matériel électrique et électronique
Question de :
M. Philippe Tourtelier
Ille-et-Vilaine (2e circonscription) - Socialiste
Coup sur coup : Thomson Multimédia, ST Microelectronics, et maintenant Philips Semiconducteurs qui va procéder à soixante-neuf licenciements à Rennes. À nouveau, M. Philippe Tourtelier appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation du secteur électronique dans la région rennaise, en particulier après l'annonce de la fermeture du site Philips Semiconducteurs Rennes. Ingénieurs, agents de production, nul n'est épargné. Des centaines de familles sont sous le choc. Avec au total plus de 700 emplois menacés dans cette seule filière, c'est à une hécatombe industrielle et sociale qu'est confrontée l'agglomération rennaise. Ces plans sociaux et restructurations (qui s'ajoutent à ceux dans l'agroalimentaire) menacent non seulement le tissu économique, mais également l'avenir du pôle scientifique et technologique breton. À cette fracture économique et sociale s'ajoutent l'incohérence et l'incapacité du Gouvernement à peser sur des états-majors d'entreprises dans lesquelles il est actionnaire, à tenir ses engagements (exemple du gel de ST Microelectronics annoncé par Mme Fontaine, et superbement ignoré jusqu'à présent par la direction du groupe), à mettre de la cohérence dans ses aides et contributions financières (subventions publiques, soutiens publics en recherche et développement, programmes et investissements divers...). À cet égard, il note que le 27 février dernier le Président de la République inaugurait avec les dirigeants de Philips et de ST Microelectronics (et de Motorola) à Crolles, en Isère, un complexe de R & D dédié aux technologies électroniques dans lequel l'État et les collectivités ont injecté 600 millions d'euros. Deux des groupes qui délocalisent leurs productions de l'Hexagone et licencient à Rennes profitent de la manne publique et annoncent - avec un certain cynisme - créer des emplois en Isère alors qu'ils en suppriment en Ille-et-Vilaine et ailleurs en France. Loin de reprocher aux industriels d'investir en R & D, ni à l'État de soutenir et promouvoir celle-ci, il dénonce ce qui ne serait que paradoxe si des emplois, des vies de familles, l'avenir de régions entières n'étaient menacés au nom de ce qui s'apparente plus à une recherche de profits qu'à une réelle politique industrielle et scientifique. Il précise que ces grandes sociétés affichent toutes un bénéfice net. Il rappelle également que les sites de Thomson Multimédia, ST Microelectronics et Philips Semiconducteurs de l'agglomération rennaise ont des compétences, un savoir-faire et une efficacité reconnus, parfois uniques en Europe. La filiale Thomson Multimédia rennaise développe des décodeurs numériques avec une compétence très pointue, et supprime environ soixante emplois. L'État contrôle 20 % du capital. À lui seul ST Microelectronics Rennes, 600 postes menacés, est à même de pérenniser ses emplois en adaptant sa technologie semi-conducteur aux MEMS (puces du futur) et en poursuivant l'activité de pointe des composants dits « spatiaux » ; l'État, actionnaire à 17 %, doit également se faire entendre et justifier ses positions. Philips Semiconducteurs Rennes est axé sur le développement de circuits intégrés des décodeurs numériques : satellites, câbles et surtout terrestres avec la télévision numérique terrestre (la TNT de demain), des produits très performants, mondialement reconnus. La suppression de ce pôle de compétence du conglomérat néerlandais a de quoi surprendre et même choquer ; il sacrifie un site dédié principalement à l'électronique grand public (son principal marché) avec la TV du futur. Objectif : dégager encore plus de résultats financiers, en supprimant des emplois ici pour mieux les recréer ailleurs avec soutiens publics, aides ou privilèges issus d'une mondialisation sauvage. Face au sinistre du secteur électronique et aux chocs économique et social subis coup sur coup dans l'agglomération rennaise, il lui demande ce que compte faire l'État, quelles mesures urgentes il compte prendre pour juguler cette hémorragie et quels appuis massifs, conjoncturels et structurels, peuvent attendre la filière électronique et le pôle technologique breton. Il le remercie de lui faire savoir très rapidement les initiatives et engagements qu'il prend sur ces dossiers.
