politique à l'égard des rapatriés
Question de :
Mme Ségolène Royal
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste
Mme Ségolène Royal se permet de rappeler à M. le secrétaire d'État aux anciens combattants la situation des anciens combattants rapatriés d'Algérie, pieds-noirs ou harkis, qui attendent toujours une véritable et totale reconnaissance de sa responsabilité par l'État. Certes, des lois d'indemnisation, bien tardives, ont permis de couvrir une partie des pertes subies en capital, mais l'État n'a pas rempli la totalité de ses obligations. Il faudrait examiner le cas des ayants droit français de rapatriés étrangers, qui, pour la plupart venus d'Espagne ou d'Italie, avaient conservé leur nationalité d'origine et ont été exclus des dispositifs d'indemnisation. De ce fait, leurs enfants, pourtant Français, ont été spoliés de leur patrimoine sans aucun recours possible. S'agissant du remboursement des prêts, l'application de l'article 46 de la loi du 15 juillet 1970 a introduit une iniquité entre les rapatriés bénéficiaires d'une indemnité qui a été ponctionnée pour rembourser les prêts consentis et ceux qui ont pu bénéficier de l'annulation de leurs dettes. L'engagement pris, notamment lors des campagnes électorales, d'abroger cet article 46 doit être tenu. Pour ce qui est de la situation des harkis, l'État doit renforcer les aides et les moyens mis en place, notamment pour l'acquisition d'un logement, la revalorisation et le versement global de l'indemnisation forfaitaire, mais aussi prendre des mesures d'envergure pour les deuxième et troisième générations. Plus qu'une date de commémoration symbolique imposée par décret gouvernemental, elle lui demande donc de leur assurer une réparation morale et matérielle en complétant les dispositions d'indemnisation, en corrigeant les inégalités et en réparant les oublis.
Réponse publiée le 16 mars 2004
Ainsi que l'a annoncé le secrétaire d'État aux anciens combattants lors des débats sur les rapatriés qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale et au Sénat en décembre dernier, et suite au rapport de M. Michel Diefenbacher, un projet de loi sera déposé au Parlement dans les tout premiers mois de l'année 2004. Il concernera les rapatriés d'origine européenne, mais aussi les harkis, constituera une nouvelle étape de l'indemnisation de ces populations particulièrement éprouvées et complétera l'oeuvre de reconnaissance et de solidarité nationale envers tous les rapatriés. Il s'agira de parfaire les différentes lois d'indemnisation qui se sont succédé afin de réparer les injustices qui peuvent encore subsister et parachever les efforts de la nation amorcés par les lois de 1970, 1978 et 1987. D'ores et déjà, le Gouvernement s'est donné les moyens d'établir des relations de confiance avec les rapatriés d'origine européenne comme avec les harkis : pérennisation de la journée nationale d'hommage aux harkis et aux membres des formations supplétives et assimilées, où désormais, chaque 25 septembre, la nation salue la mémoire de ces combattants valeureux ; création de la mission interministérielle aux rapatriés par le décret n° 2002-902 du 27 mai 2002, qui a permis de donner un interlocuteur aux rapatriés et de disposer d'un catalyseur pour l'action des pouvoirs publics ; création du Haut conseil aux rapatriés par le décret n° 2002-1479 du 20 décembre 2002, qui a fourni une instance de débat, de réflexion et de proposition ; remise au Premier ministre du rapport de M. Diefenbacher en octobre 2003, qui fait un état de la situation et définit des pistes d'action pour le Gouvernement. Parallèlement, des mesures d'urgence ont été prises : mise en place, dès janvier 2003, de l'allocation de reconnaissance aux harkis, afin de leur assurer un complément de retraite d'un montant annuel de 1 372 euros porté à 1 830 euros au 1er janvier 2004, non imposable et indexé, accordé à tous les harkis ou à leur veuve de plus de soixante ans, sans condition de ressources ; augmentation de 15 points des pensions de veuves de guerre, d'invalides et de grands invalides. Une attention particulière sera portée par les grands employeurs publics - ministères en charge de la défense, de l'intérieur ou de la santé, notamment - aux candidatures des jeunes issus de familles harkies. Ces administrations seront également invitées à accompagner les préparations aux concours ou les formations aux métiers qu'elles proposent. Le dossier du surendettement des rapatriés sera également examiné, afin qu'il soit clôturé avec équité. Les dispositions applicables aux régimes de retraite seront améliorées et la situation de ceux d'entre eux qui n'auront pas bénéficié pleinement des lois d'amnistie sera étudiée. Par ailleurs, les mesures spécifiques prises en faveur des anciens membres des formations supplétives concernent exclusivement les Français musulmans rapatriés ayant possédé le statut civil de droit local jusqu'à l'indépendance de l'Algérie et ayant conservé la nationalité française en application des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962, par déclaration récognitive souscrite après leur rapatriement, auprès du tribunal d'instance avant le 10 janvier 1973. S'agissant des harkis de souche européenne qui, par définition, possédaient le statut civil de droit commun qui leur a permis de conserver leur nationalité française après le rapatriement, ils ont été exclus ipso facto des mesures précitées. En effet, le législateur a considéré qu'ils n'ont pas connu les mêmes difficultés d'intégration sociale et d'insertion professionnelle que leurs camarades d'origine nord-africaine. La reconnaissance de la nation ne peut donc s'exprimer de manière identique. Cette question reste cependant à l'étude dans le cadre du projet de loi en cours d'élaboration. Sur le plan de la mémoire, plusieurs chantiers seront initiés : l'ouverture plus large des archives de la guerre d'Algérie ainsi que le traitement et la place de cette histoire dans l'enseignement. Enfin, pour mieux faire connaître le patrimoine, l'histoire, la culture et les traditions que portent les rapatriés, l'État s'associera au projet de mémorial national de l'outre-mer conçu à l'initiative du maire de Marseille. Ce mémorial, qui devrait être inauguré en 2006, présentera l'oeuvre de la France et les richesses léguées par les rapatriés et encouragera la recherche et la transmission aux jeunes générations de cet héritage historique. Le Premier ministre a, par ailleurs, annoncé que l'État était prêt à étudier la création d'une « fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats de Maroc et de Tunisie » qui rassemblerait historiens et témoins pour favoriser une approche objective et sereine de cette période si complexe. Ainsi que peut le constater l'honorable parlementaire, le Gouvernement entend donc agir résolument sur toutes les questions, matérielles et symboliques, qui concernent les rapatriés de toutes origines.
Auteur : Mme Ségolène Royal
Type de question : Question écrite
Rubrique : Rapatriés
Ministère interrogé : anciens combattants
Ministère répondant : anciens combattants
Dates :
Question publiée le 15 décembre 2003
Réponse publiée le 16 mars 2004