Question écrite n° 24257 :
politique à l'égard des handicapés

12e Législature

Question de : M. Yvan Lachaud
Gard (1re circonscription) - Union pour la Démocratie Française

M. Yvan Lachaud attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des victimes de traumatismes crâniens. Le précédent gouvernement avait constitué deux groupes de travail interministériels et multidisciplinaires associant des représentants des assurances afin d'étudier les dysfonctionnements connus en matière de réparation des dommages corporels et de réparation des préjudices des traumatisés crâniens graves. Ces dysfonctionnements lèsent gravement les victimes concernées en raison du déséquilibre sensible des moyens de leur défense et de ceux dont disposent les assureurs. Les rapports de travail de ces deux groupes ont été remis au ministre de la justice entre la fin 2001 et le début de l'année 2002. Ils présentaient un certain nombre de propositions de nature à rééquilibrer les rapports entre les deux parties. Malheureusement, ils n'ont donné lieu à aucune suite concrète si ce n'est la constitution par le nouveau garde des sceaux d'un troisième groupe de travail chargé d'élaborer une proposition de « référentiel national statistique et évolutif indicatif » (RINSE) visant à constituer une base de référence pour l'évaluation de la réparation des victimes. La récente loi votée en faveur des victimes au mois de juillet 2002 ne concerne quant à elle que les victimes d'infractions pénales pour ce qui a trait aux réparations financières. Aucune mesure n'a été prise en revanche pour ce qui concerne le traitement des affaires « au civil » ou dans le « cadre transactionnel » fixé par la loi Badinter du 5 juillet 1985 dont les nombreux dysfonctionnements pénalisent lourdement les traumatisés crâniens au profit des assureurs. Cette situation traduit donc une atteinte de fait au principe du « contradictoire » et au transfert de plus en plus marqué de la justice institutionnelle vers les assureurs en l'occurrence « juge et partie ». Considérant les orientations dégagées par les deux rapports remis au ministère en 2002, il souhaiterait savoir s'il se dit favorable à la création d'un collège national spécifique d'experts capable d'évaluer sur le plan médico-légal les réparations de victimes de traumatismes crâniens et s'il ne serait pas opportun de supprimer la possibilité de cumul des fonctions de médecin-conseil de compagnie d'assurances et d'expert judiciaire. Enfin, le recours des organismes sociaux dont les dispositions sont définies par la loi de 1976 modifiée pour ce qui concerne les accidents de la voie publique par la loi Badinter du 5 juillet 1985 étant ressenti par les victimes comme une véritable injustice, il souhaiterait savoir si le ministère ne pourrait pas réviser ses modalités.

Réponse publiée le 3 novembre 2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la question de l'indemnisation des traumatisés crâniens fait l'objet d'une attention toute particulière de la chancellerie. Indépendamment même d'une réflexion sur l'expertise dans l'évaluation du dommage corporel, menée lors de réunions pluridisciplinaires au sein du ministère dans le courant de l'année 2001, un groupe de travail interministériel chargé d'étudier les mesures propres à améliorer l'indemnisation des cérébro-lésés, évoqué dans la question, a remis un rapport en 2002 qui a été largement diffusé et reste consultable en ligne sur le site de la chancellerie. Cette publication électronique assure la mise à disposition générale, permanente et gratuite, des très importants travaux menés, au titre desquels les deux missions types d'expertise, pour l'adulte et l'enfant, adaptées au déficit séquellaire des traumatisés crâniens. La chancellerie travaille également, en concertation avec l'Ecole nationale de la magistrature, à des actions de sensibilisation des magistrats aux problèmes spécifiques posés par le traumatisme crânien. En outre, l'opportunité de l'établissement d'une liste nationale unique spécifique à l'évaluation médico-légale et aux mesures de protection des cérébro-lésés par un collège spécialisé est actuellement à l'étude au sein de la chancellerie. En revanche, une réforme du statut des experts tendant à interdire le cumul des fonctions de conseils de compagnies d'assurances et celles d'experts judiciaires n'est pas à l'ordre du jour. En effet, un régime d'incompatibilité de portée générale pourrait porter atteinte à l'un des fondements du statut des experts judiciaires, qui, simples collaborateurs occasionnels de la justice, doivent pouvoir enrichir le débat de leur expérience professionnelle. En l'état actuel des textes, l'article 237 du nouveau code de procédure civile dispose que le technicien commis par le juge doit accomplir sa mission, non seulement avec conscience, mais aussi avec impartialité et objectivité. Les articles 2-6° et 3-3° du décret statutaire du 31 décembre 1974 interdisent par ailleurs à l'expert judiciaire d'exercer une activité incompatible avec l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa mission. Ainsi, certaines cours d'appel ont considéré qu'il était opportun, sur le fondement de ces dispositions, de ne pas inscrire des techniciens qui seraient attachés directement ou indirectement à une compagnie d'assurances. L'article 234 du code précité permet en outre aux parties de demander la récusation des techniciens pour les mêmes causes que les juges. Enfin, le groupe de travail, également évoqué dans la question, consacré à l'indemnisation du dommage corporel dans tous ses aspects et présidé par le professeur Yvonne Lambert-Faivre, a remis la synthèse de ses recherches le 22 juillet 2003 et sa publication en est aussi assurée sur le site du ministère de la justice. Ce rapport, fruit d'une réflexion riche et approfondie, apporte une aide méthodologique et de précieuses indications qui peuvent déjà guider les acteurs du droit de l'indemnisation. Il contient en outre plusieurs propositions de réformes législatives et réglementaires qui font l'objet d'une étude particulièrement attentive de la part de la chancellerie. Parmi celles-ci, le groupe de travail a proposé une nouvelle rédaction du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'une modification des dispositions de l'article 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 afin, notamment, que, dans l'intérêt des victimes, les recours subrogatoires des tiers-payeurs s'exercent poste par poste sur les seules indemnités correspondant aux chefs de préjudices qu'ils ont pris en charge. Ces propositions, qui ont des incidences sur les comptes sociaux, nécessitent une réflexion interministérielle approfondie.

Données clés

Auteur : M. Yvan Lachaud

Type de question : Question écrite

Rubrique : Handicapés

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 8 septembre 2003
Réponse publiée le 3 novembre 2003

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