Réponse publiée le 16 mars 2004
L'unité de Rennes de la division semiconducteurs de Philips conçoit des circuits spécialisés pour la télévision haute définition. Elle a été, dans les dernières années, particulièrement touchée par la crise, les secteurs des télécommunications et du multimédia ayant connu de fortes baisses de volumes. Le site de Rennes, qui emploie 69 personnes, est, pour Philips, le plus petit des sites français de recherche et développement. En conséquence, Philips a décidé de recentrer sa recherche et développement en France sur trois sites : à Crolles, pour les technologies critiques, à Sophia, pour les technologies logicielles, et enfin à Caen, pour personnes du site de Rennes, portant à près de 35 le nombre de reclassements internes. Pour les personnes qui ne sont pas concernées par un reclassement à Caen, le groupe Philips a décidé de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi avec des mesures d'accompagnement. Une attention particulière sera portée à la création d'emplois, avec, d'une part, des aides à la création d'entreprises et, d'autre part, la mise en oeuvre d'actions de support à la création d'emplois de compensation. La société ST Microelectronics a décidé de fermer l'usine du Blosne, qui comprend 429 salariés en contrat à durée indéterminée, en avril 2004, afin d'assurer le maintien de sa compétitivité. Le marché des semiconducteurs est soumis à une accélération de la course à l'innovation technologique, qui se caractérise en particulier par le remplacement rapide des plaquettes 6 pouces par les plaquettes 8 et 12 pouces et par une pression très forte sur les prix, dans un contexte où les capacités de production sont excédentaires. Or l'activité principale du site de Rennes est la fabrication de plaquettes de circuits intégrés sur tranches de silicium 6 pouces. La production effectuée à Rennes est aujourd'hui 60 % plus coûteuse que celle qui sera réalisée à Singapour, et la capacité de production du site de Singapour est près de neuf fois supérieure à celle de celui de Rennes, qui souffre de difficultés structurelles particulières, que sont un enclavement du site en zone urbaine, qui limite son expansion et exigerait des surinvestissements de confort et sécurité pour les riverains, et une taille réduite du site, qui ne lui permet plus d'avoir une taille critique suffisante pour assurer sa compétitivité. 1 milliard et demi de dollars d'investissements seraient nécessaires pour construire un nouveau site de 8 pouces dans la périphérie de Rennes, alors que, compte tenu des investissements récents ou en cours et des conversions prévisibles en 8 pouces, notamment en France sur le site de Rousset (8 pouces) et à Crolles (12 pouces), ST dispose déjà d'usines 8 et 12 pouces dont les capacités potentielles de production sont supérieures à ses besoins. Dès lors, la rentabilité d'un nouveau projet sur le site de Rennes ne serait pas assurée. Jusqu'à ce jour, l'unité de Rennes avait toujours pu être adaptée afin d'accueillir des technologies plus récentes, comme l'atteste l'investissement de 50 MEUR réalisé par ST sur ce site en 2000. Après avoir été soigneusement examinée, il s'est avéré que l'installation de la fabrication de microsystèmes électromécaniques (MEMS) sur le site de Rennes ne constituait pas une piste de diversification envisageable, le marché des MEMS étant peu développé (il représente seulement 1 % du marché mondial des semiconducteurs, ce qui ne suffirait pas à alimenter les besoins de l'usine), surcapacitaire et réparti entre 300 acteurs, tandis que son développement reste aléatoire. Dès 2001, un comité de diversification de l'activité a été mis en place par l'entreprise, avec des mesures de formation et d'aide du déménagement pour les salariés du site de Rennes. Un plan de sauvegarde de l'emploi est actuellement en cours de négociation, et prévoit : le reclassement des salariés dans le groupe : l'entreprise a garanti jusqu'au 31 mars 2004 un reclassement sur l'un des sites français de la société à tous les employés de Rennes. Ces propositions correspondent à l'expérience et l'expertise de chaque personne. trois cent quatre-vingt-quatre postes étaient proposés. Au moins soixante-quinze personnes seraient partantes. Pour accompagner ces mutations, ST Microelectronics a mis en place des aides à la recherche de logement et des aides au reclassement du conjoint, ainsi que des aides financières ; l'aide au reclassement sur le bassin d'emploi : l'entreprise s'est engagée à proposer à chaque salarié concerné deux offres personnalisées d'emploi correspondant à sa qualification et à son projet professionnel avec le concours d'un cabinet de reclassement ; la réindustrialisation : l'accord signé entre l'entreprise et la société Solutions plastiques prévoit d'implanter une nouvelle usine, qui devrait créer 150 emplois, dont au moins 100 pour les salariés de ST Microelectronics en 2004-2005, les postes créés étant proposés en priorité aux salariés de ST Microelectronics. À travers cet accord, ST Microelectronics a accordé à la société Solutions plastiques un prêt à taux préférentiel et des primes à l'embauche. Cette unité sera principalement dédiée à la production de pièces plastiques injectéées, de moyenne et grande taille, pour le marché automobile. ST Microelectronics est disposé à étudier le même type d'accord avec d'autres sociétés ; par ailleurs, la société a allongé les congés de reclassement jusqu'à 11 mois pour les salariés fragilisés, et a garanti la capitalisation de ce congé à hauteur de 70 % pour les départs antérieurs à leur échéance. Pour les salariés qui n'auraient pu être reclassés, la société accorderait, en complément des indemnités conventionnelles, des indemnités additionnelles de base jusqu'à 11 mois de salaire auxquelles s'ajouterait une indemnité pouvant aller jusqu'à 1 250 euros par année d'ancienneté pour les salariés âgés de plus de 45 ans. ST Microelectronics a été et reste créateur net d'emplois en France, au travers notamment du développement de ses activités de recherche et développement à Crolles et de production à Rousset. Les effectifs de la société en France sont passés de 3 500 personnes en 1993 à plus de 10 000 en 2003, avec en particulier un accroissement des effectifs enregistré en France en 2003 et prévu en 2004.
Auteur : M. Philippe Tourtelier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Industrie
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 9 mars 2004
Dates :
Question publiée le 29 septembre 2003
Réponse publiée le 16 mars 2004