croissance
Question de :
M. Jean-Pierre Balligand
Aisne (3e circonscription) - Socialiste
M. Jean-Pierre Balligand appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les perspectives macroéconomiques à moyen terme de la France. Selon un rapport d'information publié à la fin de l'année 2003 par la délégation du Sénat pour la planification, une croissance du PIB de 2 % par an entre 2004 et 2008 ne suffirait ni à résorber le chômage, qui demeurerait durablement à 9,6 % de la population active, ni à réduire le déficit public, qui « resterait égal ou supérieur à 3 % du PIB jusqu'en 2006 ». Il le remercie de lui indiquer comment le Gouvernement entend prendre en compte cette analyse eu égard aux engagements officiels de la France auprès de la Commission européenne.
Réponse publiée le 1er juin 2004
Pour appréhender les perspectives de croissance de l'économie française à l'horizon 2008, les économistes distinguent deux dimensions : une composante conjoncturelle et une composante structurelle, appelée croissance potentielle. La croissance potentielle est la croissance qui résulterait d'une utilisation « normale » des facteurs de production ; elle dépend essentiellement de facteurs démographiques (population en âge de travailler, taux d'activité), du fonctionnement du marché du travail (évolution du « taux de chômage structurel ») et de la productivité, que celle-ci provienne du progrès technique, de l'augmentation de la qualification de la main-d'oeuvre ou d'améliorations organisationnelles. Aujourd'hui, comme indiqué dans le programme de stabilité présenté en décembre dernier, on estime la croissance potentielle à environ 2,25 % par an. En d'autres termes, la France peut croître durablement à un rythme supérieur à 2 % sans générer de déséquilibres au cours des prochaines années. La composante conjoncturelle (« output gqp » dans le jargon des économistes) est la résultante des chocs qui écartent transitoirement l'économie de son sentier de croissance potentielle. Depuis trois ans, la France pâtit ainsi d'une croissance faible, inférieure à ses capacités. Cette composante conjoncturelle est négative, évaluée à - 2,5 % du PIB, ce qui signifie que le taux de chômage est actuellement au-dessus de son niveau « structurel ». La simple résorption de cette composante conjoncturelle permettra le repli du taux de chômage et une croissance transitoirement supérieure à son potentiel. L'amélioration de la conjoncture depuis l'été dernier montre que celle-ci est en cours. La croissance potentielle n'est pas quant à elle une donnée immuable. De nombreuses mesures prises depuis deux ans ont pour objectif d'augmenter la croissance potentielle et contribuent directement ou indirectement à réduire le taux de chômage « structurel » : assouplissement du régime des 35 heures, exonérations de charges, loi pour l'initiative économique... Au total, compte tenu de son potentiel et du rattrapage du retard pris depuis trois ans, la France devrait connaître une croissance sensiblement plus élevée que 2 % au cours des cinq prochaines années : c'est l'explication des deux scénarios de croissance retenus dans notre programme de stabilité : 2,5 % et 3 % par an d'ici à 2007. Quant au déficit public, il n'entretient pas de lien exclusif avec la croissance. Certes, la croissance influe sur le déficit : lorsque la croissance s'affaiblit, comme cela a été le cas ces dernières années, les recettes deviennent dynamiques et certaines dépenses (indemnisation du chômage, RMI, etc.) s'accroissent. On peut ainsi décomposer le niveau du déficit entre sa part conjoncturelle, appelée à disparaître avec le retour de l'activité à son niveau potentiel, et sa part structurelle, que le seul retour de l'activité à son niveau potentiel ne suffira pas à réduire. En 2003, comme indiqué dans le programme de stabilité, le déficit conjoncturel est estimé à 1,2 % du PIB : c'est la part du déficit que va faire disparaître le retour, qui s'engage, de l'activité à son niveau potentiel. Le Gouvernement ne compte toutefois pas sur le seul retour de la croissance pour réduire le déficit public : ce serait clairement insuffisant. Il met en oeuvre une stratégie visant à ramener le déficit public en deçà de 3 % en 2005 et à 1,5 % en 2007 sous l'hypothèse prudente d'une croissance de 2,5 % par an qui ne résorberait pas le retard de demande à l'horizon 2007 (0,7 % en 2007 sous l'hypothèse d'une croissance de 3 % par an). Cette stratégie s'appuie notamment : sur la réforme des retraites, votée par le Parlement à l'été 2003, dont l'effet dans la durée est équivalent à 1,5 point de PIB de réduction pérenne du déficit ; sur la réforme à venir de l'assurance maladie programmée pour cette année, s'inscrivant dans la même logique, celle d'une réforme sociale restaurant la viabilité financière d'un système auquel tiennent les Français ; sur un objectif de stabilisation de la dépense budgétaire, soit un effort de réduction d'un quart de point de PIB par an du déficit public.
Auteur : M. Jean-Pierre Balligand
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Dates :
Question publiée le 20 janvier 2004
Réponse publiée le 1er juin 2004