Question écrite n° 27670 :
réglementation

12e Législature

Question de : Mme Valérie Pécresse
Yvelines (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Mme Valérie Pecresse appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence, dans le droit français, de la fiducie. La fiducie se définit comme un contrat par lequel une personne physique ou morale - le constituant - transfère tout ou partie de ses biens et droits a une autre personne - le fiduciaire - ayant pour mission de gérer ces biens dans un cadre et pour un temps déterminé. Elle rappelle qu'un projet de loi instituant la fiducie avait été adopté en conseil des ministres en février 1992. Or, ce texte n'a jamais abouti malgré le souhait des praticiens et malgré l'introduction, dans d'autres pays européens, d'une telle réglementation. Les besoins auxquels pourrait répondre l'introduction de la fiducie dans le droit français sont nombreux, que ce soit en matière de protection des personnes, de transmission de patrimoine, ou encore en matière commerciale. Un bilan des évolutions juridiques récentes, par exemple en matière de prêt de titres ou de pension livrée ou à venir, notamment en matière de transmission d'entreprises, avait d'ailleurs été demandé, en 1995, aux départements ministériels concernés, afin de définir précisément ces besoins et de permettre un réexamen du projet de loi de 1992 (Journal officiel - AN - 11 novembre 1995). Ce réexamen n'a jamais été remis à l'ordre du jour. Ainsi, elle lui demande de bien vouloir lui faire connaître les conclusions effectives de ces réflexions et les propositions qui avaient pu en découler. En outre, la résolution du 15 novembre 2001 du Parlement européen, qui prévoit une harmonisation des droits européens en matière de trusts, devrait logiquement conduire la France à l'adoption de la fiducie. Ainsi, elle souhaiterait à la fois connaître la position du Gouvernement sur l'opportunité de l'introduction de la fiducie dans le droit positif, et savoir s'il envisage l'examen d'un projet de loi qui irait dans ce sens.

Réponse publiée le 20 avril 2004

Le garde des Sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire que la fiducie se définit comme le contrat par lequel un constituant transfère tout ou partie de ses biens et droits à un fiduciaire, qui, tenant ces biens et droits séparés de son patrimoine personnel, agit dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires conformément au contrat. La fiducie s'écarte ainsi de la conception, traditionnelle en droit français, de l'unité du patrimoine, dans la mesure ou le constituant transfère la propriété d'un bien à une autre personne. Le bien transféré se trouve « hors patrimoine » pour la durée du contrat et échappe ainsi aux créanciers tant du constituant que du fiduciaire. En l'état actuel, le droit français ne connaît pas de mécanisme général permettant à la fois la transmission, la protection et la gestion d'un ensemble autonome de biens. Néanmoins, il existe plusieurs dispositifs particuliers, qui ont pu être qualifiés de fiduciaires tels que le crédit-bail, la pension de titre ou le portage d'actions. Des éléments clairs sont favorables à l'introduction de la fiducie : elle est propre à faciliter la transmission de patrimoine (fiducie-libéralités), à garantir la sécurité du crédit (fiducie-sûreté), à concurrencer l'institution anglo-saxonne du trust et à éviter ainsi les délocalisations de capitaux. Elle concourrait à mettre notre dispositif juridique dans une meilleure situation de compétitivité par rapport aux pays de « common law ». Toutefois, malgré ces arguments avancés, des difficultés importantes subsistent. La fiducie pourrait être utilisée pour contourner les règles du droit des tutelles, du droit des successions ou du droit des procédures collectives. Elle risquerait d'introduire des déséquilibres dans le droit des sûretés en faisant sortir un élément du patrimoine du débiteur au profit d'un créancier, pendant la durée du contrat. Enfin, un détournement de cet instrument à des fins de blanchiment est plus aisé qu'avec d'autres formes juridiques. A ce stade, le Gouvernement n'a pas prévu de proposer au Parlement un projet de loi dans le sens de la création de la fiducie. Une réflexion est programmée pour déterminer dans quelles conditions les difficultés précitées pourraient être surmontées, notamment dans le respect des intérêts des tiers et de l'ordre public.

Données clés

Auteur : Mme Valérie Pécresse

Type de question : Question écrite

Rubrique : Propriété

Ministère interrogé : justice

Ministère répondant : justice

Dates :
Question publiée le 3 novembre 2003
Réponse publiée le 20 avril 2004

partager