Question écrite n° 22893 :
élargissement

12e Législature

Question de : M. Pierre Lang
Moselle (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Lang attire l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur la situation des minorités russes d'Estonie et de Lettonie, deux pays candidats qui doivent prochainement se prononcer par référendum sur leur adhésion à l'Union européenne. La protection des minorités fait partie des critères de Copenhague, que les pays souhaitant rejoindre l'Union doivent remplir. Or, certains observateurs critiquent les mesures discriminatoires appliquées par l'Estonie et la Lettonie à l'encontre des russophones présents en nombre important sur leur territoire. La minorité russe représente 30 % de la population en Estonie et 40 % en Lettonie. Il semblerait que les avis émis par la Commission européenne sur ces deux pays n'aient pas suffisamment pris en compte les discriminations que subissent encore les russophones. En effet, ces populations ne peuvent accéder à la citoyenneté estonienne ou lettone que si elles réussissent un examen linguistique difficile, portant sur la langue officielle, et ce après avoir franchi de multiples obstacles administratifs. Les langues baltes étant très particulières, sans aucune affinité avec les langues slaves, germaniques ou latines, l'examen linguistique représente souvent une barrière infranchissable pour les russophones. En pratique, seuls 2 % environ de Russes obtiennent chaque année leur nationalité après avoir réussi cet examen. Pour les autres, les conséquences sont lourdes en termes de droits ; écartés de toute reconnaissance officielle, les russophones d'Estonie et de Lettonie n'ont pas accès à la sécurité sociale ni au droit de vote, qui ne leur est octroyé qu'au niveau local. Ils peuvent difficilement s'inscrire à l'université, n'ont pas le droit de réunion et sont exclus des emplois publics. Par ailleurs, la mise en oeuvre du programme européen PHARE n'aurait pas permis de développer des projets destinés à soutenir la culture et la langue russes dans ces deux pays. Si le contexte historique contribue à expliquer les relations tendues de l'Estonie et de la Lettonie avec leur minorité russe, il est tout de même préoccupant de constater qu'aujourd'hui, près d'un tiers de la population de ces États subit des restrictions importantes aux droits de tout citoyen, en raison de son appartenance à une minorité. Les quelques progrès enregistrés récemment, sous la pression de l'Union européenne, ne semblent pas avoir fondamentalement changé la donne. Aussi aimerait-il connaître son sentiment sur cette question. Il l'interroge sur les initiatives que la France pourrait prendre, en accord avec ses partenaires européens, pour inciter l'Estonie et la Lettonie à mettre fin aux mesures discriminatoires visant les russophones.

Réponse publiée le 17 novembre 2003

L'Union européenne a toujours été très attentive à la situation des russophones en Estonie et en Lettonie et à la nécessité de renforcer leur intégration politique, économique et sociale. Dès ses « rapports de progrès » de 1999, la Commission a souligné que l'Estonie et la Lettonie respectaient les critères politiques de Copenhague, en particulier en ce qui concerne la protection des russophones. Dans le cadre des négociations d'adhésion avec ces deux pays, l'Union a par ailleurs toujours plaidé pour une meilleure intégration de ces populations. L'Estonie et la Lettonie ont accompli de nombreux progrès. Ces deux pays ont révisé l'ensemble de leur législation pour tenir compte des recommandations de I'OSCE dans les domaines de la citoyenneté, de la langue, de l'intégration de la société et de l'ombudsman. À la demande conjointe de l'OTAN et de l'Union européenne, les dispositions de leurs lois électorales comportant des mesures discriminatoires envers les russophones ont été supprimées respectivement en novembre 2001 et en mai 2002. Ces deux pays ont également mis en place des programmes d'intégration pour les russophones. La Lettonie, qui compte 41 % de non-Lettons, a adopté en février 2001 un programme d'intégration dans la société et d'apprentissage du letton, auquel la France a participé à hauteur de 61 000 euros. L'Estonie a mis en place pour ses 23 % de non-Estoniens un programme national d'intégration pour la période 2000-2007, axé notamment sur l'apprentissage de l'estonien. Ce programme est doté pour les années 2000-2004 d'un budget de 2,13 millions d'euros. La Lettonie devrait enfin ratifier la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités, qu'elle a signée en 1995. A compter de leur adhésion, la Lettonie et l'Estonie devront appliquer la directive 2000/43/CE qui prévoit qu'un État membre ne peut traiter différemment ses nationaux en fonction de leur race et de leur origine ethnique. Ces deux pays seront également liés par l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et les États membres, d'une part, et la Fédération de Russie, d'autre part, en date du 24 juin 1994. Les russophones qui, tout en ayant gardé leur nationalité russe, résident sur le territoire de l'un de ces deux États pourront alors bénéficier du régime de non-discrimination prévu par l'accord. Ils bénéficieront à ce titre, comme cela est déjà le cas, d'un droit de séjour et de travail. En revanche, il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes que la définition des conditions d'acquisition et de perte de la nationalité relève, conformément au droit international, de la compétence de chaque État membre. C'est la raison pour laquelle l'Union européenne continue de porter une vigilance accrue quant à la situation des russophones. Elle plaide en particulier pour que la Lettonie et l'Estonie renforcent leurs actions en faveur du renforcement de l'intégration des russophones dans la société, reposant notamment sur l'apprentissage de la langue. Dans le cadre du programme PHARE, l'Union européenne a ainsi apporté une aide massive pour favoriser l'intégration des russophones. Depuis 2000, l'Union a alloué plus de 6,1 millions d'euros à l'Estonie et plus de 8,1 millions d'euros à la Lettonie pour financer des actions dans le domaine de l'intégration sociale et de l'apprentissage de la langue. La France observe avec vigilance le traitement réservé aux russophones en Lettonie et en Estonie, au regard notamment des principes de non-discrimination et d'égalité de traitement qui sont garantis par le droit communautaire.

Données clés

Auteur : M. Pierre Lang

Type de question : Question écrite

Rubrique : Union européenne

Ministère interrogé : affaires européennes

Ministère répondant : affaires européennes

Dates :
Question publiée le 28 juillet 2003
Réponse publiée le 17 novembre 2003

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