82 % 9,86 %
Depuis 1998 a été engagée une politique de rattrapage consistant, d'une part à attribuer, en début de campagne budgétaire, un taux d'évolution des dotations régionalisées égal à celui de la région métropolitaine la plus favorisée et, d'autre part, à faire bénéficier les DOM de mesures exceptionnelles gérées en cours de campagne au niveau national. Au total, cette politique a permis de faire progresser les moyens des établissements des DOM de 2,7 % plus vite que ceux des établissements de métropole sur la période 1998-2003 et même de 2,9 % au cours des années 2000-2003.
ANNÉES 1998 1999 2000 2001 2002 2003 ÉVOLUTION 98/03
Taux d'évolution des dotations finales* métropole 2,05 % 2,56 % 3,07 % 4,09 % 5,61 % 4,93 % 3,72 %
Taux d'évolution des dotations* finales DOM 4,18 % 4,95 % 6,06 % 7,36 % 8,75 % 7,16 % 6,4 %
Ecart DOM/métropole 2,13 % 2,39 % 2,99 % 3,27 % 3,14 % 2,19 % 2,7 %
* Pour 2003, taux d'évolution des dotations initiales (arrêté du 3 avril 2003), avant attribution des crédits exceptionnels mentionnés en infra ainsi que d'éventuels crédits exceptionnels en cours d'attribution.
Il est à noter que le rythme de cette politique de rattrapage est contraint par la capacité des établissements à mettre en place une offre supplémentaire, compte tenu des difficultés de recrutement existantes, en particulier pour le personnel médical et le personnel soignant. L'attribution efficace de ces moyens supplémentaires passe en conséquence par la contractualisation entre ARH et établissements. Situation sanitaire : la périnatalité. La Guyane se caractérisant, notamment, par son fort taux de natalité : 26,5 pour mille (France : 12,6), un effort a été réalisé par l'agence régionale de l'hospitalisation ces dernières années : 60 979,61 EUR ont été distribués en 1999 et en 2000 et 91 469,41 EUR, en 2001, soit un total de 213 428,63 EUR sur trois ans. Ces dotations ont permis la création d'un service de néonatologie de 12 lits et de réanimation néonatale de 6 lits au centre hospitalier de Cayenne en 1999 et 2000, la création d'un service de néonatologie de 4 lits au centre médico-chirurgical de Kourou en 2000 et le renforcement des effectifs par la création de postes de sages-femmes dans les centres hospitaliers de Cayenne, de Kourou, ainsi que des postes de puéricultrices, et d'infirmières à Saint-Laurent-du-Maroni. Les urgences : des moyens ont été accordés aux établissements afin d'améliorer la prise en charge des urgences en Guyane. Une zone de surveillance de très courte durée a ainsi été créée au centre hospitalier de Cayenne, entre 1999 et 2000 et un projet d'extension des urgences est actuellement en cours. Une zone de surveillance de très courte durée, de 5 lits a également été créée au centre hospitalier de Kourou en 2001. Enfin, les trois centres hocréaspitaliers ont bénéficié d'un renforcement de leurs effectifs dans les services d'urgences et au SAMU (création de postes médicaux et paramédicaux). La santé mentale : outre un redécoupage sectoriel, la mise en oeuvre du schéma régional s'est fondée sur des objectifs : d'équipements et de moyens minimum à atteindre pour améliorer l'accessibilité aux soins, notamment pour des populations spécifiques (milieu pénitentiaire, personnes âgées, adolescents, personnes handicapées) ; d'un accueil de l'urgence psychiatrique dans chaque secteur ; d'évolution de l'offre de soins à temps complet, notamment pour répondre aux besoins des enfants et des adolescents ; de l'élaboration d'un schéma de réadaptation (hôpitaux de jour, appartements thérapeutiques...) ; de renforcement des actions de prévention, en pédopsychiatrie en particulier ; de domination des procédures d'hospitalisation sous contrainte. Ainsi, l'appui à la santé mentale s'est traduit d'une part, par la réalisation de travaux de rénovation du service de psychiatrie de Cayenne, la création de trois centres médico-psychologiques (à Cayenne et à Kourou en 1999, à Saint Laurent-du-Maroni en 2001) et, d'autre part, par la création de 4 postes médicaux à Cayenne et d'un poste à Saint-Laurent-du-Maroni. Plan « cancer » : le plan « cancer » 2003/2007 prévoit de prendre en compte la situation des départements d'outre-mer. L'offre de soins de cancérologie en Guyane est aujourd'hui insuffisante. Des autorisations de nouveaux équipements lourds (IRM et scanner) ont été accordées pour améliorer les conditions de diagnostic et de surveillance, en particulier des cancers, et un centre de cancérologie a été autorisé afin de développer sur place des traitements de radiothérapie et d'ouvrir de nouvelles places de chimiothérapie ambulatoire. Le plan Hôpital 2007, par l'appui aux investissements qu'il apporte, permettra d'accélérer l'implantation de ces équipements. Par ailleurs, la constitution d'un réseau de cancérologie, s'appuyant