brevets
Question de :
M. André Gerin
Rhône (14e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
M. André Gerin attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le projet européen de breveter les inventions mises en oeuvre par ordinateurs. Cela revient à breveter les logiciels libres. Ces données ont une protection juridique avec les droits d'auteurs. Le brevet limitera, voire empêchera toute évolution technologique future. Un logiciel est un ensemble d'instructions, sous forme d'algorithmes, appelées fonctions. Il est normal qu'un développeur de logiciels utilise, réutilise des algorithmes identiques. Ainsi, des utilisateurs, des petites ou moyennes entreprises, des administrations, des associations, des ingénieurs, sont opposés au projet de brevet qui détruira toute possibilité de créativité. L'Europe maîtrise 60 % de la technologie des logiciels libres. Seuls les éditeurs américains auront la possibilité financière de breveter leurs logiciels. Le logiciel libre permet à des foyers possédant de faibles ressources, des administrations et des écoles publiques, l'accès à l'informatique. C'est un moyen pour la diffusion des connaissances pour l'élaboration collective de l'information. Le brevet favorisera les grandes multinationales américaines et mettra à mal les entreprises européennes développant les logiciels libres ainsi que les emplois qui en découlent. Il lui demande si le Gouvernement a l'intention de défendre le système actuel des droits d'auteur en matière d'invention avec les ordinateurs et de mettre en oeuvre une politique dynamique soutenant l'accès aux logiciels libres. - Question transmise à Mme la ministre déléguée à l'industrie.
Réponse publiée le 17 novembre 2003
Le projet de directive européenne portant sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur n'a pas pour finalité d'étendre le champ de la brevetabilité, mais, bien au contraire, d'en préciser les limitations, tout en restant respectueux des accords internationaux auxquels nous adhérons. Cependant, des ambiguïtés étaient présentes dans le projet initial élaboré par la Commission européenne et avaient motivé des réserves de la France vis-à-vis de ce texte. Lors du premier examen de ce projet de directive, le Parlement européen a voté des amendements significatifs. Certains d'entre eux, issus des travaux de sa commission juridique, corrigent le texte dans le sens approprié, à l'instar de ce qui avait été proposé par le groupe de travail des représentants des États membres. D'autres amendements introduisent des limitations plus drastiques au champ de la brevetabilité et des conditions plus limitatives aux critères de brevetabilité : ils nécessiteront une analyse complémentaire concernant leur compatibilité avec l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) auquel l'Union européenne et les États-membres adhèrent en tant que membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). En Europe, une invention est brevetable si, relevant d'un domaine technologique, elle est nouvelle, implique une activité inventive et est susceptible d'application industrielle. Pour impliquer une activité inventive, une invention doit apporter une contribution technique. Ces critères sont bien plus restrictifs que ceux appliqués aux États-Unis où, en l'absence d'exigence de contribution technique, la jurisprudence a pu étendre le champ de la brevetabilité aux logiciels et aux méthodes d'affaires, ce qui n'empêche d'ailleurs pas le logiciel libre de s'y développer. En Europe, un logiciel en tant que tel n'est pas considéré comme une invention brevetable : ne pourra l'être qu'une solution technique innovante apportée à un problème technique, solution qui peut être mise en oeuvre par des moyens matériels ou logiciels. Le droit d'auteur est une protection contre la copie servile de tout logiciel, innovant ou pas, mais n'interdit pas la reconstitution d'une invention ; seul le brevet permet à un inventeur de protéger ses droits vis-à-vis de compétiteurs, notamment des grandes entreprises. Le développement des technologies informatiques a naturellement conduit à l'augmentation des dépôts de brevet dans ce secteur. Si des brevets ont été accordés alors qu'ils ne paraissent pas répondre aux critères en vigueur en Europe, la procédure d'opposition peut être utilisée pour les contester. Mais, actuellement, en l'absence de texte communautaire, des divergences de jurisprudence peuvent apparaître entre États membres. L'intérêt d'une directive communautaire est de permettre l'élaboration d'une jurisprudence européenne unifiée sur la base de critères explicites, ce qui devrait être accueilli favorablement par l'ensemble des acteurs économiques européens, en particulier les petites entreprises et les développeurs indépendants promoteurs de logiciels libres. Encore faut-il que cette future directive pose des règles claires et applicables et qu'elle soit compatible avec les engagements internationaux de l'Union européenne. C'est ce à quoi s'emploie le gouvernement français, soucieux de transparence et attentif à favoriser l'émergence de positions équilibrées.
Auteur : M. André Gerin
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : industrie
Dates :
Question publiée le 22 septembre 2003
Réponse publiée le 17 novembre 2003