oeuvres d'art
Question de :
M. Marc Le Fur
Côtes-d'Armor (3e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les nombreux vols d'antiquités et d'objets d'art privés. Le produit de ces vols transiterait beaucoup par la Belgique. Il lui demande de lui indiquer les efforts faits par le gouvernement pour que les mesures adéquates soient prises en Belgique pour lutter contre ces trafics. - Question transmise à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Réponse publiée le 4 mai 2004
La France et l'Italie sont les pays les plus touchés par les vols d'oeuvres d'art ou de biens culturels. Les objets d'art dérobés en France, lors des 5 à 6 000 faits recensés annuellement par l'office central de lutte contre le trafic des biens culturels, proviennent soit des collections publiques lorsqu'il s'agit d'édifices religieux, de musées ou de châteaux-musées, mais bien sûr en majeure partie du patrimoine privé. Le trafic qui s'en suit s'effectue aux niveaux national et international. En effet, l'écoulement des butins dérobés est réalisé, en ce qui concerne les objets les plus communs ou multiples, sur les foires ou déballages organisés dans les régions de France auprès de brocanteurs ou antiquaires indélicats, et au niveau international, pour les objets les plus importants, par l'intermédiaire de filières organisées dont les commanditaires sont majoritairement des marchands installés dans les pays du nord de l'Europe, Belgique, Pays-Bas, mais aussi Royaume-Uni. Le chiffre de ces vols est constant depuis plus de vingt ans et le nombre d'objets d'art dérobés oscille entre 10 000 et 20 000. Leur valeur varie en fonction de leur importance pour le patrimoine national, notamment lorsque ces biens sont inscrits à l'inventaire des monuments historiques ou de pièces uniques. Pour lutter contre ces trafics, la France est l'un des seuls pays en Europe à s'être doté d'une réglementation très précise et contraignante pour permettre le contrôle du marché de l'art au niveau national. Il a, ainsi, été institué la tenue d'un registre de police pour tous les revendeurs d'objets d'art : antiquaires, brocanteurs, mais aussi depuis peu les maisons de ventes volontaires anciennement commissaires-priseurs. La non tenue du registre de police est un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle devient le cas échéant un élément constitutif qui permet de matérialiser l'infraction de recel par l'établissement de la mauvaise foi du professionnel trouvé en possession d'un objet d'art volé. Par ailleurs la France s'est dotée de structures spécialisées. C'est ainsi que l'office central de lutte contre le trafic des biens culturels de la direction centrale de la police judiciaire, créé en 1975, a pour mission de coordonner aux niveaux national et international, la collecte des informations relatives aux vols et au trafic des biens culturels, ainsi que de mener les actions répressives qui en découlent. Il associe en son sein le ministère de l'intérieur, la gendarmerie nationale, l'administration des douanes, et un fonctionnaire de police est détaché auprès du ministère de la culture. L'office gère une base de données informatique dénommée TREIMA, qui recense l'ensemble des vols d'oeuvres et d'objets d'art ou de biens culturels commis sur le territoire national ou signalés par les pays étrangers. Cette base informatique est actuellement en cours d'évolution avec l'intégration d'un logiciel de reconnaissance par l'image qui permettra une interrogation par incrémentation de photographies numériques. Cette modernisation fera de la photothèque française l'outil le plus performant en la matière actuellement utilisé dans un service de police. Au niveau international, le trafic à destination des pays de transit, tels la Belgique, est en forte augmentation depuis plus de vingt ans. En effet, à la libre circulation des biens et des personnes qui permet aujourd'hui au sein de l'Union européenne un déplacement très rapide des butins des lieux de vols vers ces pays de transit, vient s'ajouter le fait que les pays du Nord, peu concernés sur leur sol par des phénomènes de vols d'oeuvres d'art ou de biens culturels de même ampleur n'ont pas eu à se doter d'un arsenal juridique réglementaire ou structurel comparable au nôtre. Si la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni disposent d'une infraction de recel, sa matérialisation est pratiquement impossible compte tenu de l'absence d'éléments permettant d'établir la mauvaise foi du détenteur (pas de livre de police, pas de notion de vil prix, aucun moyen de déterminer l'origine de l'objet). Ces disparités juridiques font de ces pays des lieux de prédilection pour les trafiquants en matière de biens culturels. L'élaboration d'une réglementation et d'une législation communes en la matière constitue un préalable indispensable à toute lutte contre le trafic international. Cependant, les modifications à apporter dans ce domaine pour des pays peu concernés par des phénomènes de vols constituent un véritable bouleversement dans leur tradition de commerce. Ces dispositions leur apparaissent inacceptables alors que seules des dispositions tendant vers une uniformisation des droits et règlements sont de nature à endiguer ce phénomène. Au niveau européen, l'office central de lutte contre le trafic des biens culturels, fort de son expérience, participe activement à Europol au sein d'un groupe de travail thématique, à la mise en place d'une base de données européenne des objets d'art et biens culturels volés. En outre l'office rappelle de façon permanente ses constats et préconisations à l'occasion d'interventions dans les colloques, séminaires ou autres instances au niveau européen.
Auteur : M. Marc Le Fur
Type de question : Question écrite
Rubrique : Patrimoine culturel
Ministère interrogé : culture et communication
Ministère répondant : intérieur
Dates :
Question publiée le 22 décembre 2003
Réponse publiée le 4 mai 2004