Réponse publiée le 2 mars 2004
Les propriétaires ou dirigeants des ateliers de bijouterie exercent leur activité au sein du secteur économique de la « bijouterie joaillerie-horlogerie-orfèvrerie » qui constitue de longue date une des cibles traditionnelles des acteurs du grand banditisme. C'est la raison pour laquelle la situation de ces établissements, eu égard aux attaques qu'ils subissent, s'inscrit dans le contexte général des vols à main armée perpétrés sur le territoire national et obéit aux tendances qui le caractérisent. Ainsi, après une progression sensible entre 1999 et 2001, le nombre total des vols à main armée, tous objectifs confondus, semble, sur la base des informations transmises par l'ensemble des services de sécurité intérieure à l'office central pour la répression du banditisme (OCRB), entamer une courbe descendante avec 6 324 faits commis ou tentés en 2003, soit une diminution de 17 % par rapport à l'année précédente, elle-même marquée par une baisse de 4,8 %, avec 7 659 faits constatés, contre 8 048 en 2001, au terme de trois années de sensible progression du nombre des vols à main armée sur notre territoire. Le secteur de la « bijouterie joaillerie-horlogerie-orfèvrerie » bénéficie manifestement de cette évolution. Ainsi, 141 attaques à main armée ont été enregistrées en 2002, contre 162 en 2001, soit une diminution de 13 %, confirmée en 2003 par une baisse de 21 % avec 120 faits constatés. Évolution des vols à main armée contre le secteur « bijouterie-joaillerie-horlogerie-orfèvrerie » durant les cinq dernières années
ANNÉES | NOMBRE D'ATTAQUES | ÉVOLUTION |
1988 | 162 | + 30,6 % |
1999 | 151 | - 6,8 % |
2000 | 146 | - 3,3 % |
2001 | 162 | + 11 % |
2002 | 141 | - 13 % |
2003 | 120 | - 21 % |
Il convient de prendre en compte dans cette évidente baisse des attaques à main armée visant les professionnels du secteur évoqué le bilan répressif des forces de sécurité de l'État. L'action des services de police et de gendarmerie avait eu pour effet, en 2003, de résoudre 33 affaires de vols à main armée contre les bijouteries ou les entreprises apparentées et d'arrêter 99 malfaiteurs chevronnés, contre 77 l'année précédente. A cet égard, les auteurs et leurs complices, au total huit personnes, du vol à main armée commis le 9 juillet 2003 à Taverny (Val-d'Oise), au préjudice de la société « LVL », spécialisée dans la fabrication de bijoux, qui s'était soldé par la mort du gérant et d'un de ses employés, abattus par les « braqueurs » (la profession dans son ensemble déplorant trois morts cette année), ont été arrêtés par les enquêteurs de l'antenne de Cergy-Pontoise de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de Versailles, entre le 12 juillet et le 30 septembre 2003. Le 25 avril 2003, un vol à main armée était perpétré au préjudice de la bijouterie « Lepage » à Rouen (Seine-Maritime), deux des auteurs porteurs d'une partie du butin, armés et équipés de gilets pare-balles, étaient interpellés en flagrant délit. La poursuite des investigations permettait l'identification et l'interpellation, le 1er octobre 2003, par les fonctionnaires de l'OCRB et du service régional de police judiciaire (SRPJ) de Rouen, assistés de la DRPJ de Paris, de 7 de leurs complices, dont 6 ont été écroués et placés sous contrôle judiciaire. Par la suite, les enquêteurs obtenaient l'arrestation, le 14 novembre 2003, d'un autre complice, et celle, le 5 décembre, de l'un des auteurs qui étaient tous deux placés sous mandat de dépôt et écroués. En outre, au plan préventif, un important travail a été développé depuis deux ans par l'O.C.R.B. avec les professionnels du secteur. Ce travail s'est concrétisé par la tenue de plus d'une vingtaine de réunions de prévention qui ont abouti à la finalisation du « Livre blanc de la sécurité » rédigé par la Fédération nationale des horlogers-bijoutiers-joailliers et orfèvres, à la création de « groupes de sécurité » dans les fédérations professionnelles et à l'élaboration de « livrets de sécurité » énonçant les mesures à observer par chacun à tous les niveaux d'activité des entreprises et commerces concernés. Ces séances de travail ont également favorisé la mise en place de formations de sécurité et l'échange d'informations professionnelles centralisées de manière renforcée par l'OCRB, dans le but d'augmenter l'efficacité répressive en matière de recel du produit des agressions commises, particulièrement dans le domaine du vol de montres de luxe. A Paris, la préfecture de police a mis en place des dispositions spécifiques adaptées à la capitale : un numéro de téléphone particulier, différent de celui du standard de service