associations
Question de :
Mme Patricia Adam
Finistère (2e circonscription) - Socialiste
Mme Patricia Adam appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le nécessaire renforcement de la législation contre l'homophobie. En effet, la rédaction actuelle de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse interdit aux associations dont l'objet est de lutterr contre l'homophobie de faire judiciairement sanctionner les injures homophobes, les provocations à la discrimination, la haine ou la violence homophobe ainsi que la diffamation commise à raison de l'orientation sexuelle de la victime. A l'inverse de celle fondée sur l'origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, la discrimination à raison de l'orientation sexuelle ne figure pas dans l'article 48-1 de cette même loi. Contrairement aux associations chargées de lutter contre les discriminations fondées sur l'origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, les associations de lutte contre l'homophobie ne peuvent donc pas agir judiciairement si elles l'estiment fondé. Il s'agit là d'une inégalité de traitement qui demande à être corrigée. En conséquence, elle lui demande quelles mesures il entend mettre en oeuvre afin de remédier à cette discrimination légale injustifiée.
Réponse publiée le 22 décembre 2003
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que l'ensemble du Gouvernement partage ses préoccupations concernant la lutte contre l'homophobie, qui doit être considérée comme une forme particulière de discrimination. D'ailleurs, en tant qu'atteinte à l'intimité de la vie privée, la divulgation de l'homosexualité d'une personne peut donner lieu à réparation civile sur le fondement de l'article 9 du code civil relatif au respect de l'intimité de la vie privée. De surcroît, l'honorable parlementaire n'ignore d'ailleurs pas que la législation française tant civile que pénale évolue dans le sens d'une meilleure protection des homosexuels tant en matière de lutte contre les discriminations que de lutte plus générale contre les comportements ou propos homophobes. En premier lieu, dans le domaine des discriminations, en matière civile, le Parlement a adopté la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations qui a introduit la notion « d'orientation sexuelle » à l'article 6 de la loi n° 83-634 relative aux fonctionnaires et à l'article L. 122-45 du code du travail relatif aux discriminations dans le recrutement, l'accès à un stage ou à la formation. Ce texte a également entendu, en la matière, procéder à un aménagement de la charge de la preuve en faveur du salarié. Dans le domaine pénal, la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001, relative à la lutte contre les discriminations, a intégré à l'article 225-1 du code pénal, qui réprime les discriminations, la notion d'orientation sexuelle. Par ailleurs, les dispositions de la loi 2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure ont créé l'article 132-77 du code pénal, qui prévoit expressément la possibilité de retenir une nouvelle circonstance aggravante lorsqu'un crime ou un délit est commis à raison de l'orientation sexuelle de la victime. Pour la première fois, la loi prévoit la prise en compte du mobile homophobe comme circonstance aggravante de certaines infractions pénales d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité des individus, ou d'agressions sexuelles. S'agissant plus spécifiquement du rôle dévolu aux associations, le garde des sceaux entend rappeler à l'honorable parlementaire que, dans le cadre de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, l'article 2-6 du code de procédure pénale a été complété pour permettre aux associations de lutte contre les discriminations en raison du sexe ou des moeurs d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité physique de la personne ou en cas de dégradation de biens, lorsque ces faits ont été commis précisément en raison du sexe ou des moeurs de la victime. En outre, le Président de la République a annoncé le 14 octobre 2002 la création prochaine d'une autorité administrative indépendante de lutte contre les discriminations raciales et homophobes et une mission sur cette question a été récemment confiée à M. le médiateur de la République. En second lieu, il apparaît qu'en l'état du droit positif la seule mention de l'homosexualité d'une personne n'est pas en soi pénalement sanctionnée, ce qui peut constituer une lacune juridique préjudiciable aux homosexuels. C'est pourquoi, comme l'a publiquement annoncé le Premier ministre le 18 juillet 2003, les propos à caractère homophobe seront en eux-mêmes pénalisés par une modification législative qui interviendra dans le courant de l'année 2004. Cette évolution pourrait s'accompagner d'une modification des dispositions de la loi du 29 juillet 1881 en permettant aux associations de lutte contre l'homophobie d'agir en justice dans des domaines qui leur sont jusqu'à présent fermés. A ce titre, le garde des sceaux, ministre de la justice, à la demande du Premier ministre, a mis en place un groupe de travail interministériel comprenant des représentants des ministères de la culture, de l'intérieur, de la parité, chargé de procéder à des auditions sur ce sujet et de remettre dans les prochaines semaines des propositions permettant de faire évoluer la législation en vigueur. Aussi le garde des sceaux entend-il faire savoir à l'honorable parlementaire que les modifications législatives à venir permettront de parfaire la protection des homosexuels aussi bien dans le domaine des discriminations qu'en cas d'agressions physiques ou verbales à caractère homophobe, et permettront aux associations de lutte contre l'homophobie de remplir au mieux leurs missions.
Auteur : Mme Patricia Adam
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 15 décembre 2003
Dates :
Question publiée le 15 septembre 2003
Réponse publiée le 22 décembre 2003