Question écrite n° 32102 :
hospitalisation d'office

12e Législature

Question de : M. Arnaud Montebourg
Saône-et-Loire (6e circonscription) - Socialiste

M. Arnaud Montebourg appelle l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la procédure d'hospitalisation sous contrainte prévue par la loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Dans sa réponse à la question écrite n° 18110, publiée au Journal officiel de la République française du 21 juillet 2003, par laquelle il l'interrogeait sur la judiciarisation des mesures d'hospitalisation sans consentement, M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées lui indiquait que la recommandation R. (83) 2 du comité des ministres aux États membres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires, précise que la décision de placement doit être prise par un organe judiciaire ou par toute autre autorité appropriée désignée par la loi. Si cette recommandation autorise la France à ne pas recourir à l'autorité judiciaire en matière de placement involontaire des personnes atteintes de troubles mentaux, la recommandation 1235 du Conseil de l'Europe relative à la psychiatrie et aux droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée parlementaire le 12 avril 1994, qui invite le comité des ministres à adopter une nouvelle recommandation préconise, en son article 7, « en cas de placement non volontaire, la décision de placement dans un établissement psychiatrique doit être prise par un juge et la durée du placement doit être précisée ». Cette recommandation, ainsi que les propositions formulées par le comité directeur pour la bioéthique (CDBI) du Conseil de l'Europe dans son Livre blanc sur la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux qui vont dans le sens d'une judiciarisation des mesures d'hospitalisation sans consentement, démontrent que la question de l'autorité en charge de la décision de placement est particulièrement sensible. Elle l'est d'autant plus qu'au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de police des étrangers et de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, la détention de plus de trois jours sans contrôle automatique du juge apparaît contraire au principe de liberté individuelle inscrit dans la Constitution. Or la Convention européenne des droits de l'homme assimile, en son article 5-1 (e), l'hospitalisation sous contrainte à une détention. La loi du 27 juin 1990 semble ainsi contrevenir au principe selon lequel, en droit français, le juge est le seul garant des libertés individuelles. Dans d'autres domaines où sont prises des mesures privatives de liberté ou qui attentent aux droits des personnes, le juge est seul compétent. Dans un contexte de multiplication des litiges et de renforcement de la jurisprudence européenne concernant les garanties juridiques apportées aux personnes atteintes de troubles mentaux en matière de privation de liberté et d'accès aux soins, la question du rapport au droit dans l'exercice psychiatrique et celles de la qualité du sujet de droit et de la citoyenneté du malade mental se posent avec d'autant plus d'acuité en France qu'il s'agit du seul pays européen qui contrevient au principe de la judiciarisation des décisions d'hospitalisation sous contrainte. Aussi il lui demande de bien vouloir lui faire savoir s'il entend prendre, au vu des éléments précédemment développés, toutes les dispositions nécessaires pour que les principes posés par le droit du Conseil de l'Europe et la Convention européenne des droits de l'homme puissent être scrupuleusement respectés s'agissant de l'hospitalisation sous contrainte.

Réponse publiée le 2 mars 2004

S'agissant de la question de la judiciarisation des mesures d'hospitalisation sous contrainte des malades mentaux, la recommandation actuellement en vigueur au plan européen est la R (83) 2 du comité des ministres aux États membres sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentaux et placées comme patients involontaires. Cette dernière recommandation précise notamment que la décision de placement doit être prise par un organe judiciaire ou toute autre autorité appropriée désignée par la loi. Il est vrai que, dans sa recommandation 1 235 de 1994 relative à la psychiatrie et aux droits de l'homme, l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe propose que la décision de placement non volontaire soit prise par un juge. Elle invite le Conseil des ministres à adopter une nouvelle recommandation. Le comité européen pour la bioéthique du Conseil de l'Europe prépare un projet de recommandation du comité des ministres aux Etats membres relatives à la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales des personnes atteintes de troubles mentaux. Les travaux de ce comité sont bien avancés et ne vont pas dans le sens de l'obligation de recourir au seul juge en matière de placement involontaire des malades mentaux. En effet, parmi les définitions retenues figure « l'instance compétente indépendante » qui désigne « un tribunal ou toute autorité, personne ou instance indépendante prévue par la loi, indépendante de la personne ou de l'instance qui propose la mesure ». Le groupe national d'évaluation de la loi du 27 juin 1990 n'a pas pour sa part estimé, dans son rapport de septembre 1997, que le recours au juge plutôt qu'au préfet pour prononcer les mesures d'hospitalisation d'office représenterait une meilleure protection des libertés individuelles, même si le juge judiciaire est le garant de ces libertés. Il lui est apparu au contraire plus judicieux que deux autorités indépendantes l'une de l'autre aient l'une compétence pour la décision, l'autre pour le recours contre cette décision.

Données clés

Auteur : M. Arnaud Montebourg

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchéances et incapacités

Ministère interrogé : santé

Ministère répondant : santé

Dates :
Question publiée le 20 janvier 2004
Réponse publiée le 2 mars 2004

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