sur les dynamiques en place, dont celle de la Ligue contre le cancer, facilitera la coordination des acteurs locaux et la continuité des soins pour les patients. La mise en oeuvre du plan « cancer » en Guyane fera par ailleurs l'objet d'un suivi attentif par la mission interministérielle pour la lutte contre le cancer. Problème de la démographie des professionnels de santé : l'actualisation de la densité des médecins libéraux pour 100 000 habitants, a été faite à partir des sources INSEE et CPAM en avril 2003. La comparaison de cet effectif médical en Guyane en 2002 et en 2003, montre un déficit sur l'ensemble des médecins libéraux (généralistes et spécialistes) de 67 médecins (pour une densité de 100 000 habitants) en 2002 et 60 médecins (pour la même densité) en 2003, alors que l'effectif de la métropole est de 200 médecins pour 100 000 habitants en 2003. La Guyane est le département le moins médicalisé en France. La densité des médecins libéraux, généralistes et spécialistes, présente un rapport de 1 à 3,5 par rapport à la métropole. Toutefois, un gros effort a été effectué, en attribuant au département, une dotation exceptionnelle de 1,92 MEUR à titre reconductible, afin de financer des créations de postes de médecins. Pour faire face aux tensions observées sur le marché de l'emploi des personnels soignants, des mesures ont également été prises, destinées à répondre aux enjeux que cette situation suscite. Concernant la profession d'infirmier, les quotas d'entrée dans l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) ont été augmentés de 22 places en 2000. Depuis septembre 2001, sont formés 45 infirmiers. Ce niveau de formation a été maintenu en 2002 et le quota a été porté à 50 places à la rentrée de septembre 2003. Le développement de la télésanté : l'amélioration de la prise en charge des patients guyanais dans les régions isolées de ce département est avérée. Outre les trois établissements hospitaliers publics sur la zone côtière, où les systèmes d'information hospitaliers sont insuffisamment développés notamment pour le centre hospitalier de Cayenne, les 21 centres de santé répartis essentiellement le long des fleuves le plus souvent sans médecins là où les villages sont peu importants, ont bénéficié depuis 3 ans environ d'une meilleure organisation des soins. En décembre 2001, à titre expérimental, quatre stations portables de télémédecine utilisant les liaisons satellitaires ont été installées. Chaque station contient un ordinateur avec un logiciel permettant de saisir les informations médicales les plus importantes, un électrocardiogramme numérique, un appareil photo numérique, un appareil à tension et un téléphone satellitaire. Cette valise est complétée par un microscope électronique. Ainsi des images, des signaux ont pu être télétransmis au Samu du centre hospitalier de Cayenne. L'évaluation de ce dispositif a été réalisée durant six mois sur le plan médical, organisationnel, technique et économique. Estimée très positive, il a été décidé de généraliser ce dispositif sur 19 centres de santé isolés en deux phases. 9 centres de santé sont actuellement en cours d'installation et utiliseront prochainement pour les télétransmissions des VSAT d'un coût de fonctionnement très inférieur à ceux de l'Inmarsat. Une subvention de 305 000 EUR a été accordée par la DATAR. Par ailleurs, les trois établissements de la zone côtière (Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni et Kourou) bénéficient déjà de stations de visioconférences leur permettant de se connecter avec la métropole et les Antilles. Une subvention a été accordée en novembre 2002 pour la mise en oeuvre d'un système d'information en périnatalité, jugé prioritaire par l'ARH et les professionnels de santé. Il existe également une application de télétransmission entre l'établissement pénitentiaire de Rémire et le centre hospitalier de Cayenne, qui est assez peu utilisée. La télépsychiatrie sera prochainement mise en oeuvre à titre expérimental entre les centres de santé les plus importants à Maripasoula notamment, la maison d'arrêt de Rémire et le centre hospitalier de Cayenne, dès lors qu'ils seront équipés de stations de visioconférence. Enfin un projet de plate-forme de communication regroupant tous les réseaux utilisant les technologies de l'information et de la télécommunication est à l'étude. Perspectives : de façon générale, les plans, projets et objectifs de santé publique, feront systématiquement l'objet d'un volet particulier adapté aux caractéristiques des départements d'outre-mer.

Données clés

Auteur : Mme Christiane Taubira

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Dates :
Question publiée le 21 juillet 2003
Réponse publiée le 2 mars 2004

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