droits d'auteur
Question de :
M. Pierre Lang
Moselle (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Lang attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur une jurisprudence contestable, qui assimile l'antenne collective de télévision à une retransmission d'oeuvres au « public » des copropriétaires. Cette jurisprudence revient à traiter un appartement privé bénéficiant d'une diffusion collective comme une chambre d'hôtel ou une salle de spectacle. Dès lors, le syndicat des copropriétaires devrait payer une redevance au titre du droit d'auteur. C'est ce qui ressort d'un arrêt de la cour d'appel, de Versailles du 16 mai 2002, rendu dans un litige entre un syndicat de copropriétaires et les sociétés d'auteurs. Pour la cour d'appel le seul fait d'installer quatre antennes paraboliques collectives sur le toit de l'immeuble transforme le syndicat en intermédiaire dans la diffusion d'oeuvres audiovisuelles au public. Le syndicat agirait ainsi en « opérateur de réseau » et devrait donc verser des droits aux sociétés d'auteurs. Cette interprétation jurisprudentielle est à la fois infondée au regard des principes de la propriété artistique, et préjudiciable à l'esthétique des bâtiments et des sites. Tout d'abord, la décision de la cour d'appel méconnaît l'exception du « cercle de famille », posée par l'article L. 122-5 1 du code de la propriété intellectuelle. En effet, chaque habitant de l'immeuble équipé d'une antenne collective reçoit les émissions de télévision dans le cercle de famille, c'est-à-dire chez soi. A l'inverse, lorsqu'une oeuvre est retransmise dans une galerie marchande, par exemple, elle touche un nouveau public, plus vaste que celui auquel elle était destinée. Cet élargissement du public visé justifie la perception de droits supplémentaires. Il en va de même en cas de diffusion dans une chambre d'hôtel : l'hôtelier, tiers intéressé, sert d'intermédiaire entre l'émetteur et l'usager, qui n'est absolument pas dans le cadre de sa famille. La chambre d'hôtel est un service payant, et la fourniture d'un service accessoire (télévision) donne lieu au versement de droits d'auteur. Au regard du CPI, la situation des copropriétaires est tout à fait claire : ils reçoivent des programmes chez eux, qui sont destinés aux familles dans leur cercle privé, par le biais d'une antenne collective. Ce cas relève bien de l'exception prévue à l'article L. 122-5 1, et ne donne pas lieu à perception de droits d'auteur. Incohérente, la jurisprudence de la cour d'appel de Versailles conduit en outre à dénaturer le rôle du syndicat, qui n'est rien d'autre que l'émanation des copropriétaires. Il représente juridiquement la collectivité des copropriétaires. Dans ces conditions, on ne saurait prétendre que le syndicat retransmet en « opérateur de réseau » les émissions reçues par l'antenne collective de l'immeuble. Enfin, cette jurisprudence constitue un frein regrettable à l'installation d'antennes collectives de télévision, qui sont pourtant le meilleur moyen de préserver l'esthétique des bâtiments et des sites. Chacun peut constater combien les antennes et paraboles individuelles enlaidissent les façades et privent les immeubles de leur harmonie. Ces antennes individuelles deviennent même dangereuses, si elles sont mal fixées, ou en cas de vents forts. C'est pourquoi il serait dommage de pénaliser les copropriétés qui ont fait le choix de l'antenne collective. Au total, il apparaît nécessaire de revenir sur cette jurisprudence de la cour d'appel de Versailles, en précisant dans la loi le régime applicable aux antennes collectives en matière de droits d'auteur. Il lui demande s'il entend exonérer le syndicat des copropriétaires de tout versement de redevances en cas d'installation d'une antenne collective, conformément aux règles du CPI. Il souhaiterait savoir si ce point est traité par l'avant-projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
Réponse publiée le 12 avril 2005
L'honorable parlementaire souhaite attirer l'attention du ministre de la culture et de la communication sur la question des droits dont doivent s'acquitter les gestionnaires de certaines antennes collectives, en application des articles L. 122-2 et L. 130-20 du code de la propriété intellectuelle. Sur ce fondement, la cour d'appel de Versailles, par une décision du 16 mai 2002, confirmée le 1er mars 2005 par la première chambre civile de la Cour de cassation, reconnaît que la retransmission de programmes audiovisuels au moyen d'antennes collectives constitue une représentation d'oeuvres au public. L'exception du « cercle de famille » prévue par l'article L. 122-5 1° du code de la propriété intellectuelle ne s'applique donc pas à une telle retransmission. La Cour de cassation précise que cette exception ne comprend pas le cas d'« une représentation des ouvres audiovisuelles par communication à un public constitué de l'ensemble des résidents dont la collectivité excède la notion de cercle de famille, peu important l'absence d'intention lucrative ou la propriété indivise des antennes mises en place ». Cette retransmission doit donc, au même titre que celle effectuée par les câblo-opérateurs, faire l'objet d'une contrepartie financière versée aux sociétés de gestion de droits. Le régime applicable aux câblo-distributeurs relève de la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 portant transposition, dans le code de la propriété intellectuelle, des directives 93/83/CEE du 27 septembre 1993 et 93/98/CEE du 29 octobre 1993. Cette loi prévoit que les autorisations de retransmission sur des réseaux câblés font l'objet d'une gestion collective obligatoire et d'une négociation contractuelle entre les ayants droit et les opérateurs de réseaux câblés. Or, il apparaît que les configurations d'antennes collectives ou de réseaux internes à un immeuble au sein d'un habitat collectif sont très variées. Devant la diversité des situations, une modification législative instituant une exception concernant les antennes collectives ne paraît pas opportune dans la mesure où, elle rendrait incertain le champ d'application de la loi n° 97-283 du 27 mars 1997 et risquerait en outre d'être contraire à la directive du 27 septembre 1993, qui vise à organiser le paiement de droits d'auteur et de droits voisins pour les retransmissions sur les réseaux câblés. Il apparaît donc préférable de s'en remettre dans un premier temps à la négociation contractuelle, plus souple qu'une mesure législative, la décision confirmée par la Cour de cassation ne pouvant préjuger de ces négociations entre les sociétés de gestion de droits et les représentants des copropriétaires. À ce titre, les accords conclus entre les câblo-opérateurs et les sociétés de gestion de droits excluent la rémunération pour les services antennes du câble.
Auteur : M. Pierre Lang
Type de question : Question écrite
Rubrique : Propriété intellectuelle
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : culture et communication
Dates :
Question publiée le 6 octobre 2003
Réponse publiée le 12 avril 2005