Question écrite n° 24582 :
défense et usage

12e Législature

Question de : M. Jacques Myard
Yvelines (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jacques Myard appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les pratiques linguistiques intolérables de la Commission européenne qui impose de plus en plus l'anglais uniquement comme langue de travail de son administration, tant pour la communication interne que pour les dossiers déposés par des particuliers ou des entreprises privées dans le cadre des programmes européens. Cette pratique parfaitement contraire aux traités européens s'inscrit de surcroît dans une longue série d'atteintes au principe constitutionnel qui garantit aux Français le droit de s'exprimer et de travailler dans leur langue. Ces atteintes proviennent paradoxalement le plus souvent des élites françaises elles-mêmes. Cette situation est rendue d'autant plus intolérable par le cynisme de la Commission européenne qui continue de proclamer la diversité culturelle et linguistique comme principe fondamental de l'Union tout en la niant en son propre sein. On y observe même les fonctionnaires français se ridiculiser, obligés, voire tout fiers qu'ils sont, de communiquer entre eux en anglais. En ce qui concerne les dossiers de candidature à rédiger en anglais uniquement, il s'agit d'une discrimination pure et simple. Naturellement la Commission européenne invoque les contraintes pratiques et financières d'avoir plusieurs langues de travail. Mais le confort de quelques-uns ne saurait justifier la négation d'un principe garanti par les traités et par la constitution de la République. Cela serait oublier que cette soumission linguistique a des conséquences incalculables non seulement culturelles, mais aussi sociales, économiques et géopolitiques. Cette situation si manifestement contraire à l'esprit de la construction européenne est de nature à la remettre radicalement en cause. Il lui demande en conséquence quelles mesures il entend prendre pour restaurer le français comme langue de travail au sein de la Commission européenne. - Question transmise à M. le ministre des affaires étrangères.

Réponse publiée le 20 avril 2004

La promotion de l'usage du français comme de la diversité linguistique au sein des enceintes européennes est une préoccupation constante des autorités françaises. L'érosion relative de notre langue - qui garde toutefois une place de premier ordre - est inséparable du renforcement d'une langue unique face à toutes les autres langues officielles de l'Union européenne. Cette situation particulière rend nécessaire la définition d'une double stratégie. Il faut, d'une part, défendre la diversité linguistique car il s'agit d'un principe fondamental qui garantit une large mobilisation des Etats membres. Il faut, d'autre part, promouvoir lorsque c'est possible la simplification du régime linguistique autour de quelques langues, notamment lorsque le multilinguisme complet conduit par sa complexité à la prééminence d'une seule langue comme langue véhiculaire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement renforce les moyens de sa stratégie linguistique, défend le plurilinguisme en Europe et s'emploie à conforter les nombreux atouts du français au sein de l'Union européenne. Notre langue bénéficie d'une présence enviable, comme l'ont démontré les travaux de la convention sur l'avenir de l'Union, conduits pour une bonne part en français. Un plan pluriannuel en faveur du français a été conçu pour conforter cet acquis dans la perspective de l'élargissement. Doté d'une enveloppe importante (1,4 million d'euros délégués à l'agence intergouvernementale de la francophonie, auxquels s'ajoutent 610 000 euros ciblés directement par le ministère des affaires étrangères sur la promotion du français), ce plan permet d'offrir des formations de français aux fonctionnaires communautaires, des préparations aux concours communautaires pour les candidats ressortissants des nouveaux Etats membres ayant choisi le français, tout en maintenant des formations au français pour certains publics cibles comme les juristes-linguistes. La France s'attache également à bâtir des alliances durables pour la défense du plurilinguisme en Europe. L'action politique de soutien au français conduite avec la Belgique et le Luxembourg dans le cadre de la francophonie, et dotée de moyens financiers accrus, va dans ce sens. Celle-ci est complétée par une coopération étroite avec l'Allemagne, que ce soit dans le cadre des négociations du régime linguistique ou pour des actions conjointes vis-à-vis des institutions dans l'Union. Dans le cadre de la négociation sur le régime linguistique du Conseil de l'Union européenne après l'élargissement, certains aménagements informels favorables au français, tels le régime à trois langues (français, anglais, allemand) du groupe des correspondants permanents, ont été activement défendus par le Gouvernement et seront pérennisés. Le futur régime qui entrera en vigueur à compter du 1er mai permet à la France de préserver systématiquement l'interprétation du français dans les réunions des groupes de travail du Conseil. Le Gouvernement veillera par ailleurs à maintenir la pratique de l'usage du français dans les réunions fonctionnant sans interprétation. Enfin, le Gouvernement agit à long terme en veillant à défendre le plurilinguisme dans la fonction publique communautaire et à promouvoir, avec le soutien de la Commission, la généralisation de l'enseignement de deux langues étrangères dans les systèmes d'éducation des Etats membres. Cette démarche de long terme s'est illustrée par les efforts fournis par le Gouvernement pour inscrire dans la future constitution européenne le respect de la diversité culturelle et linguistique parmi les objectifs de l'Union et pour y inclure la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette mobilisation s'est d'ores et déjà traduite en résultats positifs et concrets. Ainsi, la réforme du statut de la fonction publique européenne a inscrit la prise en compte d'une troisième langue de l'Union en plus de la langue maternelle et d'une première langue étrangère troisième langue de l'Union en plus de la langue maternelle et d'une première langue étrangère comme condition de la promotion des futurs fonctionnaires communautaires. Cette réforme conduira probablement une part importante des fonctionnaires communautaires ne maîtrisant pas le français comme première langue étrangère à le choisir comme seconde langue étrangère. Les institutions étant désormais dans l'obligation d'offrir une formation linguistique spécifiquement destinée à leur permettre de remplir les critères fixés par le nouveau statut, cette mesure est de nature à garantir à moyen et long terme l'usage effectif de plusieurs langues dans les institutions européennes. De plus, le plan pluriannuel permet de conforter la place spécifique du français comme langue pivot pour l'interprétation de certaines réunions et favorise la constitution d'un vivier de diplomates et de fonctionnaires francophones dans les pays candidats. L'initiative du Gouvernement d'offrir à tous les membres de la prochaine commission, ainsi qu'à leurs cabinets, une formation au français s'inscrit dans la même perspective.

Données clés

Auteur : M. Jacques Myard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Langue française

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 15 septembre 2003
Réponse publiée le 20 avril 2004

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