et à partir duquel peuvent être joints sans délai des interlocuteurs parfaitement informés des problèmes de sécurité des commerces visés, a été désigné dans presque tous les arrondissements ; en 2003, une soixantaine de réunions ont été organisées et plus de vingt tables rondes ont réuni des représentants de la Police urbaine de proximité et ces professionnels et, par ailleurs, pour chaque bijoutier-joaillier-orfèvre acceptant cette démarche, un « diagnostic de sécurité » a été rédigé afin d'assurer la sécurité aux abords de l'établissement sensible et de constater les dispositifs internes globaux mis en place par ces professionnels. Près de 300 diagnostics ont été réalisés sur la capitale depuis la mise en oeuvre du dispositif ; le renforcement de la présence policière avec maintien de l'action entreprise par les effectifs de la police de quartier pour sécuriser l'environnement des bijouteries. Ainsi, les itinéraires des policiers de chaque arrondissement ont intégré de façon systématique ces commerces avec lesquels ils doivent régulièrement entrer en relation. Parallèlement, dès le 8 juin 2002, des plans de surveillance visant à lutter contre les vols à main armée, notamment à l'encontre de ces commerces, ont été mis en place, mobilisant des véhicules, des équipes motocyclistes et bénéficiant du maintien en alerte d'un hélicoptère. En complément à ce dispositif, la direction de la Police urbaine de proximité a mis en oeuvre, en liaison avec le service information et sécurité de la préfecture de police, une formation, afin d'obtenir un maillage territorial de policiers spécifiquement formés aux conseils et à la prévention des risques liés aux vols à main armée, aux cambriolages et aux actes de malveillance (connaissances des nouveaux textes législatifs et réglementaires, avancées technologiques, etc.). Ils sont 68 depuis le début de l'année 2004. Les résultats enregistrés en 2003 sont encourageants et contribuent à l'évolution générale de baisse constatée (- 21 %) au plan national. Ils s'expliquent notamment par l'efficacité du système préventif mis en place en liaison avec le syndicat des horlogers-bijoutiers-joailliers-orfèvres (HBJO), par le biais de rencontres pluriannuelles, au plan national comme au plan départemental et par les succès obtenus contre les auteurs de ces actes. En zone de compétence gendarmerie nationale, après une aggravation des faits constatés en 2002, les résultats enregistrés en 2003 font apparaître un retournement de tendance à l'instar de l'évolution nationale précitée et porte tant sur le nombre de vols à main armée de bijouteries et d'ateliers que sur celui des cambriolages et des tentatives de cambriolage auprès des professionnels concernés. Il convient enfin de rappeler que sur le plan légal, l'article 12 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité a inséré dans le code de la construction l'article L. 127.1 qui oblige les propriétaires, exploitants ou affectataires d'immeubles à usage professionnel ou commercial, à assurer le gardiennage ou la surveillance de ces locaux, lorsque leur importance ou leur situation le justifie. En complément de ce texte, les décrets 97-46 et 97-47 du 15 janvier 1957 prévoient l'obligation de surveillance pour les bijouteries situées sur l'ensemble du territoire disposant sur place d'un stock commercial d'une valeur égale ou supérieure à 106 714 euros hors taxe. Un choix entre quatre dispositifs de surveillance est ouvert aux exploitants qui peuvent recourir soit à un système de surveillance à distance ; soit à un système de vidéosurveillance autorisé associé à un dispositif d'alerte, ce dernier devant aboutir chez l'exploitant ou à la société de gardiennage ; soit à de rondes quotidiennes, effectuées par au moins un agent d'un service interne de surveillance et appartenant à une entreprise prestataire de services ; soit par la présence permanente d'au moins un agent d'un service interne de surveillance et appartenant à une entreprise prestataire de services. Ces établissements, s'ils font partie d'un ensemble commercial peuvent bénéficier d'une surveillance commune, selon les modalités précédemment exposées. S'agissant d'une campagne de prévention souhaitée par l'honorable parlementaire sur le thème de la sanction pénale encourue, celle-ci peut sembler d'une efficacité discutable, vis-à-vis de cette délinquance, bien informée des règles sociales qu'elle enfreint délibérément, d'accès totalement hermétique et bien organisée. En outre, une telle campagne risquerait d'entretenir, voire d'accentuer un sentiment d'insécurité qui ne semble pas justifié sur l'ensemble du territoire.